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Quand les cliniques suisses draguent les riches étrangers

Les touristes médicaux qui viennent en Suisse dépensent beaucoup d'argent, et pas seulement en frais de traitements. Seuls 20% de leur budget est consacré aux soins, tandis que le 80% restant se traduit en repas gastronomiques, hôtels et shopping. kusnachtpractice.com

Suites de luxe, service d'interprète et soins de haute qualité: les cliniques privées suisses se battent sur le marché mondial pour attirer les riches patients qui dépensent des dizaines de milliers de francs dans le pays. L’émission Mise au Point de la RTS les a suivies en Russie.

Cures thermales, chirurgie esthétique mais aussi médecine de pointe, oncologie ou cardiologie: la Suisse vend de plus en plus ses traitements médicaux à l’étranger. Ce marché plein boom s’adresse à une clientèle étrangère haut de gamme. Swiss Health, Swixmed ou l’association des cliniques privées genevoises sont autant d’organismes qui ont été créés ces dernières années pour promouvoir la Suisse à l’étranger comme une destination de marque pour ses soins médicaux de pointe et… de luxe.

Les cliniques qui accueillent ces «patients VIP» ressemblent en effet plus à des palaces qu’à des hôpitaux. Ces patients sont prêts à payer jusqu’à 4000 et même 7500 francs la nuit, révèle l’enquête de Mise au Point.

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Et pour attirer ces riches touristes médicaux en Suisse, le secteur ne lésine pas sur le marketing, car la concurrence est vive. Sur les rangs de la médecine de luxe, on trouve aussi Israël ou l’Allemagne.

La Russie en premier lieu

La RTS a ainsi pu se rendre à Moscou pour assister à un événement de promotion organisé par l’association Swiss Health, qui regroupe 22 établissements: plusieurs cliniques privées et tous les hôpitaux universitaires publics suisses. L’association organise ce type d’opérations plusieurs fois par an au Kazakhstan, en Chine et au Proche-Orient.

Brochures sur papier glacé, sites internet en cyrillique ou en arabe, petits cadeaux et promotion des grands professeurs suisses, tout est mis en oeuvre pour attirer les potentiels touristes médicaux.

Dans la salle se trouvent les représentants des cliniques suisses et des personnalités russes fortunées et influentes, susceptibles de venir eux-mêmes se soigner en Suisse ou d’en faire la promotion autour d’eux.

Si la publicité sur les sites des cliniques privées est légion, la volonté des établissements de communiquer dans les médias, en tout cas télévisé, est beaucoup plus restreinte.

En effet, toutes les cliniques privées contactées (Hirslanden, la clinique de Loèche-les-Bains, la clinique de Genolier et la clinique La Prairie à Montreux notamment) ont refusé à la RTS la possibilité de filmer leurs chambres cinq étoiles. Seul un établissement à Genève, Incorpore Medical Center, qui possède des locaux mais pas de suites de haut standing, a autorisé la prise de vue dans ses locaux.

Du beurre dans les épinards

Plus étonnant, un représentant de l’Hôpital universitaire de Zurich, dont le site internet a lui aussi été récemment traduit en russe, est présent pour vanter la qualité de ses médecins. Mais pourquoi un établissement public cherche-t-il à recruter ce type de patients?

«Ils paient un prix un peu plus élevé que les patients habituels. Ce n’est pas un prix fantaisiste, mais c’est un peu plus cher. C’est bien car ça nous aide évidemment à améliorer notre bénéfice», explique Florian Rajki, directeur du marketing de l’Hôpital de Zurich.

Le Zurichois note toutefois que ces patients suscitent aussi un intérêt médical pour les chercheurs, car ce sont des cas particuliers. «On a des cas de patients médicalement intéressants à traiter et un bénéfice économique. Et la qualité des soins pour le patient est exceptionnelle, c’est un gain qui va dans les deux sens», explique Florian Rajki, directeur marketing de l’Hôpital universitaire de Zurich.

Preuve de la qualité des soins

Le directeur marketing fait le voyage tous les 2 à 3 ans en Russie. Il rappelle aussi l’importance de ces nouveaux marchés pour la renommée internationale de l’hôpital. «Être capable d’attirer des VIP signifie que la qualité des soins est au top».

Le différence de prix entre le tarif Tarmed pour les patients suisses et celui pour clients étrangers n’est pas connu. A Zurich, l’hôpital accueille «quelques centaines» de patients russes par année. Ceux-ci représentent la clientèle étrangère la plus importante.

Les HUG à Genève ou le CHUV à Lausanne disent, eux, ne pas se sentir concernés par cette clientèle de luxe. Aucune statistique sur la patientèle étrangère n’a été communiquée mais on explique que le chiffre est marginal.

«VIP check-up» à 12’000 francs

Même si on ne connaît pas le montant des frais facturés par les hôpitaux publics, les marges n’ont rien à voir avec les prix que pratiquent les cliniques privées. A Genève, chez Incorpore Medical Center, le prix des traitements varie entre 2500 francs pour le «check-up express» (12’000 francs pour la version «VIP check-up») à quelque 80’000 francs pour un traitement oncologique complexe. Certains établissements de luxe, tels que la clinique La Prairie à Montreux, n’affichent même pas leurs tarifs.

Mais ces prix restent même modestes face au traitement en centre de désintoxication d’une clinique zurichoise qui facture quatre semaines de soins pour 290’000 francs. Elle est réputée pour être la clinique la plus chère au monde. Pour ce prix, le client bénéficie d’un majordome à disposition 24h sur 24 et d’un chef cuisiner.

Les touristes médicaux qui viennent en Suisse dépensent beaucoup d’argent, et pas seulement en frais de traitements. Seuls 20% de leur budget est consacré aux soins, tandis que le 80% restant se traduit en repas gastronomiques, hôtels et shopping.

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