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Accord UBS: les leçons restent à tirer

Derrière les portes d’UBS à la Bahnhofstrasse de Zurich, on se frotte les mains. Keystone

L’approbation au Parlement de l’accord sur la transmission des noms de clients d’UBS au fisc américain libère la banque d’un grand problème, mais pas de son passé, juge la presse suisse. Et les leçons politiques de cette pénible affaire sont encore à tirer.

Relativement peu de commentaires ce vendredi matin dans la presse suisse sur l’accord UBS, qui vient enfin de passer la rampe du Parlement. Il est vrai que ce texte, qui va permettre de livrer au fisc américain les données de 4450 clients de la banque, a déjà fait couler beaucoup d’encre au fil des débats, tergiversations et revirements qui ont précédé son acceptation

Pour Le Temps, l’accord «déshonorant pour les uns, mal nécessaire pour les autres», est avant tout «le très désagréable prix politique à payer pour une série de fautes et d’aveuglements».

Certes, juge le quotidien romand, «rien ne serait arrivé sans les comportements contraires à la loi des anciens responsables d’UBS», mais si le gouvernement avait été «clairvoyant», il «aurait pu résoudre le différend avec moins de dégâts politiques, juridiques et moraux».

La Suisse aurait également dû comprendre beaucoup plus tôt «qu’une définition extensive du secret bancaire était de moins en moins acceptée par nos partenaires et qu’elle nous mettrait un jour dans une situation intenable», souligne encore Le Temps , pour qui les leçons de cette affaire restent à tirer.

Et à cet égard, «ce qu’on connaît de la stratégie présentée par le ministres des Finances Hans-Rudolf Merz est trop flou, pas assez libéré du passé pour être rassurant», conclut l’éditorialiste.


Baisser de culotte et danse des eunuques

Nettement plus dure, La Liberté lie l’affaire Kadhafi à l’accord UBS, deux cas où la Suisse «a plié l’échine comme seul peut le faire un invertébré». Pour le quotidien fribourgeois toutefois, la «capitulation sans conditions» face aux Etats-Unis «aura des conséquences plus importantes pour la Suisse» que le fait d’avoir «baissé culotte à Tripoli».

«Des principes fondamentaux du droit et surtout, la vache sacrée du secret bancaire sont ainsi immolés sur l’autel du plus fort pour préserver les intérêts de l’économie helvétique», poursuit le journal, qui y voit une «dure leçon de réalisme politique, à laquelle n’échappe que le cancre: UBS, source de l’affaire, n’aura à subir ni la curiosité d’une commission d’enquête, ni des restrictions dans ses lâchers de bonus».

Et finalement, conclut La Liberté, «à la reddition, le cirque parlementaire a ajouté l’indignité. Le numéro de girouette de l’UDC, chorégraphié par Christoph Blocher, s’est achevé par une pitoyable danse des eunuques, qui ne donnait qu’une envie: que tombe le rideau».

Bricolage opaque

Oswald Grübel, patron d’UBS, a poliment remercié la classe politique, qui une fois de plus a étendu sa main protectrice sur la grande banque, note l’Aargauer Zeitung. Mais, poursuit le quotidien, les parlementaires «veulent maintenant d’UBS enfin des actes, et plus seulement des mots». La balle est maintenant dans le camp de la banque, qui doit soigner la transparence et également faire table rase de son passé.

Pour le Tages Anzeiger, cette acceptation ressemble, vue de l’extérieur à «un bricolage opaque». Pire encore, cet accord «n’apporte aucune lumière sur un des chapitres les plus glauques du secret bancaire».

La Suisse a de toute façon de la peine à régler ses comptes avec son passé, surtout lorsqu’il s’agit des pages sombres, rappelle le quotidien zurichois, citant l’exemple des comptes en déshérence, où il a fallu un demi-siècle pour nommer une commission d’historiens, «et encore, seulement sous la pression de l’extérieur».

Cicatrices profondes

Certes, UBS peut maintenant respirer, mais n’en est pas pour autant quitte de son passé, juge également la Neue Zürcher Zeitung. Le retour au chiffres noirs et l’acceptation de l’accord ne suffiront pas à dissimuler «les cicatrices profondes que la course en avant pratiquée par la banque ont laissé à son capital de confiance».

Le quotidien zurichois appelle lui aussi à la transparence et à la lumière sur le passé, et lance cet avertissement: «avec une confiance réduite à néant sur le marché intérieur, il ne se trouvera à la prochaine crise aucun politicien ni aucun contribuable prêt à voler au secours» d’UBS.

Marc-André Miserez, swissinfo.ch
(Collaboration: Jean-Michel Berthoud)

Fraude. Pendant plusieurs années, la banque UBS a utilisé un véritable «système» pour aider des contribuables américains à frauder le fisc de leur pays, jusqu’à ce qu’un ancien employé d’UBS aux Etats-Unis, Bradley Birkenfeld, dénonce l’affaire aux autorités américaines.

Plainte. En février 2009, les autorités fiscales américaines déposent une plainte pour tenter d’obliger UBS à fournir à la liste de 52’000 clients. Les autorités suisses menacent UBS de poursuites, car une telle divulgation est contraire au droit helvétique.

Accord. Après d’intenses négociations entre le gouvernement suisse, le gouvernement américain et UBS, un accord est signé le 18 août 2009. La banque ne livrera finalement les données «que» de 4450 de ses clients. Selon l’accord, la transmission de ces données doit se faire dans le délai maximal d’un an, soit jusqu’au 19 août 2010.

Parlement. En février 2010, la justice suisse estime que cet accord est caduc. Pour éviter l’impasse, le gouvernement décide de revaloriser l’accord en traité international et de le soumettre à l’approbation du Parlement. Son acceptation, sans clause de référendum, signifie désormais qu’il peut entrer en vigueur.

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