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Le tunnel routier du Gothard au coeur d’un vif débat

Il y a trente ans, la Suisse fêtait l'ouverture du tunnel routier du Gothard. Keystone

Trente ans, l’âge de raison. Mais jamais depuis son inauguration, le 5 septembre 1980, le tunnel routier du Gothard, qui nécessite d’importants travaux d’assainissement, n’a autant polarisé la politique des transports en Suisse.

Alors que tous les regards sont tournés vers la Nouvelle Ligne Ferroviaire Alpine (NLFA), dont la Confédération célébrera prochainement la fin du percement du tunnel de base du Gothard (15 octobre 2010), la galerie routière, construite sous le massif éponyme et qui relie Airolo (TI) à Göschenen (UR), s’apprête à souffler ses trente bougies.

Trente années de bons et loyaux services pour la Suisse comme pour le reste de l’Europe, puisque le tube bidirectionnel de près de 17 km représente en quelque sorte un cordon ombilical entre le nord et le sud du Vieux continent.

Créé pour faire face au «boom de l’automobile », l’ouvrage s’est rendu de plus en plus indispensable. Mais le temps et plus de 7 millions de véhicules à moteur qui le traversent chaque année ont laissé des traces. Un ravalement de même que la mise à jour d’une partie de ses infrastructures, notamment celles concernant la sécurité, s’imposent.

Top secret

Parmi les travaux retenus nécessaires, figure notamment le rehaussement de la voûte d’une trentaine de centimètres au moins, pour être portée à 4,8 mètres, voire davantage. Le système d’évacuation des eaux à l’intérieur du tube doit lui aussi être remplacé.

Quant aux infrastructures de sécurité, des adaptations aux normes actuelles doivent être apportées à la ventilation, aux issues de secours ainsi qu’à la signalisation à l’intérieur et à l’extérieur du tunnel. La galerie de secours devrait elle aussi être élargie.

En décembre 2008, le DETEC avait chargé quatre bureaux d’ingénieurs d’analyser et d’établir l’inventaire détaillé des travaux à réaliser et de quantifier le temps requis par la réalisation de ces travaux.

Motus

Le brûlant dossier est désormais à l’étude au sein du DETEC, sans que le moindre élément n’aie filtré pour l’heure. Avant l’administration fédérale, les bureaux d’ingénieurs avaient déjà été priés de maintenir le secret sur leurs travaux. Cela n’a pas empêché les fuites.

Au mois de juin dernier, le chiffre 1000, pour mille jours de travaux nécessaires pour remettre le tunnel en état, avait été lâché dans les médias. Ces derniers évoquaient également la possibilités d’une fermeture totale de l’ouvrage durant 180 ou 280 jours. «Nous ne pouvons pas confirmer ces chiffres en l’état. Cela dépendra de la variante qui sera choisie. C’est bien trop tôt pour le dire. Nous ne sommes pas sortis du tunnel », souligne avec une pointe d’ironie Françoise Tschanz, porte-parole de l’OFROU .

Dès la fin septembre, le département soumettra les variantes envisageables à l’étude des différents offices à l’interne. Ensuite de quoi, un rapport sera remis au Conseil fédéral. «Ce dernier remettra son message au Parlement dans le courant du mois de novembre, au plus tard à la fin de l’année», précise Françoise Tschanz. Les édiles pourraient se prononcer sur l’une des variantes qui leur seront soumises dans le courant de 2011.

Décision dans les urnes?

Mais il n’est pas exclu que le peuple ait le dernier mot. C’est ce qu’avait notamment laissé entendre Ulrich Giezendanner, qui estime que «c’est au citoyen de trancher dans cette affaire». Le député UDC (Union démocratique du centre / droite conservatrice) au Conseil national et patron d’une entreprise de transport de marchandises faisait récemment remarquer, devant les caméras de la télévision alémanique SF, que «vouloir transférer toutes les voitures qui transitent par le tunnel routier au rail, est une aberration».

