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Le temps rouge et noir de Grégoire Dufaux

Le goût des symboles et des teintes fortes.

Pendant un mois, les œuvres du jeune artiste neuchâtelois seront exposées à la 'Cité du temps' à Genève.

Regards fugaces, instants d’une corrida imaginée, entrelacs de couleurs explosives et de pièces de montre figées dans un présent continu…

Le ‘Pont de la Machine’, au cœur de Genève. Sur celui-ci, un bâtiment industriel datant de 1841, bâtiment que le groupe Swatch, en 2006, a transformé en espace dédié à l’horlogerie et surtout, en vitrine permanente. Restaurant, accrochage des collections maison, événements divers et expositions d’artistes font de ce lieu, situé à deux pas du jet d’eau, un endroit chic et branché.

«Pour moi, c’est un rendez-vous avec le hasard… je ne pensais pas du tout me retrouver là», relève Grégoire Dufaux, dont c’est la première grande exposition. Regard dynamique, chemise blanche, veston, le jeune Neuchâtelois a les yeux qui brillent.

Charmeur, il a l’assurance de ceux qui en rajoutent un peu pour mieux maquiller les doutes qui sont en eux. A commencer par l’inquiétude de celui qui, en pur autodidacte, n’a pas suivi le cursus réglementaire.

Comment est-il venu aux beaux-arts? «Je crois que ce n’était pas une envie, mais un besoin de m’exprimer. La peinture, le dessin, la sculpture, c’était les domaines où je m’exprimais le mieux, ceux où je suis le plus à l’aise», répond-il.

Alors, au-delà des formations avortées et des jobs alimentaires, entêtante et entêtée, la création artistique le suit, à moins que cela ne soit l’inverse.

A contre-courant

Encore tout jeune, à l’âge où l’on rêve de filer à New York ou à Londres, Grégoire Dufaux est allé suivre des stages artistiques à Carrare, en Italie, et à Thasos, en Grèce. Vision romantique des beaux-arts?

«Oui, c’est exactement ça. Aller sur les lieux, ressentir leur énergie», répond Grégoire Dufaux, qui admet que «c’était des expériences de jeunesse… on croit que cela apporte beaucoup de choses, mais c’est un mythe!»

A contre-courant encore, lorsqu’il évoque le fait que nombre de ses toiles ont été peintes grâce à la passion qu’il a pour l’histoire et la philosophie. C’est-à-dire? «Je suis passionné par plusieurs courants littéraires, par plusieurs courants philosophiques, et pour essayer de les comprendre mieux qu’à travers une simple lecture, j’essaie de les matérialiser avec des images», explique-t-il.

Quels sont les auteurs concernés? «Aristote… Platon… le néoplatonisme… Thalès de Millet… les Présocratiques…» répond Grégoire Dufaux presque en s’excusant. «J’essaie de ne pas trop en parler», précise-t-il. Car la prétention que, pour certains, revêt la référence philosophique lui a déjà valu un certain nombre de remarques ironiques.

Pas de demi-mesure

Les premiers travaux de Grégoire Dufaux, surtout axés sur le visage et le corps humain, jouaient du blanc, du beige, du gris. En quelques années, le rouge et le noir semblent avoir phagocyté sa palette. «C’est une évolution qui s’est faite d’elle-même, sans que j’y réfléchisse préalablement. Peut-être que je n’aime pas la demi-mesure», dit-il.

A Genève, l’exposition ‘Le regard et le temps’ rassemble deux cycles de travaux, ‘Le cycle du regard’ et ‘Corridas’. Le premier est né au fil des œuvres, «différents regards qu’on peut croiser, qu’on espère croiser. Ou des choses qui s’expriment par le regard», explique l’artiste.

Alors que le deuxième est né de la volonté de signer une série spécifiquement consacrée à la corrida. Mais sous un angle diamétralement opposé à celui de l’aficionado Picasso: «Je n’ai jamais eu la chance de voir une corrida… C’est quelque chose dont j’ai essayé de m’approcher, par le fait que je ne connaissais pas le thème, que je n’ai jamais ressenti réellement la violence d’une corrida».

Le temps comme leit-motiv

Et comment se mêlent donc temps, regards et corrida? «Les phases de la corrida que je représente sont autant de temps que de regards, et les regards que j’essaie de traduire sur mes toiles sont aussi emprunts de temps. Regards de vieillesse, de tristesse, de passage… tout cela est lié étroitement au temps».

Le temps que l’on retrouve également à travers les pièces d’horlogerie, mécanismes, roues crantées, dont il use dans ses sculptures – «montages», corrige-t-il. Pièces qu’il fait notamment coexister avec la figure de Jésus, car l’homme apprécie tout particulièrement la force interpellatrice de l’art religieux…

Avec son goût pour le symbolisme et l’esthétique chaude de ses teintes, Grégoire Dufaux est à mille lieues de la démarche conceptuelle qui seule est respectée dans les milieux de l’Art contemporain – avec évidemment un grand A.

Cela représente-t-il un problème pour lui? Grégoire Dufaux n’hésite pas un instant: «Je m’en fous éperdument. Les moments qui me perturbent le plus, c’est quand j’essaie d’être à la juste place, celle qu’on nous dit être la juste place.»

swissinfo, Bernard Léchot

Naissance en 1976 à Neuchâtel.

Approche son art en autodidacte.

Stages de sculpture à Carrare (Italie) et Thasos (Grèce).

Séjours à la Cité internationale des arts de Paris en 1997 et 2006.

A voir à la Cité du Temps, Pont de la Machine, Genève, du 21 août au 22 septembre.

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