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Lugano, place financière, se veut aussi place culturelle

Tel un bateau prêt à s'élancer, le LAC pointe ses façades de marbres vers ...le lac. Studio Pagi

Après plus de quinze ans de planification et de construction, le nouveau centre culturel de Lugano, le LAC comme on l’appelle ici, ouvre ses portes. L'inauguration officielle est prévue en cette fin de semaine et l'attente est grande. Troisième place financière de Suisse, Lugano mise sur la culture pour ajouter une corde à son arc. Le tourisme, en crise, espère lui aussi une relance.

Il s’agit sans aucun doute d’un important jalon pour Lugano et toute la Suisse italienne. L’ouverture du LACLien externe (Lugano Arte e Cultura) ouvre une nouvelle ère pour la ville tessinoise. Le logo de l’institution campe sur la façade en marbre de l’édifice, qui ressemble à la proue d’un navire tourné …vers le lac justement.

Lugano se veut ville de culture, et pas seulement de banques. Studio Pagi

L’idée de ce centre culturel remonte à 1999. Elle est due au maire d’alors, le libéral-radical Giorgio Giudici, qui a «régné» durant 29 ans sur les destinées de la ville. Bien avant le début de la crise financière, le politicien avait déjà exprimé la vision d’une cité dépassant son seul rôle de pôle financier et bancaire.

Une anticipation qui s’est révélée pleine de sagesse: Lugano, qui a réalisé ses affaires les plus juteuses grâce aux riches clients italiens, a laissé bien des plumes dans la débâcle de ces dernières années. Les rentrées fiscales des banques ont chuté, entraînant les finances municipales dans le rouge: «Avec la culture, nous avons désormais un nouveau pilier», affirme Marco Borradori, ancien ministre tessinois (du parti de la Lega dei Ticinesi), et nouveau maire depuis avril 2014.

Mais pour cela, il fallait avant tout penser à investir. La ville n’a pas hésité à dépenser 210 millions de francs dans la construction du LAC, qui a surgi sur le site de l’ancien et prestigieux hôtel Palace, fermé en 1969 et resté des décennies durant à l’abandon.

Les coûts annuels de gestion et les frais pour les expositions sont devisés à six millions de francs au moins. La ville assure qu’elle va parvenir à y faire face.

Cœur du nouveau centre: le salle de spectacle et de concerts. Studio Pagi

Histoire à rebondissements

L’histoire du LAC est longue et complexe et le projet a suscité moult discussions et polémiques. C’est en 1994 en effet que la municipalité de Lugano a racheté ce qui restait de l’ex-Palace et le vaste terrain sur lequel il s’élevait, pour la somme de 30 millions de francs.

Auparavant et durant des années l’ancien établissement de luxe, qui dans les années 50 accueillait régulièrement le roi Farouk d’Egypte ou des stars du grand écran comme Sophia Loren, était passé entre les mains de plusieurs investisseurs dont les projets ont tous fini par capoter. Il était alors uniquement question de restructurer le Palace qui serait demeuré un hôtel flanqué d’un casino.

Un toit pour l’enfant prodige

Contrairement à d’autres grands théâtres ou espaces multifonctionnels de Suisse allemande, le LAC ne dispose pas de sa propre troupe ou de son propre orchestre. Pour ses premières, il a recours à des compagnies hôtes. La compagnie théâtrale Finzi Pasca, avec l’Orchestre de la Suisse italienne (OSI), constitue cependant une exception. Créée et dirigée par Daniele Finzi Pasca, le Luganais de souche devenu célèbre grâce aux chorégraphies conçues pour les Jeux Olympiques d’hiver de Turin et de Sotchi et aux tournées effectuées dans le monde entier, la compagnie aura son siège stable dans le nouveau centre culturel. «Ici je suis chez moi», a dit le metteur en scène. La ville de Lugano le soutiendra financièrement à condition qu’il présente, dès 2016, deux nouvelles productions par année à Lugano. Elle lui versera, jusqu’en 2017, 250’000 francs par année. Un même montant sera assuré par le canton tandis que Pro Helvetia versera 150‘000 francs.

Le projet a évolué et s’est concrétisé en ce prestigieux centre culturel, devenu un symbole architectural et urbanistique pour la ville: «le plus important après l’Université», estime le maire adjoint Giovanna Masoni Brenni, responsable du dicastère culturel de la ville. Entre-temps, au gré des fusions de communes, Lugano s’est considérablement agrandi jusqu’à devenir un centre urbain de plus de 60’000 habitants, le neuvième de Suisse.

