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Andy Rihs de retour aux affaires sur le Tour

Andy Rihs, passionné de cyclisme et homme d'affaires redoutable. Keystone

L’invitation délivrée à BMC pour le Tour de France marque le retour d’Andy Rihs dans le cyclisme de haut niveau. L’homme d’affaires zurichois, qui avait conduit Phonak au sommet avant un arrêt brutal en 2006 suite à des cas de dopage en série, fait part de ses attentes.

En s’octroyant à l’intersaison les services du champion du monde australien Cadel Evans, de l’Américain George Hincapie ou encore de l’Italien Alessandro Ballan, BMC ne laissait pratiquement pas le choix aux organisateurs du Tour de France. La formation à licence américaine, qui compte neuf coureurs suisses dans ses rangs, a logiquement obtenu l’une des six invitations délivrées pour l’édition 2010 de la Grande Boucle dont le départ sera donné le 4 juillet prochain à Rotterdam.

Quatre ans après la fin de Phonak, dissoute suite à des cas de dopage en série dont le plus célèbre fut celui de Floyd Landis sur le Tour 2006, Andy Rihs est de retour aux affaires. Comme il l’avait déjà fait au temps de Phonak, le Zurichois de 67 ans a utilisé l’une de ses entreprises comme sponsor de sa nouvelle équipe.

Passionné de vélo, Andy Rihs n’est pas pour autant un mécène. Redoutable homme d’affaires, il entend faire de cette équipe professionnelle le fer de lance de la marque BMC afin d’accroître substantiellement les ventes de ces cycles fabriqués au pied du Jura soleurois.

swissinfo.ch: Vous avez accompagné les hauts et les bas du cyclisme d’extrêmement près. Dans votre cœur, croyez-vous encore au sport?

Andy Rihs: Je crois énormément au cyclisme professionnel parce que ce sport est aujourd’hui à la pointe de la lutte antidopage. Beaucoup d’autres sports ont à apprendre de notre expérience afin de devenir meilleurs dans ce domaine. Lorsque quelqu’un se brûle les doigts, il va tout faire pour éviter cette expérience une seconde fois. Auparavant, les dirigeants d’autres sports nous pointaient du doigt, mais maintenant ils doivent se tenir tranquilles et balayer devant leur porte.

swissinfo.ch: Vous avez été contraint de dissoudre Phonak après des scandales de dopage à répétition. En quoi cela va-t-il être différent cette fois-ci?

A.R.: Le scénario a complètement changé si l’on compare le système de contrôle médical actuel à celui d’il y a 4 ou 5 ans. Les scientifiques ont réalisé un travail remarquables en collaboration avec les laboratoires et l’industrie pharmaceutique afin d’éviter que de nouveaux produits se retrouvent sur le marché sans qu’aucun test ne permette de les déceler. Aujourd’hui, si les coureurs veulent tricher, ils seront attrapés relativement rapidement.

Autre nouveauté, de plus en plus de coureurs anglo-saxons rejoignent le peloton. Le cyclisme se globalise et prend de l’importance dans les médias internationaux. Le business autour du cyclisme s’est professionnalisé.

swissinfo.ch: Comment avez-vous réussi à convaincre des grands noms du cyclisme de courir pour vous après une telle publicité négative?

A.R.: Je travaille depuis plusieurs années avec mon ami Jim Ochowicz, le coach américain qui a permis le développement de Lance Armstrong. Nous avons démarré il y a quatre ans avec une petite équipe en Californie. Vous ne pouvez pas juste décider de monter une équipe du jour au lendemain. C’est comme une entreprise: il faut du temps pour la développer. Le but final était de bâtir une équipe pour promouvoir nos vélos ‘high-tech’ fabriqués en Suisse.

BMC avait besoin d’une équipe pour représenter la marque, nous l’avons donc mise sur pied. A l’heure actuelle, nous avons un budget qui nous permet d’attirer les personnes que nous souhaitons. De plus, BMC jouit d’ une bonne réputation. Sans cela, des coureurs comme Cadel Evans et George Hincapie ne seraient jamais venus chez nous. C’est n’est pas juste une question d’argent; c’est aussi une affaire personnelle.

swissinfo.ch: Et qu’en est-il de Fabian Cancellara? Une équipe qui possède de forts liens avec la Suisse ne voudrait-elle pas engager le meilleur coureur suisse?

