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L’UDC accusée de campagne «raciste»

Ex-press

L'Union démocratique du centre (droite nationaliste) première formation politique de Suisse, est à nouveau sous le feu de la critique pour sa campagne très agressive envers les étrangers.

Jeudi, le ministre de l’Intérieur a dit que le gouvernement préparait sa réponse au rapporteur de l’ONU sur le racisme à propos de cette campagne, qui par ailleurs «dégoûte» la présidente de la Confédération.

Il y a trois semaines, Doudou Diène et Jorge Bustamante, respectivement rapporteurs spéciaux des Nations Unies pour le racisme et les droits humains des migrants, écrivaient au gouvernement suisse pour demander des explications sur la désormais fameuse affiche de l’UDC frappée de trois moutons blancs et d’un mouton noir.

On se souvient qu’en mars, Doudou Diène avait déjà épinglé la Suisse dans un rapport qui mentionnait «des manifestations de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie».

Jeudi, à l’occasion de sa traditionnelle rencontre avec la presse sur l’Ile St-Pierre (lac de Bienne), le ministre de l’Intérieur Pascal Couchepin a indiqué que le gouvernement était en train de préparer sa réponse à la missive des deux fonctionnaires onusiens.

Celle-ci rappellera notamment qu’il revient au peuple de juger, et de sanctionner le cas échéant ces procédés au travers des processus démocratiques, a expliqué en substance le ministre.

«Parfaitement loyal»

De son côté, Roman Jäggi, porte-parole de l’UDC, estime qu’il n’y a rien a critiquer dans l’affiche aux moutons, qu’il décrit comme «parfaitement loyale».

«Elle n’est pas raciste, clame-t-il à l’intention de swissinfo. Il y a effectivement un gros problème de violence en Suisse, particulièrement de violence des jeunes, et les étrangers en constituent une part importante».

En outre, selon Roman Jäggi, la présidente de la Confédération n’avait pas à s’en prendre aux affiches d’un autre parti, d’autant qu’elle-même fait ouvertement campagne pour sa propre formation, le Parti socialiste.

Pour rappel, Micheline Calmy-Rey a déclaré mercredi soir sur les ondes de la Radio Suisse Romande que les campagnes de l’UDC la «dégoûtent», qu’elles «attisent la haine» et que ce sont «des campagnes racistes».

Quant à Doudou Diène, le porte-parole de l’UDC balaye son intervention «sans valeur» et tient le rapporteur spécial de l’ONU comme un «fauteur de troubles, qui n’a jamais rien de bon à dire sur la Suisse».

Le parti nationaliste est coutumier de cette rhétorique agressive: lors des précédentes élections législatives, en 2003, il avait recueilli 26,2% des voix sur la base de campagnes tout aussi provocantes. Et pour cette année, les sondages lui prédisent des scores comparables.

«Simple et stupide»

La technique de l’UDC est aussi simple qu’efficace. Il s’agit de convaincre par des «messages clairs et compréhensibles». Les publicitaires connaissent depuis longtemps cette technique, qu’ils désignent par l’acronyme KISS: «keep it simple and stupid» (reste simple et stupide).

Pascal Sciarini, politologue à l’Université de Genève, juge aussi que les succès électoraux de l’UDC doivent beaucoup à cette ligne dure envers les étrangers, l’Union européenne et les Nations Unies.

«Ils sont prisonniers de cette stratégie. Ils doivent attiser le feu, et pour cela, ils doivent à la fois trouver de nouvelles idées et durcir leur propos», analyse le professeur.

Pascal Sciarini cite à cet égard les initiatives contre les minarets et contre les étrangers criminels, marque de la volonté de l’UDC de garder, par ses outrages, le contrôle du débat sur l’immigration.

«Ils deviennent plus intelligents et plus subtils et ils sont imbattables pour se faire voir et attirer l’attention des médias, note le politologue. Ils polarisent de plus en plus l’opinion: soit vous êtes pour eux, soit vous êtes violemment contre».

Le coup de trop

Cela dit, il arrive aussi à l’UDC de se voir remettre à l’ordre. Mercredi, un juge l’a contrainte à retirer de son site une vidéo électorale apparue quelques jours plus tôt seulement.

Sur le thème «votez pour la gauche ou pour nous, et ce sera l’enfer ou le ciel», elle montre d’un côté des images en noir et blanc de violence urbaine, de femmes voilées et d’hommes africains et de l’autre une suite de vues en couleur d’une Suisse de carte postale. Christoph Blocher, ministre UDC en exercice, y fait une apparition avec son épouse dans un décor de montagne idyllique.

Ce n’est toutefois pas le message du film – assez violemment dénoncé dans les médias et sur les blogs – qui a motivé son interdiction, mais une plainte des jeunes gens qui apparaissent dans la première partie.

Le cinéaste qui les a recrutés leur a en effet fait croire qu’ils tournaient un film de prévention de la violence. Le procès est encore à venir.

swissinfo, Adam Beaumont
(Traduction et adaptation de l’anglais: Marc-André Miserez)

Selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique, 14’106 jeunes (11’189 garçons et 2’917 filles) ont été condamnés par la justice suisse en 2005.
C’est environ 2’000 de plus qu’en 1999.
62.7% de ces condamnés étaient de nationalité suisse.

En novembre 2002, Ruud Lubbers, alors Haut Commissaire pour les réfugiés, condamne l’initiative de l’UDC «contre les abus dans le droit d’asile», que le peuple rejettera de justesse, par 50,1% des voix.

En octobre de l’année suivante, l’agence onusienne, basée à Genève, se dit «profondément préoccupée» par la campagne électorale de l’UDC, qualifiée de «l’une des plus violemment hostiles à l’asile qu’un parti politique important ait jamais menée en Europe».

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