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Les Suisses doivent soulever la question des droits de l’homme à Astana

Rédaction Swissinfo

Les militants des droits de l'homme sont préoccupés par les messages mitigés qui peuvent venir lorsque des dirigeants politiques suisses apparaissent à l'Expo 2017 au Kazakhstan.

Alors que les médias européens ont largement ignoré l’exposition, l’événement reçoit une couverture considérable par les médias contrôlés par l’État au Kazakhstan, où les lecteurs et les téléspectateurs peuvent s’émerveiller des émotions architectoniques (et des coûts) de l’expo. La nature grandiose de l’exposition reflète naturellement les efforts du régime pour se poser comme un état moderne et fonctionnel.

Situation problématique des droits de l’homme

Cependant, le pénible dossier des droits de l’homme du pays raconte une histoire différente: les autorités violentent les droits de l’homme, les libertés, comme leurs défenseurs. Les militants, les dirigeants syndicaux et les journalistes languissent en prison pour leurs activités légitimes et pacifiques. La liberté d’expression et le droit à l’assemblée et à l’association pacifiques sont soumis à une pression particulière, alors que les médias indépendants sont étouffés. De façon alarmante, le mois dernier, un journaliste a été brutalement poignardé lors d’un voyage pour informer les diplomates occidentaux sur les questions relatives aux droits de l’homme.

Dans ce contexte, le service de presse du Département fédéral des affaires étrangères rapporte que la présidente Doris Leuthard visitera l’exposition le 11 août et que le ministre des Affaires étrangères, Didier Burkhalter, s’y rendra le 19 juin. Et le ministre des Finances, Ueli Maurer, visitera également l’exposition, lors d’un voyage en Asie centrale. L’exposition et ces visites devraient être couvertes par les médias suisses parce que les États autoritaires enregistrent systématiquement des visites de haut niveau des pays démocratiques pour légitimer leur régime. Sans liberté d’expression, sans presse libre et critique, le régime est libre de présenter sa propre version de ces visites. En d’autres termes, les représentants gouvernementaux invités risquent d’être instrumentalisés par le régime pour mettre sous le tapis les atteintes aux droits de l’homme.

Marius Fossum
Marius Fossum travaille pour le Comité d’Helsinki, une organisation non gouvernementale norvégienne qui s’attaque aux problèmes des droits de l’homme. Il a également travaillé à l’ambassade de Norvège en Azerbaïdjan et pour une organisation écologiste au Tadjikistan. courtesy

Le risque est naturellement amplifié car les officiels invités représentent un pays européen – comme la Suisse – avec un engagement largement reconnu et durable en faveur des droits de l’homme, à la fois sur le plan national et international dans ses politiques étrangères. Ajoutez à cela l’ampleur des visites – trois des sept membres du Conseil fédéral, y compris la présidente, vont à l’exposition – et le risque apparaît encore plus grand. Le Comité norvégien d’Helsinki, bien sûr, ne conseille pas au gouvernement suisse de renoncer à se rendre à Astana, mais de prendre les mesures nécessaires pour réduire ce risque d’instrumentalisation.

Appel à l’action

En conséquence, la présidente suisse et le ministre des Affaires étrangères doivent placer les droits de l’homme et la démocratie à l’ordre du jour de leur programme de visite. Ils devraient réclamer publiquement et en privé la libération des militants et dirigeants syndicaux, et rencontrer des défenseurs locaux des droits humains qui subissent une pression croissante. En outre, la présidente et le ministre des Affaires étrangères devraient demander aux autorités de lever les restrictions indues sur les libertés fondamentales et permettre une véritable liberté d’expression, de réunion et d’association, ainsi qu’une presse libre.

Mettre les droits de l’homme à l’ordre du jour serait dans le fil de la politique étrangère de la Suisse et de son engagement en faveur des droits humain. Ce qui figure, par exemple, dans les Lignes directrices de la Suisse à propos de la protection des défenseurs des droits de l’homme. Par ailleurs, le document en question souligne, comme essentiel pour ces défenseurs, les libertés d’expression, d’assemblée et d’association, qui sont toutes mentionnées au Kazakhstan. S’exprimer en faveur des libertés au Kazakhstan enverrait un signal efficace au régime. Soit que la Suisse ne ferme pas les yeux sur les violations des droits et, plus important encore, ce serait un message fort et bienvenu de soutien à la communauté des droits de l’homme, sous pression au Kazakhstan. Cela empêcherait le régime de profiter politiquement de l’engagement de la Suisse en faveur des droits de l’homme et de la démocratie.

Avec Human Rights Watch, le Comité norvégien d’Helsinki a envoyé une lettre à la présidente suisse et au ministre des Affaires étrangères qui fournit des informations sur plusieurs cas exemplaires de violations au Kazakhstan.

Le point de vue exprimé dans cet article est celui de son auteur et ne correspond pas forcément à celui de swissinfo.ch


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Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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