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Les initiatives perdent un peu de leur attrait politique

Parmi les initiatives lancées en 2015, l'une demande que l'on retire leurs subventions aux paysans qui coupent les cornes de leurs vaches. Keystone

La longue liste des initiatives et référendums – instruments clef du système suisse de démocratie directe – a continué à augmenter cette année. Mais le vent semble avoir désormais tourné.

Un coup d’œil à l’histoire suisse montre que les citoyens ont eu le dernier mot sur un total de 198 propositions, depuis l’introduction du droit d’initiative, à la fin du 19e siècle (1891). Seulement 22 d’entre elles ont été acceptées jusqu’à présent.

En 2015, cinq nouvelles initiatives ont été lancées, ce qui est bien peu en comparaison des années précédentes.

«Il apparaît que les préoccupations largement répandues au sujet d’un flot ingérable d’initiatives étaient injustifiées», déclare Claude Longchamp, directeur de l’institut de recherche et de sondage gfs.bernLien externe.

Jusqu’à récemment, il y avait des signes montrant que les principaux partis politiques utilisaient les initiatives comme un instrument politique régulier, en particulier avant des élections fédérales.

«Cependant, à l’exception de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), tous les autres principaux partis ont appris que cela paye rarement. Les campagnes coûtent beaucoup d’argent, accaparent du personnel, alors que les résultats dans les urnes sont très incertains», ajoute Claude Longchamp.

Vie civique

Une initiative fédérale permet de soumettre une proposition au peuple. Il faut réunir au moins 100’000 signatures en 18 mois pour qu’un vote soit organisé.

Un référendum permet de contester une décision prise par le parlement. Il faut réunir au moins 50’000 signatures en 100 jours pour qu’un vote soit organisé.

En moyenne, les citoyens suisses se rendent aux urnes quatre fois par an pour des votations fédérales.

Tous les quatre ans, ils sont également appelés à renouveler les deux Chambres du parlement. Les dernières élections fédérales ont eu lieu en octobre 2015. 

Le politologue déclare qu’il est frappant que deux des nouvelles initiatives lancées en 2015 – l’initiative VéloLien externe et l’initiative Davantage de logements abordablesLien externe – mettent l’accent sur des thèmes intéressant prioritairement des citoyens vivant en zone urbaine. Ceux qui vivent dans un environnement rural devraient avoir une compréhension très limitée pour les problèmes soulevés.

Sujet chaud

Lancée par l’Union démocratique du centre, l’une des nouvelles initiatives sort du lot en raison de son fort potentiel de controverse.

«L’initiative Le droit suisse au lieu de juges étrangersLien externe, qui vise à mettre la Constitution suisse au-dessus du droit international, est potentiellement très attractives pour les citoyens, commente Claude Longchamp. Elle touche à la souveraineté et à la neutralité, deux thèmes profondément enracinés dans la mentalité suisse.»

La quatrième initiative – Stop mitage!Lien externe – vise à freiner l’étalement urbain. Elle provient des rangs des Jeunes Verts.

L’éventail habituellement large d’initiatives est complété par une proposition lancée par les organisations d’aide au développement, avec le soutien des syndicats, des Eglises et des partis de gauche. L’initiative Multinationales responsablesLien externe – pour protéger l’être humain et l’environnement – demande que la Confédération prenne des mesures pour que l’économie respecte davantage les droits de l’homme et l’environnement.

Mais pour une fois, deux thèmes habituels des votations fédérales manquent à l’appel. «On remarque l’absence notable d’initiatives sur l’environnement et sur l’immigration, deux thèmes devenus classique depuis les années 1990», note Claude Longchamp.

Aussi des référendums

Au total, six référendums ont également été lancés avec succès en 2015 pour contester des décisions prises par le Parlement.

Le référendum contestant la réforme de la loi sur l’asile prolongera un débat public qui a dominé l’agenda politique ces dernières années. Ce référendum «doit permettre à l’Union démocratique du centre de définir l’ordre du jour et de rester sous les feux de la rampe», indique Claude Longchamp.

Ce n’est pas prioritairement le signe d’une opposition croissante de la société civile ou de groupes minoritaires contre le parlement. Mais cela montre qu’il existe de plus en plus de groupes capables de provoquer un vote à l’échelle nationale en récoltant des signatures dans un laps de temps relativement bref (100 jours).

«Cela va de pair avec une tendance à long terme voulant que le parlement est davantage disposé à approuver des décisions controversées sans nécessairement rechercher un large consensus. Cela a pour résultat que des groupes minoritaires peuvent se sentir exclus et provoquer des scrutins publics», estime Claude Longchamp.

En 2015, les questions soumises au référendum ont été la révision de la loi sur la redevance radio-télévision (acceptée par le peuple en juin), la réfection du tunnel routier du Gothard (vote prévu en février 2016), ainsi que la révision de la loi sur l’asile et le diagnostic préimplantatoire (accepté en juin). La Jeunesse socialiste est par ailleurs encore en train de récolter les signatures pour un référendum contre la nouvelle loi sur le renseignement, qui prévoit un renforcement des moyens de surveillances des services de sécurité.

A noter enfin qu’un référendum et quatre initiatives ont échoué en 2015, faute du nombre de signatures nécessaires.

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Ce contenu a été publié sur Remarque: cette vidéo a été réalisée en 2011. Le paysage politique a changé depuis cette date et les chiffres ne sont plus représentatifs. 

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Surtout des refus

En 2015, les citoyens suisses se sont prononcés sur six thèmes lors de deux votations fédérales. Ils ont pratiquement tout refusé, y compris l’introduction d’un impôt fédéral sur les successions et le remplacement de la TVA par un impôt écologique. Seul l’arrêté fédéral autorisant le diagnostic préimplantatoire pour les embryons a trouvé grâce aux yeux des votants.

Mais les événements politiques qui ont marqué 2015 ont été avant tout le renouvellement du parlement et du gouvernement, respectivement en octobre et en décembre. Ces élections ont vu un renforcement de la droite au détriment du centre.

(Traduction de l’anglais: Olivier Pauchard)

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