Des perspectives suisses en 10 langues

Italianité en Suisse: entre espoir et scepticisme

La table ronde a été ouverte par Marco Solari (à droite), président du Festival du film de Locarno. KEYSTONE/TI-PRESS/CARLO REGUZZI sda-ats

(Keystone-ATS) Le gouvernement tessinois a profité de la plate-forme du Festival du film de Locarno pour organiser, pour la première fois mercredi, un débat sur le thème de l’italianité en Suisse. Le bilan oscille entre espoir et scepticisme.

La table ronde, organisée sur les hauteurs de Locarno, a été ouverte par Marco Solari, président du Festival du film, qui a rappelé l’importance “culturelle et linguistique” de la manifestation dans le panorama national. Il a lancé un appel à la Confédération afin qu’elle continue à soutenir l’événement.

La présidente du Conseil d’Etat fribourgeois Marie Garnier, en charge du département des institutions de son canton, a estimé que “l’ensemble des cultures fait la force de notre nation. Il faut faire des efforts pour apprendre et comprendre la culture des autres régions linguistiques”, a-t-elle précisé à l’ats.

“Il s’agit donc de renforcer la cohésion également dans le domaine du plurilinguisme qui est à la base de la compréhension et des échanges réciproques”, selon elle.

La conseillère d’Etat grisonne Barbara Janom Steiner, directrice du département des finances, est d’avis que “pour redorer le blason de la langue italienne en Suisse, tous les cantons doivent faire un effort, la Confédération à elle seule ne peut pas y parvenir.”

“Les efforts d’Achille Casanova”

Le débat est entré dans le vif du sujet avec Paolo Beltraminelli, président du gouvernement tessinois, qui a retracé les particularités linguistiques, culturelles, économiques, sociales et géographiques du canton du sud des Alpes. Il a ainsi rappelé les problèmes liés au voisinage du géant industriel qu’est la Lombardie, aux frontaliers (un travailleur sur quatre au Tessin vient d’Italie voisine), à la mobilité, au dumping salarial et au travail au noir.

S’exprimant indifféremment dans les trois langues officielles de la Confédération, M. Beltraminelli a aussi rappelé le rôle important joué par l’ex-chancelier de la Confédération, le Tessinois Achille Casanova, récemment décédé: “Durant les décennies passées à Berne, il a beaucoup œuvré pour la reconnaissance de la langue italienne au sein du gouvernement fédéral et nous devons poursuivre sa tâche.”

“Le chemin est encore long”

Pour sa part, Ignazio Cassis, conseiller national tessinois (PLR) et président du Groupe interparlementaire pour l’italianité, n’a pas mâché ses mots: “Il ne faut pas se leurrer, l’italien comme langue officielle doit faire encore beaucoup de chemin, que ce soit au sein de l’administration fédérale – trop de documents sont encore uniquement rédigés en allemand et français – ou au Conseil national”.

“En théorie chaque parlementaire peut prendre la parole dans sa langue, mais si je devais le faire dans la mienne trop peu de collègues me comprendraient. Je lance un appel aux cantons pour qu’ils interviennent rapidement, il en va de la sauvegarde de la troisième langue nationale”, s’est-il exclamé.

10% de la population

Manuele Bertoli, directeur du département tessinois de l’éducation, de la culture et des sports, faisant fi de l’italianité, a choisi de s’exprimer en français, par ailleurs langue officielle du Festival de Locarno.

“L’italien est une langue officielle reconnue comme telle par la Confédération et plus de 10% de la population de notre pays est de langue maternelle italienne. A ce pourcentage s’ajoutent les personnes bilingues (Italiens de deuxième ou troisième génération) et les Suisses qui ont étudié l’italien”, a-t-il relevé.

“En Suisse”, a poursuivi Manuele Bertoli, “le plurilinguisme est inscrit dans l’ADN, il faut donc le cultiver sans oublier la langue de Dante qui doit aussi être reconnue dans les institutions. Pour ce qui est de l’enseignement de l’italien dans les écoles suisses, l’offre doit être meilleure, il ne faut pas se contenter de cours du soir dans les sous-sols.”

Les professeurs universitaires de langue et culture italiennes à Saint-Gall et Zurich Renato Martignoni et Tatiana Crivelli ont quant à eux retracé l’importance du troisième idiome national dans la vie sociale et la quotidianité – termes italiens toujours plus répandus en Suisse alémanique notamment – ainsi que dans la formation.

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