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Privés d’Erasmus, les étudiants suisses se mobilisent

Le 20 février, des étudiants ont manifesté une première fois devant le Palais fédéral. Keystone

L’UE l’a confirmé mercredi. La Suisse perd son accès privilégié au programme d'échange d'étudiants "Erasmus+" pour l'année académique 2014-15. Comme le relève la presse, les étudiants se mobilisent, tout comme les autorités politiques et universitaires.

« Nulli concedo » (Je ne fais de concessions à personne). C’était la devise du grand humaniste européen Erasme, mort à Bâle en 1536. Une devise qui résume l’état actuel des relations entre la Suisse et l’Union européenne, après le vote du 9 février restreignant l’immigration en Suisse.

Mercredi, le commissaire européen László Andor a confirmé que la Suisse ne participera au programme d’échange d’étudiants “Erasmus+” qu’en tant qu’Etat tiers lors de l’année académique 2014-15. Un même statut lui sera attribué en 2014 dans le programme de recherche Horizon 2020″, en l’absence d’un accord international précisant les conditions de son association à ce projet. Les soumissions de projets suisses seront considérées en conséquence.

La Commission européenne avait suspendu les négociations sur la participation suisse aux programmes “Horizon 2020” et “Erasmus+” après la votation du 9 février suivie de la décision du gouvernement suisse de suspendre l’élargissement de la libre circulation à la Croatie.

Depuis lors, Berne a indiqué poursuivre ses discussions internes sur l’extension de la libre circulation à ce pays des Balkans jusqu’à début avril. Une perspective qui n’a pas incité László Andor à faire preuve de souplesse: «Nous avons besoin d’une réponse rapidement. Le “business as usual” n’est pas une option. »

Depuis 1992, date de l’instauration d’Erasmus dans le pays, plus de 26’000 Helvètes ont pu bénéficier d’une bourse pour étudier un an au maximum à l’étranger.

La Suisse accueille davantage d’étudiants européens (24’261 depuis 2001) qu’elle ne délivre de bourses Erasmus (22’363 depuis 2001).

La Confédération verse plusieurs millions de francs suisses par an à ce titre (8 millions environ en 2012) à la Fondation pour la collaboration fédérale qui se charge ensuite d’attribuer les bourses Erasmus.

Mobilisation étudiante

Suite à cette confirmation, l’Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES) se déclare « choquée, mais pas surprise ». L’UNES rappelle que la suppression des accords Erasmus et Horizon 2020 est un pas en arrière énorme qui ne frappe pas uniquement les étudiants et les chercheurs suisses.

«Avec cette suspension des accords, une première génération d’étudiants voit la dimension internationale de sa formation sacrifiée. Espérons qu’elle ne sera pas suivie par d’autres », a relevé Tatiana Armuna, membre du comité exécutif de l’UNES, qui appelle à une manifestation des étudiants le 1er mars devant le siège du gouvernement et du parlement à Berne.

  

Dans sa dernière livraison, L’Hebdo se demande justement : «Jusqu’où ira la génération du 9 février ? », avec à la clé un dossier consacré à cette jeunesse étudiante qui se mobilise via les réseaux sociaux.

Vice-président du think tank foraus-Forum de politique étrangère, Johan Rochel y plaide le sursaut : «Le choc passé, les réseaux sociaux ont commencé à résonner de mille bruits, les échange d’e-mails à tourner à plein régime. Peu après, les assemblées de fond de cafés ont pris le relais. Dix jours après le vote, le résultat porte à la surface une formidable envie de se battre pour une autre Suisse. Partout, l’énergie libérée par ce vote du 9 février est palpable. »

Mobilisation, c’est également ce que veut la Jeunesse socialiste en lançant une pétition en ligne. Son président David Roth explique que le programme d’échange Erasmus est bien plus qu’une possibilité d’étudier à l’étranger: «Il s’agit d’un symbole que ni notre formation, ni notre avenir ne s’arrêtent aux frontières du pays. »

Réactions gouvernementales

De son côté, la ministre en charge de la formation Doris Leuthard  n’a pu que constater à la radio publique francophone RTS: « Nous avons un résultat qu’il faut accepter et ses conséquences étaient connues. Il faut maintenant trouver des solutions avec l’UE qui est libre dans ces décisions.»

«Nous sommes définitivement exclus des programmes Erasmus 2014 », constate Gaétan Lagger, conseiller scientifique au Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI). L’expert espère néanmoins que la Suisse pourra à nouveau y participer en 2015 : «Nous nous attelons à trouver une solution de transition.»

En attendant, les étudiants exclus d’Erasmus pourront peut-être compter sur un soutien financier de la Confédération (gouvernement). C’est ce que suggère le quotidien Le Temps : « S’agissant des Suisses, les bourses, d’environ 200 euros par mois, pourraient être reprises par la Confédération, selon un système que la Suisse a déjà dû appliquer par le passé.

Cela réglerait au moins l’aspect financier, et c’est la raison pour laquelle les responsables des affaires internationales des universités ont dit aux étudiants, pendant ces jours de doute, de s’inscrire malgré tout, afin de pouvoir évaluer les besoins. Dans le cas d’une prise en charge par Berne, il restera à préciser le sort des bourses des étudiants européens venant en Suisse », détaille le journaliste Nicolas Dufour.

C’est avec cette perspective que l’Université de Genève est à la recherche d’alternatives. «Nous continuerons à recevoir des candidatures qui seront traitées et nous essayerons de faire partir un maximum d’étudiants », assure Olivier Vincent, en charge du programme pour l’institution genevoise.

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