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Sion 2026: un projet trop durable pour les Jeux olympiques?

Le Valais pourrait accueillir les Jeux olympiques d'hiver en 2026. Keystone

Malgré le non clairement affirmé des électrices et des électeurs du canton des Grisons, la Suisse continue d’avoir de bonnes chances de rester dans la course pour les Jeux olympiques d’hiver à la faveur de la candidature «Sion 2026». Pour une fois, ce ne sont pas les droits démocratiques qui pourraient constituer un obstacle majeur à l’organisation du troisième événement sportif mondial, mais les responsables du Comité international olympique (CIO) eux-mêmes. 

Une nouvelle échéance se profile: le Parlement du sport de Swiss Olympics, organisation faîtière des fédérations sportives, décidera si oui ou non le comité olympique national lancera la dernière candidature suisse encore en lice dans la course aux jeux d’hiver prévus dans neuf ans.

La candidature émane du canton du Valais et implique également les cantons de Vaud, de Fribourg et de Berne auxquels s’ajoute le canton des Grisons – les courses de bobsleigh auraient lieu à St-Moritz. Rassemblés sous la bannière «Sion 2026. Les Jeux au cœur de la Suisse»Lien externe, ces cantons ont pour objectif l’organisation de jeux décentralisés, écologiques et durables qui devront respecter les nouvelles recommandations du CIO, entérinées en 2014 par l’organisation dans un programme de réforme intitulé «Agenda 2020Lien externe». Après les jeux d’hiver de Sotchi et les jeux d’été de Rio en 2016, tous deux désastreux sur le plan des droits de l’homme, de l’environnement et des finances publiques, le CIO a formulé 40 dispositions visant à établir à l’avenir des Jeux olympiques durables. Parmi celles-ci figurent explicitement «l’intégration des citoyennes et citoyens» dans le processus. 

Outre une série d’autres recommandations relatives à la transparence, à la bonne gouvernance et à l’autodétermination, ce genre de grands événements sportifs devra donc à l’avenir se conformer à des conditions d’organisation «démocratiques et durables». 

Le CIO s’engage en faveur du «dialogue citoyen»… 

Lors de la présentation de «l’Agenda olympique 2020», le président allemand du CIO, Thomas BachLien externe, avait expliqué: «Changer ou être changé, telle est la question qui se pose ici». Et l’ancien champion olympique d’escrime enchaînait en faisant le serment que son institution, à qui l’on reproche régulièrement d’être arrogante et corrompue, souhaitait à l’avenir s’engager en faveur du dialogue et respecter les lois. Presque trois ans après cette déclaration solennelle de Bach, deux questions se posent: jusqu’à quel point est-elle prise au sérieux par le CIO? Et cette organisation non gouvernementale sise à Lausanne et financée grâce aux milliards de bénéfices générés par les Jeux olympiques ne s’y prend-elle pas trop tard?

Car le processus d’attribution des jeux d’été 2024 s’avère une nouvelle fois bien difficile pour le CIO, comme cela l’a été pour les jeux d’hiver 2022, qui ont été attribués à Pékin, la capitale chinoise. C’est à dire la ville où se sont déroulés les jeux d’été en 2008 et dont la réputation en tant que haut-lieu des sports d’hiver n’a pas été vraiment avérée jusqu’à présent. 

Cette attribution à l’Empire du Milieu est intervenue après le naufrage de nombreuses candidatures concurrentes sur l’écueil du référendum. Les citoyennes et les citoyens de la ville polonaise de Cracovie, de la ville allemande de Munich ainsi que du canton suisse des Grisons, par exemple, ont rejeté ce grand événement en bloc.

… et se tire une balle dans le pied

Seuls les électeurs d’Oslo ont voté oui à 55 % aux projets olympiques dans la capitale norvégienne. Mais le CIO s’est mis en travers de son propre chemin: les dirigeants de l’organisation ont torpillé eux-mêmes leur Agenda 2020 pourtant louable en soi. Et ce, par le biais d’un manuel de 700 pages imposant aux organisateurs locaux des conditions des plus surprenantes. Ainsi, la maison royale de Norvège devait-elle organiser des cocktails pour les délégués du CIO. Ces derniers voulaient se rendre à ces soirées joyeusement arrosées ainsi qu’aux manifestations sportives en limousines avec chauffeur en empruntant des voies de circulations réservées à leur usage exclusif. C’est la raison pour laquelle, malgré l’accord de la population d’Oslo, le gouvernement norvégien a refusé de fournir la garantie de couverture en cas de déficit qui lui était également réclamée – sonnant ainsi le glas de la candidature d’Oslo et l’arrivée des Chinois sur le devant de la scène.

Jusqu’à présent, la situation n’est pas bien meilleure pour les candidatures aux jeux d’été 2024, qui s’annoncent encore plus onéreux et dont le lieu sera déterminé en septembre 2017 par le CIO. Boston, Budapest et Rome ont déjà retiré leur candidature après que des initiatives citoyennes ont réuni suffisamment de signatures pour un référendum. À Hambourg, le gouvernement de la cité-état a organisé fin 2015 un plébiscite olympique – et perdu à 48,4 contre 51,6 % des voix. Ne restent donc à présent dans la course que Paris et Los Angeles. Tandis que la résistance commence à s’organiser dans la capitale française par le bais de pétitionsLien externe (il n’existe pas en France de démocratie directe ni de droit de codécision), Los Angeles est la seule ville à disposer de conditions relativement bonnes pour pouvoir organiser les jeux selon les recommandations de l’Agenda 2020. Peut-être même trop bonnes, comme l’a souligné récemment le journaliste américain Joe Mathews dans un article d’opinion sur Swissinfo.

Ainsi se pose donc à présent la grande question de savoir si les Jeux olympiques ne pourront plus se dérouler à l’avenir que dans des lieux ou pays où des dirigeants autocrates n’ont cure (avec le consentement d’une majorité des délégués du CIO) des nobles objectifs de la durabilité. Ou bien se pourrait-il qu’olympisme et démocratie, jumeaux antiques passés directement de la Grèce au monde moderne, renouent un jour l’un avec l’autre? 

Dernière tentative à l’initiative de la Suède et de la Suisse

Les réponses à cette question viendront dans un avenir proche de deux pays parmi les plus démocratiques au monde: en Suède, la capitale Stockholm candidate pour 2026 (conjointement avec les stations de sports d’hiver Åre et Falun), en mettant explicitement l’accent sur la réalisation des objectifs de durabilité démocratiques du CIO. Et en Suisse, la Suisse romande tente sa chance – après le non à 60 % des Grisons au référendum de mi-février – avec Sion au premier plan. Il s’agit de la quatrième tentative de la capitale valaisanne (après ses échecs pour les jeux de 1976, 2002 et 2006).

Selon une enquête publiée il y a quelques jours par le journal L’illustréLien externe, les choses se présentent plutôt bien: en Suisse romande, les deux tiers de la population soutiennent cette candidature. Mais cela ne signifie pas grand-chose: car premièrement, une enquête d’opinion sur une question générale n’engage à rien et a peu de choses en commun avec les implications d’une votation relative à un projet de financement concret. Deuxièmement, la région n’a pas encore vraiment pris la mesure des exigences particulières que les dirigeants du CIO pourraient vouloir imposer au Valais.

(Traduction: groupe de traduction de Zurich)

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