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Cinemed: la belle effervescence post-révolution du cinéma tunisien

(Keystone-ATS) Le cinéma tunisien, bridé pendant les deux décennies de règne de Ben Ali, connaît un véritable renouveau depuis la “révolution du jasmin”. Il s’autorise désormais à aborder les réalités sociales et l’intimité.

C’est le constat dressé lors du 38e festival international du cinéma méditerranéen (Cinemed) de Montpellier. Il célèbre cette semaine ce “Printemps tunisien” avec une vingtaine de films à l’affiche et une forte présence de réalisateurs et producteurs tunisiens.

“Il y a, à l’heure actuelle, un vivier de cinéastes tunisiens qui ont du talent et envie de s’exprimer”, souligne Christophe Leparc, directeur de Cinemed et secrétaire général de la Quinzaine des réalisateurs de Cannes.

Anissa Daoud, actrice et productrice franco-tunisienne, se réjouit du “foisonnement d’un cinéma ayant les pieds ancrés dans le sol tunisien et la tête dans les problématiques du monde actuel”. Elle fait état d’un “grand désir de voir des images du réel” dans la Tunisie post-révolution.

Thermomètre d’une démocratie

“Le cinéma antérieur pouvait être politique mais pas de manière frontale”, explique la productrice Dora Bouchoucha. “Il n’y avait pas de documentaire ou alors sur la danse ou le patrimoine…”

“Le documentaire, c’est le thermomètre d’une démocratie”, renchérit la réalisatrice Kaouther Ben Hania. Or, sous le régime de Zine El Abidine Ben Ali, renversé en 2011 par une révolte populaire, “seul le pouvoir avait le droit de transmettre le réel à travers sa propagande”.

Au-delà de la censure pratiquée auparavant, “c’est surtout l’autocensure qui a disparu”, relève Mme Bouchoucha.

Force libératrice

Lors du soulèvement populaire de 2010-2011, “beaucoup de jeunes ont pris des caméras et sont allés au front”, raconte la réalisatrice Raja Amari.

“Souvent la révolution est en toile de fond” des films tunisiens de ces cinq dernières années, mais “on s’intéresse davantage aux thématiques sociales et à l’intime qui sont universels”, analyse Kaouther Ben Hania. “On a assisté à l’Histoire en mouvement et ce qui s’est passé pendant la révolution mérite réflexion, temps et distance”.

“Cette révolution a peut-être donné une force qui libère la tête”, avance Leyla Bouzid, réalisatrice de “A peine j’ouvre les yeux” (2015), qu’elle qualifie de “travail de mémoire”.

Dans ce film bourré d’énergie sur la soif de liberté de la jeune génération lors des années de dictature, la trentenaire a eu envie “d’aborder de manière directe les 20 années d’Etat policier, l’ambiance de peur dans laquelle on a vécu”.

“Il y a dix ans, on produisait deux ou trois films par an en Tunisie, aujourd’hui on en est à 15 ou 20”, ajoute Mohamed Ben Attia, dont le long-métrage “Hedi” a remporté le prix de la meilleure première oeuvre à la Berlinale 2016.

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