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“Ca ne fonctionnera pas. Et si oui, ça n’intéressera personne”

L'Internet a 50 ans. L'ingénieur Leonard Kleinrock, de l'Université de Californie, est l'un des principaux inventeurs du principe de la commutation de paquets, technologie sur laquelle repose l'Internet. Ici, une photo de 2009 le montre à côté d'un processeur de messages par interface (archives). KEYSTONE/AP/Matt Sayles sda-ats

(Keystone-ATS) Plus de la moitié de la population mondiale dispose d’un accès à Internet. En Suisse, près de 100% de la tranche d’âge des 14-40 ans sont en ligne plusieurs fois par semaine et même les seniors surfent sur la toile. Les bases du phénomène ont été jetées il y a 50 ans.

Lorsque Neil Armstrong a effectué son “bond de géant pour l’humanité”, il y a plus de 50 ans, il ne se doutait pas de la dimension des pas qu’elle allait encore franchir: 50 ans plus tard, presque chaque enfant dans le monde occidental porte dans son sac d’école un appareil des millions de fois plus performant que l'”Apollo Guidance Computer”, l’ordinateur qui a permis à Armstrong de gagner la lune.

Il ne pouvait pas s’imaginer non plus que 50 ans plus tard, le chirurgien indien Tejas Patel opérerait à distance le coeur d’une patiente, alitée dans un hôpital à 32 kilomètres de là. Pour ce faire, le cardiologue a guidé un robot opérateur avec des manettes dont les mouvements étaient transmis par Wi-Fi. Il ne s’agissait pas que d’épater la galerie: les médecins sont clairsemés en Inde et les opérations téléguidées pourraient y résoudre de gros problèmes.

Signaux de fumée

Au fond, les précurseurs d’Internet étaient les messages transmis par tambours en Afrique et les signaux de fumée des indiens d’Amérique. Mais l’impulsion décisive fut “choc du Spoutnik”, un jalon de la guerre froide qui débute le 4 octobre 1957, lorsque l’Union soviétique met pour la première fois en orbite un satellite. Pour les Etats-Unis, puissance mondiale dominante, il était hors de question que les communistes remportent la conquête de l’espace.

Washington s’est alors mis à investir de manière effrénée dans la recherche technologique. En février 1958, le président Eisenhower signe une directive donnant naissance à l’agence de recherche ARPA (Advanced Research Projects Agency), avec pour objectif de faire en sorte que la technologie de l’armée américaine reste supérieure à celle de ses ennemis. Les moyens presque illimités à disposition ont permis le développement du réseau informatique universitaire ARPANET, qui a fini par devenir Internet.

Erreur d’appréciation

Les universités chargées de faire de la recherche dans le cadre de la compétition technologique que se livraient les Etats-Unis et l’Union soviétique échangeaient alors leurs données par la poste. Les disquettes ne sont apparues qu’en 1969, le fax en 1974. L’ingénieur Leonard Kleinrock, de l’Université de Californie à Los Angeles, s’est dit qu’il serait bien pratique de pouvoir se transmettre des données via la ligne du téléphone.

Kleinrock est l’un des principaux inventeurs du principe de la commutation de paquets, la technologie sur laquelle repose l’Internet. En 1962 déjà, il avait réalisé un travail de doctorat à ce sujet. Lorsqu’il tenta de vendre son idée aux compagnies téléphoniques, ceux-ci ont fait la fine bouche et l’ont éconduit.

“Ils m’ont dit que ça ne fonctionnerait pas. Et si oui, que cela n’intéressait de toute façon personne”, a raconté Leonard Kleinrock plus tard. Une erreur d’appréciation fatale: entretemps, près de quatre milliards de personnes ont accès à Internet. “Jamais je n’aurais pensé que ma mère utiliserait encore le réseau à 99 ans”, s’est étonné l’ingénieur lui-même lors du 40e anniversaire d’Internet.

Une panne à la deuxième lettre

Après avoir été répudié par les compagnies téléphoniques, Kleinrock et son équipe ont été accueillis par l’ARPA. Une institution qui disposait de moyens financiers presque illimités depuis la crise du Spoutnik.

La première connexion Internet, le 29 octobre 1969, a fait un flop: le système plante avec le “o” de “login”. Qu’importe, quelques heures plus tard, l’intégralité du message “login” arrive finalement: un ordinateur de l’Université de Californie à Los Angeles entre en contact avec un appareil de l’Université de Stanford, près de San Francisco. A la fin de l’année, un réseau réduit avait vu le jour, avec des ordinateurs supplémentaires à Santa Barbara et dans l’Utah.

Le réseau a mis du termps à se développer. L’Europe n’y a été connectée qu’en 1973. Au début des années 1990, seuls les experts scientifiques le connaissaient. Mais une série d’innovations a accéléré les choses et en 1989, le Britannique Tim Berners-Lee a créé au CERN à Genève le World Wide Web, une invention qui a révolutionné l’usage d’Internet et notre façon de vivre.

Avant les années 1990, pour obtenir des informations sortant de l’ordinaire, il fallait se rendre dans une bibliothèque ou dans des archives, consulter des centaines de fiches, commander la source, patienter jusqu’à ce qu’elle arrive et parfois constater qu’elle est inutilisable. Aujourd’hui, grâce à Google et Wikipédia, les réponses sont disponibles en quelques minutes – une bénédiction.

Troll

Mais Internet permet également d’accéder à des abominations et au fanatisme de se réseauter et de s’organiser. Même un internaute dépourvu d’énergie criminelle peut se muter en troll, qui oublie ses bonnes manières et qui humilie ou insulte d’autres utilisateurs.

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