Un pont entre nord et sud

Prévue en premier lieu pour la population locale, la maison de la culture s’adresse également aux touristes et aux visiteurs extérieurs. Lugano entend en effet se faire un nom de ville culturelle sise entre Milan et Lucerne ou Zurich: «Nous voulons jeter un pont culturel entre le nord et le sud», relève Giovanna Masoni.

Le cœur du LAC est sans conteste la grande salle de théâtre et de concert de 1000 places. Une fosse d’orchestre où peuvent prendre place jusqu’à 70 musiciens est prévue pour les représentations d’opéra.

Plus d’un siècle d’histoire

1885: ouverture à Lugano de l’Hôtel du Parc, qui en 1903 sera rebaptisé Grand Hôtel Palace. 1969: à la mort de sa dernière propriétaire,  l’hôtel ferme définitivement ses portes. 1994: la ville de Lugano rachète le site à une grande banque de la place. 1999: la ville décide de transformer le vieux Palace en un centre culturel. 2000: lors d’une votation populaire, les Luganais se prononcent pour la sauvegarde de la façade historique de l’établissement. Une partie de l’ancien hôtel a été rénovée et transformé en une résidence haut de gamme avec boutiques de luxe. 2000: un concours est lancé pour la construction du centre culturel. Il est remporté par l’architecte Ivano Gianola, de Mendrisio. 2015: inauguration officielle le 12 septembre.

Grâce à la dimension de la salle et à la technique de scène hautement performante, des pièces de théâtre et des concerts, jusqu’alors impensables à Lugano et dans tout le Tessin, deviendront une réalité. Un exemple: «La Verità» de la compagnie de Daniele Finzi Pasca sera jouée lors de la soirée d’inauguration et durant les semaines qui suivent.

La salle de théâtre et de concert est reliée au Musée par un gigantesque hall. Pour la première fois, les artistes de Lugano disposeront d’espaces conçus spécialement pour des expositions. Jusqu’à présent, c’étaient des demeures historiques qui faisaient fonction de musée d’art.  

L’exposition inaugurale s’intitule «Orizzonte Nord-Sud» (Horizon Nord-Sud). Elle propose des chefs-d’œuvre provenant des deux côtés des Alpes et peints entre 1840 et 1960.

Culture pour tous

L’entrée à l’exposition permanente sera gratuite. La ville de Lugano désire que le LAC devienne un espace culturel ouvert aux familles. Des activités didactiques sont en outre prévues pour les écoliers et les jeunes.

La barre a été placée plutôt haut. «Je veux faire du LAC quelque chose d’unique, d’une forte portée nationale et internationale», déclare son directeur, le Canadien Michel Gagnon, 58 ans. La ville attend beaucoup de ce professionnel venu de Montréal, où il dirigeait le grand centre culturel Place des Arts.

La structure va aussi favoriser le tourisme. «Grâce à l’ouverture de Lugano Arte e Cultura, à l’avenir le Tessin attirera aussi des amateurs de culture», estime Elia Frapolli, directeur de Ticino Turismo, l’Office tessinois du tourisme.

Le tourisme tessinois a besoin de relance

Dernièrement, l’Observatoire touristique de la Suisse italienne a publié une étude qui met en évidence les forces et les faiblesses du tourisme tessinois. On déplore toujours davantage de fortes carences dans les offres de transport public et un manque d’alternatives en cas de mauvais temps. Les touristes souhaiteraient par ailleurs des musées de portée internationale. Le LAC serait à même de combler ce vide.

Parmi les points forts, citons les paysages, le climat, la gastronomie, le shopping ou les lieux inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco comme les châteaux médiévaux de Bellinzone ainsi que des manifestations comme le festival du film de Locarno.

Au Tessin comme ailleurs, l’hôtellerie et le tourisme en général sont confrontés à la force du franc suisse. Durant les six premiers mois de cette année, le Tessin a perdu 48’000 nuitées par rapport à la même période de 2014. Ce qui signifie un recul de 4,9% alors que la perte au niveau national n’a été que de 0,6%. Les mois de juillet et août ne devraient pas modifier cette tendance à la baisse.

Adaptation de l’allemand, Gemma d’Urso

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