Des perspectives suisses en 10 langues

Les entreprises pharmaceutiques font un pas vers plus de transparence

80% des entreprises pharmaceutiques actives en Suisse publieront les sommes qu’elles ont versées en 2015 à des médecins, hôpitaux, associations de spécialistes ou patients. Keystone

Jusqu’au 30 juin, cinquante entreprises pharmaceutiques publieront les sommes qu’elles ont versées l’an passé au milieu médical. Un voile d’opacité se lève, même si dans les faits la transparence est encore timide.

Les relations entre industrie pharmaceutique et milieu médical sont parfois incestueuses. Si les pratiques évoluent, les suspicions restent nombreuses. Pendant des décennies, il a été question de congrès dans des hôtels de luxe – parfois à l’autre bout du monde -, de cadeaux d’une valeur démesurée et de paiements sans réelle contre-prestation.

Certaines pratiques ont éclaté au grand jour, comme par exemple en 2012, lorsque Pfizer, accusé d’avoir versé des pots de vin et des cadeaux pour augmenter les ventes, a versé 60 millions de dollars au gouvernement américain.

Après des décennies d’excès, quelques procès aussi, le secteur pharmaceutique fait petit à petit le ménage et s’essaie à la transparence. Ainsi, les flux financiers entre entreprises pharmaceutiques sont publiés et consultables sur des bases de données centralisées depuis plus de deux ans, notamment aux Etats-Unis et en France.

Contenu externe

Coopération et transparence

Jusqu’au 30 juin, cinquante entreprises pharmaceutiques actives en Suisse (qui représentent 80% du marché) publieront les sommes qu’elles ont versées en 2015 à des médecins, hôpitaux, associations de spécialistes ou patients. Par exemple pour financer des déplacements et des hébergement à des congrès, la rétribution d’activités de conseil ou encore de subventions à la recherche.

“L’évolution de la société a poussé l’industrie à rendre transparents les flux financiers dans le domaine de la santé. Le but est d’améliorer la confiance du public”, explique Marcel Sennhauser de Scienceindustries, l’association faîtière suisse des industries chimie, pharma et biotech responsable pour la mise en œuvre de ces règles sur le territoire national.

Remo Osterwalder, vice-président de la FMH salue la démarche: “On parle partout de la transparence alors pourquoi pas aussi dans ce domaine-là, car il n’y a rien à cacher.” Pascal Bonnabry, pharmacien chef aux HUG va plus loin: “Je pense que cela a un effet régulateur, c’est-à-dire qu’à partir du moment où les choses sont connues et publiées, chaque professionnel de la santé va réfléchir à deux fois avant d’accepter une prestation pour l’industrie, ou un soutien de sa part. Et de leur côté les entreprises vont également réfléchir, car elles sauront que c’est publié, et que les concurrents auront donc accès à ces informations.”

Une transparence limitée

Mais les limites sont encore nombreuses: le personnel de santé peut ainsi demander à rester anonyme. Des sommes globales sont alors déclarées sans que l’on ne sache à qui elles étaient destinées. “C’est ensuite aux firmes de décider si elles souhaitent continuer à collaborer avec ces personnes – ou pas”, détaille Marcel Sennhauser.

Les financements de la recherche clinique restent également très flous: ils sont agglomérés en un seul bloc, intitulé “recherche et développement”. Sans savoir dans quels domaines, pour quels montants et avec la collaboration de quels médecins ces études ont été réalisées.

Par ailleurs, ces publications ne règlent de loin pas entièrement l’influence que tente d’avoir l’industrie pharmaceutique sur les médecins et leurs prescriptions, estime Pascal Bonnabry pour qui “l’industrie conserve toutes ses armes de marketing, que ce soit la distribution de documents – plus ou moins biaisés – , le don d’objets de petite valeur et les visites médicales aux professionnels de santé dans lesquelles sont transmises des informations plus ou moins objective”. Pour le pharmacien chef aux HUG c’est cette armada d’activité de marketing “qui est à l’origine de l’influence de la prescription”.

Et surtout: ces flux financiers sont divulgués par chaque entreprise sur son propre site internet. Pas de base de données commune, accessible facilement et simple d’utilisation pour les citoyens.

Il faut néanmoins noter que la démarche relève de l’autorégulation et reste donc à saluer; le système évoluera peut-être encore dans les années à venir, vers encore davantage de transparence.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision