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A Tripoli ou Damas, comprendre la société locale

Martin Aeschbacher connaît particulièrement bien les us et coutumes des pays arabes. Keystone

Parler la langue locale est évidemment un atout lorsqu’on est diplomate dans un pays arabe. Cette connaissance ne suffit toutefois pas à elle seule à ouvrir toutes les portes. Témoignage de l’ambassadeur suisse Martin Aeschbacher.

Ce diplomate, fasciné par les civilisations d’Orient, a fait des études à l’Institut des sciences islamiques de l’Université de Berne, complétées par des cours d’arabe à Damas et à Alep.

Martin Aeschbacher a occupé le poste d’ambassadeur de Suisse dans plusieurs pays arabes.

Evoquant la Libye de Kadhafi, il confie avoir trouvé un pays complexe au plan professionnel, mais une population aimable et conviviale. Il raconte: «Je me suis rendu compte des difficultés qui m’attendaient lors d’une réception organisée par une ambassade. Il n’y avait que des diplomates et des responsables du Ministère des Affaires étrangères. J’ai ainsi compris qu’il était difficile pour les citoyens libyens d’entrer en contact avec le milieu diplomatique».

Autre obstacle en Libye: la concentration du pouvoir aux mains d’un seul homme. Ce qui a conduit à une quasi-paralysie des institutions étatiques et a rendu difficile la communication avec les décideurs.

 

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Multiplier les rencontres

Mais le diplomate est malgré tout parvenu, petit à petit, à rencontrer des Libyens de tous milieux. Sa maîtrise de la langue arabe lui a facilité la tâche, reconnaît-il. Sa persévérance aussi. Il a ainsi multiplié les occasions de rencontres avec des Libyens en se rendant, par exemple, aux repas de l’Iftar (rupture du jeûne durant le Ramadan), organisés par les ambassades arabes à Tripoli. Initiative qui lui a permis d’élargir son cercle de connaissances.

Le séjour que Martin Aeschbacher a effectué en Syrie comme étudiant lui a permis, une fois ambassadeur à Damas, de mieux connaître l’histoire du pays et sa société, très différente de la société libyenne.

Et pourtant, il a eu du mal à comprendre les premiers signes de la révolution. Lorsque des soulèvements ont éclaté dans les banlieues de Damas, par exemple, il a réalisé qu’il n’avait pas une connaissance suffisante de ces secteurs où il s’était rendu autrefois. Où il avait également établi des contacts avec les habitants.

Avec le recul, il avoue aujourd’hui: «Peu de temps avant de quitter Damas en août 2011, j’ai découvert que, malgré ma longue expérience en Syrie, j’ignorais encore beaucoup de ce pays». Il ajoute: «Il est facile pour un diplomate d’entrer en relation avec les Syriens, moins conservateurs que d’autres peuples arabes. Il faut préciser aussi que les autorités locales n’empêchaient pas les citoyens d’avoir des contacts avec les ambassades».

Là aussi, la maîtrise de l’arabe (du dialecte syrien en l’occurrence), même si elle n’est pas suffisante pour tisser des relations, lui a facilité la tâche. Martin Aeschbacher confie, par ailleurs, avoir été toujours bien reçu par les hauts responsables syriens auprès desquels, néanmoins, il avait du mal à recueillir des informations d’ordre politique.

Après le début de la révolution, obtenir ces informations est devenu plus facile, raconte-t-il. En revanche, leur véracité posait problème.

En Syrie, Martin Aeschbacher se considérait comme ambassadeur non seulement auprès du gouvernement syrien mais aussi auprès de la population. «Les gouvernements changent, les peuples moins», commente-t-il. 

 

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En dehors de la «zone verte»

Autre étape importante dans la carrière de Martin Aeschbacher, Bagdad, où il a passé 3 ans. Il y est arrivé juste après la chute de la capitale en 2003, suite à l’offensive américaine contre le régime de Saddam Hussein. Les informations circulaient alors plus librement que sous l’ancien régime. Elles étaient néanmoins contradictoires, et il lui a fallu faire un tri.

Pour s’informer, Martin Aeschbacher s’est appuyé sur les journaux et sur les conversations qu’il entretenait avec les gens. Il faut dire qu’il avait choisi d’habiter à l’extérieur de la «zone verte», hautement sécurisée. Ce qui lui a permis de mieux observer la situation et de recueillir les informations dans le milieu où il vivait.

 

Né en 1954 à Berne.

Entre 1975 et 1982, il étudie à l’Institut des Sciences islamiques de l’Université de Berne. Il complète ses études à Damas et à Alep.

Entré au ministère suisse des Affaires étrangères en 1985, il occupe successivement des postes à Moscou et au Caire.

De retour à Berne en 1992, il devient responsable pour les relations entre la Suisse et le Proche-Orient.

Entre 2003 et 2006, il est responsable du bureau de liaison suisse à Bagdad. Il sera ensuite en fonction à Tripoli, puis à Damas, fin 2007.

En raison de la crise syrienne, il est rappelé à Berne pour consultations en août 2011, avant d’être rappelé définitivement.

Il est nommé ambassadeur à Doha le 21 février 2012.

Martin Aeschbacher est le mari de l’écrivain Elisabeth Horem. Le couple a deux enfants adultes.

Nouvelle ambassade

A Doha, capitale du Qatar, Martin Aeschbacher a ouvert une nouvelle ambassade, expérience inédite pour lui.

Cela lui a permis de découvrir la société des pays du Golfe. Ce qui l’intéresse, c’est de comprendre comment la population qatarie parvient à concilier traditions locales et ouverture vers l’extérieur.

Martin Aeschbacher insiste sur l’importance que revêtent les relations sociales chez les Arabes, lesquels sont de nature très affable. Il confie: «J’ai parfois reçu des invitations non officielles, auxquelles je me suis rendu avec joie. J’y ai trouvé un accueil chaleureux».

Martin Aeschbacher estime que dans la carrière d’un diplomate, la prudence et la persévérance sont importantes. Selon lui, «un ambassadeur doit jeter des ponts entre son pays et son lieu d’affectation et favoriser l’entente entre les deux sociétés».

(Adaptation de l’arabe)

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