Le bouillonnant argovien entend profiter de la session des Chambres fédérales de cet automne pour déposer une initiative parlementaire en faveur de la construction d’un second tube au Gothard. Mais la partie n’est pas gagnée d’avance. Le cheminement politique et la phase de planification d’un tel ouvrage demanderaient près de huit ans.

Pour rappel, si le deuxième tunnel venait, le cas échéant, à augmenter la capacité de la galerie, cela irait à l’encontre de l’article constitutionnel introduit en 1994, et par lequel la majorité du peuple et des cantons demandaient la protection des Alpes.

L’anxiété des cantons riverains

En attendant un hypothétique second tube sous la montagne, le projet d’assainissement de l’ouvrage actuel (bidirectionnel) et ses variantes, promettent encore quelque belles empoignades sous la Coupole fédérale.

La tension pourrait aussi grimper d’un cran du côté des cantons riverains de l’axe du Gothard, soit Uri et le Tessin. Directement touchés et traversés par l’autoroute Bâle-Chiasso A2, ils ne se sentent pas toujours écoutés comme ils le souhaiteraient par la Berne fédérale.

Le conseiller d’Etat (sénateur) Joseff Dittli est sur ses gardes. Le ministre uranais faisait remarquer en mai, dans la presse alémanique, qu’il avait « le sentiment que l’OFROU tente d’imposer la variante qu’il privilégie ».

Au sud de l’ouvrage, Marco Borradori et Luigi Pedrazzini, respectivement patrons des départements du territoire et des institutions au Tessin, avaient cosigné une missive adressée il y a près de 4 mois à Moritz Leuenberger pour exiger d’être associés à la planification de l’assainissement du tunnel.

Encore sous le coup du tragique accident qui avait causé la mort de 11 personnes en octobre 2001 et entrainé la fermeture de la galerie durant deux mois, le Tessin redoute de se trouver une fois de plus isolé et coupé du reste de la Suisse, comme du nord de l’Europe. D’autant que cette fois, la fermeture pourrait durer plusieurs années.

Nicole della Pietra, swissinfo.ch

novembre 1969. préparation du site en vue des travaux de percement

5 mai 1970. début officiel des travaux

26 mars 1976. le percement du tunnel d’accès est achevé

16 décembre 1976. fin du percement du tunnel principal

avril 1978. fin des travaux sur la structure du tunnel

5 septembre 1980. ouverture du tunnel

Le 24 octobre 2001, une collision entre deux camions provoque la mort de 11 personnes. La facture des dégâts s’élève à quelque 14 millions de francs. Le tunnel restera fermé durant deux mois.

Pour accroître la sécurité à l’intérieur du tube bidirectionnel, l’infrastructure du tunnel a fait l’objet de divers travaux, dont le renouvellement de la ventilation et l’amélioration de la signalisation des issues de secours et de la sonorisation.

Des dispositions ont aussi été prises au niveau de la gestion de la circulation, avec le système dit du compte-gouttes. Ce dernier a permis de stabiliser le passage du nombre de camions à environ 3500 par jour en moyenne.

En 2008, les cantons d’Uri et du Tessin, riverains de l’axe du Gothard, ont déposé chacun une initiative demandant à la Confédération d’accélérer le transfert des marchandises de la route au rail, notamment par la mise en place d’une bourse du transit alpin.

Depuis décembre 2008, quatre bureaux d’ingénieurs ont établi l’inventaire détaillé des travaux nécessaires ainsi que du temps nécessaire pour les réaliser.

Actuellement en consultation au DETEC, le dossier sera remis au Conseil fédéral vers la fin septembre. Ce dernier pourrait présenter son message aux Chambres fédérales avant la fin de l’année.

Près de 1000 jours de travaux seraient nécessaires, entrainant la fermeture complète de l’ouvrage pour une période qui pourrait aller de 180 à 280 jours selon la variante choisie.

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