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«Le Messager boiteux» fête ses 300 ans

De 1707 à 2007, le dessin de couverture a à peine changé. Messager boiteux

Tenant à la fois du calendrier paysan et de la gazette des faits divers, l'almanach a longtemps été la seule lecture du grand public, hormis la Bible.

Aujourd’hui, la presse à grand tirage, la TV et M. Météo ont pris le relais mais «Le Messager» occupe sa place dans les ménages, comme à chaque automne depuis 1707.

«A l’origine, un almanach répondait au besoin de connaître les nouvelles de l’année précédente, les nouvelles du monde mais aussi les événements les plus sanglants et invraisemblables possible», explique l’historienne Liliane Desponds.

Au calendrier des fêtes religieuses et aux historiettes et faits divers effrayants se mêlent les prédictions astrologiques et météorologiques, des proverbes et des conseils concernant l´agriculture et le jardinage ou la santé. Sans oublier des recettes de cuisine pour l’année en cours.

Lecture populaire très prisée sous l’Ancien Régime, l’almanach est à la fois l’ancêtre de l’agenda et du journal de boulevard. Diffusé généralement par des colporteurs à domicile ou dans les foires, il atteignait toutes les régions et toutes les couches sociales.

Né à une époque de sévère censure, le genre connut au 19e siècle un essor spectaculaire. Les progrès de l’imprimerie et la liberté de la presse favorisèrent l’apparition d’almanachs engagés, sur le plan confessionnel ou politique, qui contribuèrent grandement à la formation de l’opinion publique.

«Le Messager boiteux» (Hinkende Bote) fut publié en allemand à Berne dès 1677, et en français dès 1707 dans le canton de Vaud, alors sous domination bernoise. Et aujourd’hui, c’est la plus ancienne publication connue encore existante en Suisse, précise Liliane Desponds à swissinfo.

Toujours très lu

«Il est toujours très lu en Suisse romande car, outre la chronique de l’année précédente, il offre plein de renseignements pratiques et généraux et conserve un ancrage solide jusque dans nos sociétés urbaines», ajoute l’historienne.

Pour preuve de cet intérêt persistant, l’édition 2007 a été tirée à 80’000 exemplaires. Son rédacteur en chef depuis 2000, Roger Simon-Vermot, fana de bande dessinée, se fend même d’un hommage à Betty Boop qui fête, elle, ses 75 ans.

L’apparence non plus n’a pas changé, avec pratiquement le même dessin de couverture que la première édition de 1707. Sur fond de bataille navale, se tiennent un soldat en uniforme de la garde pontificale qui rappelle le Moyen Age, un prêtre, un militaire du 18e siècle… et le messager à la jambe de bois, ornée des ailes de Mercure, dieu des voyageurs.

Ils semblent vouloir protéger un enfant et, au sol, un escargot rappelle que le temps s’écoule lentement.

En chair et en os…

Pourquoi boiteux, le messager? «Parce qu’à l’époque, on employait souvent comme messagers des militaires blessés ou amputés, répond Liliane Desponds. Mais c’est le personnage qui a le plus changé avec le temps, pour devenir toujours plus ‘postal’, avec le tricorne et la trompette.»

Il a eu du reste plusieurs représentants en chair et en os, bien connus des Romands. Comme Samuel Burnand jusqu’en 1985, qui fut l’un des nombreux figurants de la Fête des vignerons de 1955 et 1977.

Actuellement, ce rôle est assuré par un Fribourgeois, Jean-Luc Sansonnens, 34 ans, amputé à la suite d’un accident de moto en 1988.

…mais toujours mystérieux

Si la silhouette du messager est caractéristique, son modèle est resté mystérieux. Mais son secret le mieux gardé, ce sont les prévisions météorologiques.

Des prévisions qui, selon Yves Barras, armailli interviewé dans l’édition 2007, «coïncident étonnamment avec mes observations quotidiennes». «C’est un grand secret, qui se transmet de rédacteur en cher à rédacteur en chef», répond malicieusement Roger Simon-Vermot.

Avant de préciser que ces prévisions se basent sur une étude statistique faite par un moine allemand du Moyen Age qui avait observé que le temps obéit à des cycles de sept ou neuf ans. «En tout cas nous tenons compte du réchauffement climatique», ajoute le rédacteur en chef.

Et ça marche, puisque «Le Messager» avait, par exemple, annoncé une année à l’avance la canicule de l’été 2003. Et l’été 2007? En août, nuits fraîches, assez beau et pluies quotidiennes jusqu’au 15 août. Puis beau temps, grand soleil jusqu’au 27. A vérifier l’année prochaine.

swissinfo, Isabelle Eichenberger

D’origine syriaque, le mot arabe almanach («l’année prochaine») gagna l’Europe au Moyen Age.

L’un des plus célèbres est le «Messager boiteux» («Hinkende Bote») publié en allemand à Berne dès 1677, et en français dès 1707 dans le canton de Vaud, alors sous domination bernoise.

Au Tessin, «La scuola di Minerva» parut à Lugano en 1746 et c’est à Disentis en 1771 que fut imprimé «Nova Pratica», le plus ancien calendrier romanche connu.

L’édition 2007, qui marque le 3e centenaire, est tirée à 80’000 exemplaires et est en vente en kiosque et en librairie.

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