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«90% des pédophiles sont des hommes»

La pédocriminalité a existé de tous temps. Elle n'a pas attendu l'avènement d'Internet. swissinfo.ch

Les enquêtes contre 1300 consommateurs de pornographie enfantine sur Internet continuent. Et s'étendent désormais à toute la Suisse.

Philip Jaffé, spécialiste en psychologie légale à Genève, analyse pour swissinfo les mécanismes de ce phénomène.

swissinfo: Ces amateurs d’images pornographiques mettant en scène des enfants sont de plus en plus nombreux. Comment les définissez-vous?

Philip Jaffé: Ce sont des personnes qui sont attirées de manière compulsive par des partenaires sexuels mineurs ou par les images de ces partenaires.

Comment expliquer cette attirance irrépressible?

P. J.: Les recherches montrent que ce type de comportement se développe sur des déficits. Souvent, les pédophiles ont des incapacités relationnelles qui les poussent à se porter sur des jeunes.

Toute une série d’éléments sont liés à ces carences, comme le manque d’estime de soi ou l’incapacité d’exprimer et d’échanger ses émotions.

L’autre grande explication souligne l’impact des modèles d’apprentissage déviant. Certains deviennent pédophiles parce qu’un membre de leur entourage familial l’était ou alors parce qu’ils ont été exposés à des comportements pédophiles à un âge sensible.

Peut-on qualifier les pédophiles d’immatures?

P. J.: On évoque généralement deux catégories principales. Le groupe des pédophiles fixés. Ceux qui, depuis l’âge de l’éveil sexuel, sont attirés par des enfants et le restent une fois qu’ils sont devenus adultes.

Et puis, il y a le groupe des pédophiles régressés. Se sont des personnes un peu moins immatures en apparence qui peuvent être mariées et avoir des enfants. Mais qui sont néanmoins fragiles sur le plan psychologique.

Ces personnes peuvent développer un penchant pédophile suite à un accident, à un coup dur, ou à une confrontation avec des images pédophiles.

On prétend qu’il s’agit surtout de personnes de sexe masculin…

P. J: Il n’existe pas de statistique fiable. Mais on estime en effet que plus de 90% des pédophiles sont des hommes. Quant aux pédophiles qui pratiquent en couple, ils sont très peu nombreux.

Comment explique-t-on cette prédominance masculine?

P. J.: Dans notre société, l’homme est un être sexuel dominant. Il est beaucoup plus prédateur, actif entreprenant que la femme.

Mais il est possible que le nombre de femmes pédophiles augmente au fur et à mesure que le rôle et le statut des femmes évolue.

S’agit-il d’un phénomène croissant ou en parle-t-on davantage qu’avant?

P. J.: Il y a toujours eu des pédophiles. On peut même dire qu’il y a un noyau dur de pédophile constant au cours des âges et dans les différents types de sociétés.

La catégorie qui augmente le plus se situe surtout chez les personnes fragiles psychologiquement.

Les sollicitations sociales, la manière dont le corps de l’enfant est exploité dans la publicité, dans l’art, dans les médias et sur Internet, tout cela peut déclencher chez ces personnes fragiles des comportements déviants.

Est-ce que certaines catégories sociales sont plus exposées que d’autres?

P. J.: Les pédophiles appartiennent à toutes les catégories sociales. Mais le tourisme sexuel coûte cher. Et tous n’ont pas les moyens d’en faire trois fois par année.

Par ailleurs, l’utilisation d’Internet demande, elle aussi, des moyens. Et des compétences particulières.

Comment jugez-vous le phénomène pédophile et le battage médiatique qu’il suscite?

P. J.: Dans les années 70 et 80, on évoquait beaucoup les violences faites aux femmes. Aujourd’hui, les enfants sont devenus une catégorie phare de l’inquiétude sociale.

C’est, sans doute, dû au fait que les femmes ont acquis certains droits. Maintenant on s’intéresse à ce qui leur est le plus cher: leurs enfants.

Ils sont devenus l’une des préoccupations majeures de nos sociétés occidentales où l’on fait moins d’enfants qu’ailleurs.

Nous avons également découvert que certains comportements connus de longue date ont des conséquences bien plus graves qu’on ne pouvait l’imaginer dans le temps.

On mesure beaucoup mieux l’impact des abus sur les victimes et les risques de marginalisation, de toxicomanie, de prostitution ou de criminalité qu’ils entraînent.

On sait aujourd’hui que les enfants abusés sexuellement sont animés par de fortes tentations suicidaires.

swissinfo/propos recueillis par Frédéric Burnand

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