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Les mines sud-américaines, un eldorado convoité

En 2004, Alejandro Toledo, alors président du Pérou, après avoir reçu un chèque symbolique de 45, 5 millions de dollars de la part de l'entreprise suisse Xstrata, qui a obtenu la concession de la mine de Las Bambas. Reuters

L’Amérique du Sud attire environ trente pour cent des investissements mondiaux dans le secteur de la mine. Xstrata, entreprise suisse basée à Zoug, va investir quatre milliards de francs dans un projet pharaonique au Pérou. L’Argentine n’est pas en reste.

«Lorsque en 2004 l’Etat péruvien lance le concours pour un grand projet minier à Las Bambas dans le sud du pays, nous avons tout de suite vu une opportunité pour poursuivre notre croissance dans le pays» explique Domingo Drago, le gérant de Xstrata Copper à Lima.

L’entreprise suisse offre alors quatre vingt millions de francs pour obtenir la concession et enlève les enchères face à ses concurrents. «Les investissements sont énormes et la population ne sera pas oubliée, Xstrata se veut une entreprise pionnière dans le développement social et la protection de l’environnement», assure Domingo Drago.

«Nous avons, par exemple, un projet de reforestation dans la région de Las Bambas en collaboration avec le Secrétariat d’état à l’économie (SECO). Nous avons également débloqué environ quarante millions de francs dans des projets de santé, de transport ou encore d’électrification.»

Levées de bouclier

Jorge de Chavez, conseiller chez Cooperaccion une ONG de conseil aux mineurs, tempère l’enthousiasme du gérant, «pour construire sa mine, Xstrata va devoir déplacer toute une population dont une bonne partie n’est pas d’accord. Elle a obtenu la concession en faisant miroiter des centaines d’emplois, or il s’avère déjà qu’elle ne tiendra pas sa promesse.»

L’entreprise a d’ailleurs déjà dû faire face à une grève de la population en mai dernier et a dû évacuer son personnel alors que le projet n‘a pas encore démarré. Un projet qui inquiète également les défenseurs de l’environnement, la mine étant une très grosse consommatrice d’eau, une denrée plutôt rare sur les hauts plateaux andins. L’agriculture, l’élevage et la distribution d’eau potable pourraient être mis en danger.

Le Pérou n’est d’ailleurs pas le seul concerné par la menace qui pèse sur ses ressources hydriques. «L’Argentine vient récemment de promulguer une loi pour protéger ses glaciers de la soif des mines, une loi appliquée de manière extrêmement timide tant la puissance du lobby minier est importante», explique Hernan Gilardi de Greepeace Argentine.

Monts et merveilles

En effet, avant de s’installer l’entreprise minière promet monts et merveilles aux provinces pauvres du pays. Des promesses qui font céder le gouvernement local mais qui restent dans les limbes une fois la concession obtenue. Le cas de la mine la Alumbrera en Argentine et détenue à cinquante pour cent par Xstarta est emblématique. Avant de construire l’une des dix plus grandes mines de cuivre et d’or du monde, l’entreprise et les dirigeants locaux avaient promis de construire un quartier pour cinq mille personnes, un hôpital et de nouvelles écoles, ainsi que la création de mille huit cent postes de travail.

Aujourd’hui, quinze ans après, aucune promesse n’a été tenue selon un article publié en mars 2010 dans le journal Pagina 12, un des quotidiens les plus importants du pays. Affirmations réfutées par Xstrata qui estime que plus de deux mille personnes travaillent sur le site et que vingt cinq millions de francs ont été investis dans des projets d’infrastructure depuis 1999.

Des lois moins exigeantes

Le problème de l’eau est tout aussi aigu, depuis plus de treize ans les riverains du fleuve qui alimente la mine se plaignent de la grave pollution qui affecte le cours d’eau et la santé de la population. Xstrata assure avoir pris toutes les précautions et ne se sent nullement responsable, l’utilisation de l’eau et la gestion des déchets sont suivi régulièrement par les autorités fédérales et les universités de Tucuman et de Santiago del Estero, deux grandes villes du nord-ouest argentin.

Et pourtant Xstrata, se targue de satisfaire aux normes ISO 14001 en matière de protection de l’environnement, normes correspondant aux standards de protection les plus strictes selon un porte-parole de l’entreprise.

Bien qu’annulé par la justice argentine, un procès intenté au vice-président de la division cuivre de Xstrata, Julian Rooney, par les communauté locales pour atteinte à l’environnement, a quand même jeté un doute sur la manière dont l’entreprise gère les résidus miniers.

«Si on les compare avec celles de l’Australie, du Canada ou des Etats-Unis, les lois environnementales et sociales, sont bien moins exigeantes en Amérique Latine», explique Jorge de Chavez, «nous avons une législation très permissive et l’Etat ne contrôle presque rien» ajoute pour conclure le conseiller de Cooperaccion.

Où? La mine de  la Bambas se situe à 4200 mètres au milieu des Andes à quelques 80 kilomètres au sud de Cuzco.

A partir de 2014, la mine devrait produire 400’000 tonnes de cuivre par année pendant les cinq premières années, puis 320’000 pendant les 15 années suivantes.

Tapis roulant. Xstrata va construire 210 km de « mineraioducte », une sorte de tapis roulant à travers la montagne pour acheminer le minerai jusqu’au réseau ferroviaire existant.

Grande. Une fois terminée las Bambas sera l’une des deux plus grandes mines de cuivre au monde construites ces cinq dernières années, elle devrait coûter 4 milliards de francs suisses.

Le Pérou est le premier producteur d’argent au monde, le deuxième pour le cuivre, le troisième pour le zinc et l’étain et le cinquième pour l’or, un véritable Eldorado.

Rentables. Les mines d’Amérique du Sud en général et du Pérou en particulier ont les taux de concentration métallique les plus élevés au monde, les rendant particulièrement rentables.

La mine d’or de Corihuarmi perchée à 5000 m dans les Andes est l’une des plus lucratives qui existe, son coût d’extraction est de 300 dollars l’once alors que le cours de l’or est de plus de 1’500 dollars.

Sans fin. Le secteur minier représente 62% des exportations du pays et a attiré pour la période 2008-2012 plus de 20 milliards de dollars d’investissement. L’Eldorado semble sans fin, en effet seul 10% du territoire péruvien a été exploré à ce jour.

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