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Encore du chemin à faire en matière de parité des sexes

Les femmes restent encore très souvent en minorité dans les débats politiques. Keystone

Les élections fédérales vont-elle relancer la lente avancée des femmes au Parlement ou confirmer le coup d’arrêt de 2011? Les perspectives ne sont pas prometteuses, mais le lobby des femmes passe à l’attaque, invitant à voter pour des candidates qui ont des chances d’être élues et non pas pour des «bouche-trous».

Certes, il n’y a jamais eu autant de femmes pour briguer un siège au Conseil national (Chambre du peuple); l’Office fédéral de la statistique livre le chiffre de 1308 candidates. Mais du côté des hommes aussi, le nombre de 2480 candidats constitue un record. Du coup, la part de femmes en lice n’est que de 34,5%, ce qui est loin d’être un bon résultat.

La part de femmes voulant siéger au Conseil des Etats (Chambre haute) est encore plus faible. On dénombre un total de 34 femmes sur 160 candidats, soit un taux de 21,2%.

Trouver des femmes prêtes à se porter candidates est difficile, soulignent en chœur Madeleine Amgwerd, vice-présidente des Femmes PDCLien externe (Parti démocrate-chrétien / centre-droit), Claudine Esseiva, secrétaire générale des Femmes PLRLien externe (Parti libéral-radical / droite) et Judith Uebersax, présidente des Femmes UDCLien externe (Union démocratique du centre / droite conservatrice).

C’est en premier lieu lié à la subdivision traditionnelle des rôles, qui prévaut encore dans la société suisse. «Concilier travail et famille est déjà compliqué. Si on y ajoute encore la politique, cela devient vraiment très difficile», déplore Claudine Esseiva.

Judith Uebersax attribue plutôt la raison du manque de candidates au processus politique. «Il y a trop de jeux de pouvoir dans la politique, ce qui effraie les femmes», dit-elle.

Le rôle des partis

Mais si la réticence naturelle des femmes à se lancer en politique est un fait, il est aussi indéniable que les partis qui veulent vraiment faire élire des femmes y parviennent. Les chiffres le prouvent, souligne Etiennette J. Verrey, présidente de la Commission fédérale pour les questions fémininesLien externe.

En effet, la proportion de candidatures féminines varie fortement selon le parti. Et les partis ou hommes et femmes partent sur un pied d’égalité dans les listes de candidatures – soit les Verts et le Parti socialiste – sont les mêmes qui parviennent à la parité des genres parmi leurs représentants au Conseil national. A contrario, le parti avec la plus basse proportion de candidates (l’UDC) et aussi celui qui a la plus faible part de femmes dans sa députation.

swissinfo.ch

Le rôle des médias

Le projet «Votez femmes!» comprend aussi une étude confiée à l’Université de Fribourg pour analyser la présence des candidates et des candidats dans les médias durant la campagne électorale 2015.

Des recherches analogues réalisées lors des élections fédérales de 1999 et 2003 avaient par exemple montré que les candidates obtiennent moins d’espace que leurs collègues masculins, rappelle Etiennette J. Verrey, présidente de la Commission fédérale pour les questions féminines.

Il faut maintenant vérifier si les médias en ont tiré les leçons. Si, au contraire, ils continuer à pénaliser les femmes, il faudra trouver des mesures pour y remédier.

Malgré l’importance croissante d’Internet et des réseaux sociaux, la télévision, la radio et les journaux restent en effet primordiaux lors d’une campagne, souligne la présidente de la commission. 

«Pour faire avancer l’égalité, les partis ont une grande responsabilité: ils devraient recruter des candidates et présenter ce que l’on appelle des listes zèbre sur lesquelles hommes et femmes se suivent de manière alternée. Si les femmes sont inscrites aux dernières positions des listes, elles n’ont pratiquement aucune chance d’être élues, observe la présidente de la Commission fédérale.

Tant les Femmes PDC que les Femmes PLR n’ont de cesse de sensibiliser les responsables cantonaux de leurs partis à promouvoir les candidates sur les listes électorales, assurent Madeleine Amgwerd et Claudine Esseiva. Mais la parité des sexes semble encore lointaine sur les listes de ces deux partis bourgeois traditionnels.

De leur côté, les Femmes UDC ne veulent pas entendre parler de promotion des candidatures féminines. «Le parti a diverses offres pour la promotion des candidatures, mais elles s’adressent toutes indistinctement aux hommes et aux femmes», précise Judith Uebersax.

Surmonter les obstacles partisans

Le retrait de l’UDC apparaît aussi très clairement dans les projets destinés à soutenir les candidates, indépendamment de leur parti. A commencer par Votez femmes!Lien externe, lancé par la Commission fédérale pour les questions féminines en collaboration avec une coalition d’organisations féminines.

Sur les 71 femmes qui siègent actuellement au Parlement, 52 participent à la campagne destinée à inciter à voter pour des femmes aux élections fédérales du 18 octobre. Mais cette opération de sensibilisation est snobée par l’UDC; une seule de ses représentantes au Parlement y prend part.

Malgré cette absence, Etiennette J. Verrey est satisfaite de l’adhésion au projet, ainsi que du fait qu’on en parle dans les médias. «Une grande partie de l’opinion publique a l’impression que l’égalité a été atteinte et qu’il n’est plus nécessaire de promouvoir les femmes, non seulement en politique, mais dans la société en général. Elle ne se rend pas compte que la réalité est bien différente. Notre action permet d’en parler et de faire prendre conscience aux citoyens de l’importance de voter et de soutenir les femmes», déclare la présidente de la commission.

Pas de «femmes alibi»

Suisse mal classée

Les femmes sont nettement sous-représentées au Parlement suisse. Elles représentent 31% de la Chambre du peuple et 19,6% de la Chambre des cantons.

La Suisse se positionne ainsi au 36e rang du classementLien externe mondial des femmes dans les parlements nationaux, établi par l’Union interparlementaire.

Pour faire progresser la part des femmes au Parlement, il faut cependant voter pour les candidates de manière ciblée, avertit l’Alliance de sociétés féminines suissesLien externe (AllianceF) qui intervient dans la dernière ligne droite de la campagne électorale avec un plan d’action baptisé «Voter futé».

Le lobby national, qui réunit plus de 150 organisations féminines et représente les intérêts d’environ 400’000 femmes, a déterminé quelles sont les candidates qui ont de réelles possibilités d’être élues ou d’être les premières viennent-ensuite. Il leur a ensuite envoyé un questionnaire pour vérifier leur implication en faveur des principales revendications d’AllianceF. «Pour bénéficier de notre soutien, elles doivent partager au moins sept de nos dix revendications», précise Kathrin Bertschy, co-présidente d’AllianceF.

Sur la base des résultats, AllianceF a composé des tickets féminins pour lesquels elle recommande de voter. En plus de défendre ces candidatures auprès de ses organisations membres qui à leur tour les diffusent parmi leurs propres membres, AllianceF publie sur Internet les profils et les réponses des candidates soutenues. De plus, elle invite explicitement à ne pas distribuer de votes qui avantageraient des hommes au détriment de femmes.

«Le système électoral, avec ses apparentements et ses sous-apparentements, est tellement complexe qu’il est difficile de voir de manière claire à qui profite effectivement chaque vote: nous voulons de la transparence», déclare Kathrin Bertschy. Selon elle, ce devrait être «seulement le premier pas d’un processus de prise de conscience sur le fonctionnement du système électoral qui conduit ensuite à voter de manière stratégique».

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(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)

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