A.R.: Bien sûr. Fabian Cancellara est un coureur absolument extraordinaire et qui, de plus, n’a pas encore terminé son développement. C’est un super gars et ça serait parfait de l’avoir parmi nous, c’est clair. Mais beaucoup de coureurs sont sous contrat et ne peuvent pas partir comme ça du jour au lendemain.

Avec Evans et Hincapie, nous avons toutefois sous contrat deux noms parmi les plus connus en Amérique. Tout le monde ne parle que de Lance Armstrong, mais un gars comme Hincapie est également très connu aux Etats-Unis. Et ce pays représente l’un de nos plus grands marchés en terme de croissance.

swissinfo.ch: Comment fait-on fonctionner en parallèle des entreprises et une équipe de cyclisme professionnelle?

A.R.: Ce n’est pas uniquement parce que j’ai du plaisir à faire du cyclisme que je possède une équipe cycliste. J’adore pratiquer ce sport mais nous avons monté cette équipe clairement pour des raisons économiques. Nous voulons vendre davantage de vélos. Le puissance du cyclisme est extrêmement forte d’un point du vue médiatique. C’est un sport abordable et global. Mais ce business est aussi amusant et nous avons du plaisir à évoluer dans ce milieu.

swissinfo.ch: Plus personnellement, qu’est-ce que le cyclisme représente pour vous?

A.R.: Le cyclisme procure un plaisir énorme. Vous pouvez le sentir dans votre corps, dans votre cerveau. C’est vivant. Etre assis sur un vélo, parcourir des kilomètres, grimper des montagnes, regarder, s’arrêter – tout cela provoque une émulation mentale incessante. J’ai résolu davantage de problèmes sur un vélo que dans les salles de conférence. Le vélo vous permet réellement d’y voir plus clair dans votre tête. De nombreux managers vous le confirmeront.

Tim Neville, swissinfo.ch
(Adaptation de l’anglais: Samuel Jaberg)

Phonak. Andy Rihs est le président du conseil d’administration de Sonova holding. La firme spécialisée dans les soins de l’audition, qui a réalisé un chiffre d’affaires de près d’un milliard de francs en 2009, se nommait Phonak avant un changement de nom intervenu en 2007.

Dopage. Cycliste averti, Andy Rihs avait bâti une équipe professionnelle dont le sponsor principal était sa firme Phonak. La formation a été dissoute suite à des cas de dopage en série, le coup de grâce ayant été asséné après le contrôle positif de Floyd Landis sur le Tour de France 2006.

BMC. Andy Rihs est également le propriétaire de BMC, une entreprise spécialisée dans la construction de cycles qui a été fondée en 1986 par l’Américain Bob Bigelow, propriétaire de la marque Raleigh. Andy Rihs a repris la firme en 2001.

Croissance. A sa reprise par Andy Rihs, BMC générait 3 millions de chiffre d’affaires annuel. Aujourd’hui, les ventes du groupe atteignent 75 millions de francs. Selon Andy Rihs, la croissance se situait entre 20-25% ces dernières année. Il espère que les ventes triplent ces cinq prochaines années.

Soleure. L’entreprise BMC est basée à Granges, dans le canton de Soleure, l’un des fiefs de l’industrie horlogère suisse.

Alessandro Ballan et Mauro Santambragio ont été suspendus provisoirement par BMC. Les deux coureurs italiens, qui ont rejoint l’équipe à l’intersaison, font l’objet d’une enquête dans leur pays d’origine.

Les faits remontent à deux ans, quand les deux coureurs appartenaient à l’équipe Lampre. Mercredi dernier, le procureur de Mantoue Antonino Condorelli avait annoncé que 35 personnes avaient été placées sous enquête pour fraude sportive dans le cadre d’investigations menées sur le dopage.

Dans un communiqué, BMC Racing affirme qu’elle n’était pas au courant de cette enquête cette mesure d’éloigner Ballan et Santambrogio pour se conformer avec la politique interne de BMC et le code de conduite de l’Union cycliste internationale (UCI).

BMC ajoute que cette décision ne doit pas être considérée comme une «prédétermination de culpabilité en relation avec l’enquête italienne.» Les deux cyclistes devront personnellement faire face aux accusations.

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