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Pourquoi les Suisses investissent peu en Iran

Le président de la Confédération Johann Schneider-Ammann avec Hassan Rohani, son homologue iranien en février dernier à Téhéran , lors d'une visite d'Etat. Keystone

Avec la levée des sanctions, le potentiel commercial avec l'Iran est énorme, selon l'ancien ambassadeur de Suisse à Téhéran Philippe Welti. Alors, pourquoi n’y a-t-il pas plus d'entreprises qui sautent sur l'occasion?

Philippe Welti fait valoir que le marché iranien est diversifié avec une base industrielle solide en manque de modernisation. A terme, ce marché pourrait aussi devenir une porte d’entrée vers la Syrie et l’Irak.

Président de la Chambre économique Suisse-Iran, Philippe Welti poursuit: «La région est dans un grand désordre. Mais l’Iran est le seul pays qui ne soit pas dans le chaos. Une fois que les autres pays commenceront à se stabiliser, la reconstruction de la région viendra de l’Iran. Les entreprises ont besoin d’avoir une vision à long terme de la région.»

«L’Iran connait la stabilité et l’ordre, ajoute-t-il. Quand le pays aura pleinement réintégré la communauté mondiale, il sera en mesure de démontrer son influence naturelle dans la région. Il ne serait pas exagéré de supposer que le Golfe Persique puisse redevenir persan.»

Les possibilités offertes par ce pays de 80 millions d’habitants peuvent être lucratives, selon Vincenzo Carrieri, chef de la direction d’Epimedical, une entreprise spécialisée dans le matériel orthopédique et qui a repris ses activités en Iran lorsque les sanctions ont été levées.

«Compte tenu de la taille de ce marché, l’Iran peut être considéré comme l’Allemagne du Moyen-Orient, dit-il à swissinfo.ch. La vérité est que la plupart des sanctions sont toujours en place, mais si l’Iran est autorisé à se développer comme marché ouvert, je m’attend à un très bon taux de croissance pour le commerce.»

Prudence helvétique

Mais pour les entreprises suisses, le commerce avec l’Iran est loin d’avoir explosé depuis que les États-Unis et l’Union européenne ont partiellement levé les sanctions en janvier dernier. Les exportations suisses vers l’Iran n’ont augmenté que de 2,5% au cours des sept premiers mois de cette année par rapport à la même période en 2015. Dans le même temps, le commerce de l’Allemagne avec l’Iran a augmenté de 15%.

Il est peut-être trop tôt pour interpréter ces statistiques. La reconstruction de l’Iran prendra des décennies. Mais une série de questions restent en suspens. Et ce en lien avec les guerres qui se déroulent à ses frontières.

Les banques, y compris les institutions suisses, ne veulent pas risquer des amendes potentiellement massives en s’engageant avec l’Iran, ce qui a produit un trou noir virtuel dans le traitement des paiements. Les élections présidentielles américaines pèsent également dans la balance, puisque le candidat Donald Trump menace de démanteler l’accord entre Washington et Téhéran, s’il est élu.

Cela dit, l’Allemagne, l’Italie, la France et la Grande-Bretagne ont pris une longueur d’avance sur la Suisse, en envoyant plus tôt qu’elle des délégations commerciales en Iran.

De leur côté, les grandes entreprises suisses déjà présentes en Iran, comme ABB, Roche et Nestlé, font preuve de prudence. En général, ces entreprises ont déclaré à swissinfo.ch qu’elles continuaient d’évaluer la situation, tout en notant que certaines sanctions s’appliquent toujours à l’Iran.

Encore des sanctions

Même les entreprises allemandes s’en plaignent. «Le développement est très en retard sur nos attentes, à cause des sanctions encore en place», a déclaré au Wall Street Journal Gregor Wolf, directeur des affaires européennes et internationales à la Fédération allemande du commerce extérieur en gros et des services. «Les entreprises ont peur des représailles américaines.»

Switzerland Global Enterprise (s-ge), l’agence gouvernementale qui aide les petites et moyennes entreprises (PME) à prendre pied à l’étranger, a reçu beaucoup de demandes de la part d’entreprises suisses – notamment dans les domaines des dispositifs médicaux, de l’ingénierie, de la nourriture, des machines, du tourisme et des logiciels.

«Les entreprises sont à la recherche de partenaires afin de percer sur le marché», précise Suhail El Obeid spécialiste de l’Iran chez s-ge.

La plupart des entreprises contactées par swissinfo.ch ont préféré ne pas commenter, invoquant le fait de se trouver au milieu d’une planification délicate.

Mais il y a encore des gens pour croire que les obstacles sont surmontables. L’infrastructure financière est peut-être limitée, mais il y a quelques options. Certaines banques à Dubaï sont prêtes à faciliter les transactions dans et hors d’Iran et d’autres peuvent utiliser des systèmes alternatifs de transfert d’argent pour en envoyer de petites quantités. En outre, le régime de garantie des risques à l’exportation du gouvernement suisse a été renforcé pour le marché iranien.

«Les entreprises d’Iran ne peuvent pas satisfaire le même niveau de qualité que les produits suisses», relève Vincenzo Carrieri. «L’Iran est un marché intéressant. Mais vous avez besoin d’établir des relations solides, construire étape par étape et être persévérant».

Iran: ouvert aux affaires

Les ministres iraniens sont arrivés au Forum économique mondial de Davos en janvier, peu après que les Etats-Unis et l’Union européenne ont commencé à lever une partie des sanctions.

«L’Iran a déjà une économie forte qui a prouvé sa résilience au cours de ces longues années de sanctions», a déclaré Mohammad Agha Nahavandian, chef de cabinet de la présidence de l’Iran. Nous sommes ouverts à toute proposition constructive pour de nombreux projets prioritaires. Malheureusement, en raison des sanctions excessives, l’économie mondiale n’a pas profité de cette opportunité économique.»

Mohammad Agha Nahavandian a souligné les opportunités dans des projets d’infrastructures de transport, l’exploitation minière, les TIC et l’industrie hôtelière. Il a ajouté que l’Iran était prêt à respecter pleinement les règles de l’Organisation mondiale du commerce.

«Nous avons fait beaucoup de travail au cours des deux dernières années pour améliorer l’environnement des affaires. Le gouvernement prend très au sérieux la réduction des formalités administratives pour faciliter le commerce. Le message de l’économie iranienne est que son marché a la capacité d’être l’économie émergente la plus prometteuse dans les décennies à venir.»

Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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