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400 ex-employés de Procter & Gamble attaquent la firme à Genève

Le site de Procter & Gamble à Cincinnati, aux Etats-Unis. KEYSTONE/AP/JOHN MINCHILLO sda-ats

(Keystone-ATS) Quelque 400 ex-employés du siège genevois de Procter & Gamble (P&G) attaquent en justice le géant américain des biens de consommation. Ils l’accusent de ne pas avoir versé les prestations de prévoyance promises lors de leur transfert dans le groupe Coty.

Jugeant le “cas très étonnant” dans une interview publiée dans Le Matin Dimanche, l’avocat Jacques-André Schneider, spécialiste reconnu en matière de prévoyance professionnelle, a notamment attaqué P&G devant l’Autorité cantonale de surveillance des fondations et institutions de prévoyance. Il conteste la liquidation partielle de la caisse de pensions du géant américain.

“Alors que les employés doivent recevoir 70% du salaire assuré des trois dernières années de carrière, ils constatent aujourd’hui qu’ils ne vont jamais toucher cette prestation”, explique l’ancien vice-président de la Commission fédérale de recours en matière de prévoyance. P&G “promet la lune sans la financer”.

Me Schneider estime que P&G a tout entrepris pour verser des cotisations “incroyablement basses à son institution de prévoyance”. Pour le plan de prestations promis, le taux de cotisation aurait dû atteindre entre 21 et 23%. “Ici, l’entreprise n’en paie que 10%”.

Calculs non conformes à la loi

De l’avis de l’avocat, la multinationale a utilisé dans le calcul des prestations de libre passage destinées aux salariés transférés chez le spécialiste britannique des cosmétiques Coty, également présent à Genève, des formules mathématiques non conformes à la loi. Celles-ci ont désavantagé les salariés quittant l’entreprise, même si ceux-ci y sont obligés.

L’affaire remonte à la cession annoncée en 2015 et bouclée en octobre dernier de 41 marques de P&G, dont Clairol, Wella Max Factor et Cover Girl, à Coty pour 12,5 milliards de dollars (12,31 milliards de francs au cours actuel). L’opération s’est soldée par le transfert de 10’000 collaborateurs d’un groupe à l’autre, dont 700 à Genève. Ces derniers ont constitué l’association Pro-Fair pour faire valoir leurs droits.

Par le passé, P&G versait des compléments aux employés dont elle se séparait, poursuit Me Schneider. Me Schneider suppose que P&G savait que sa caisse de pension ne disposait pas des fonds nécessaires au financement de sa promesse. Conformément aux normes comptables, elle a alors provisionné de l’argent dans ses propres comptes.

Reproches contestés

“Mais au lieu de verser une part aux employés concernés, elle a dissous ces provisions pour réaliser un profit extraordinaire”, constate l’avocat. Or la loi suisse stipule qu’une fondation de prévoyance doit être indépendante financièrement de l’entreprise.

“On assiste ici à ce que la loi sur le libre passage a voulu éviter: que les salariés soient attachés par des chaînes dorées à leur employeur jusqu’à leur retraite”, note encore l’avocat qui est également professeur à l’Université de Lausanne.

De son côté, P&G confirme dans un courriel à l’ats qu'”un groupe d’anciens employés de son siège à Genève se sont adressés à l’Autorité cantonale de Surveillance des Fondations et des Institutions de Prévoyance (ASFIP) pour faire vérifier le montant des réserves et provisions de la Fondation de prévoyance de P&G devant être transférées à leur nouvelle institution de prévoyance”.

Les employés concernés par le transfert chez Coty ont été informés par le biais de consultations collectives et individuelles relatives aux conditions d’emploi, de salaires et autres avantages ainsi que de retraite, affirme P&G. “Ces sessions ont été initiées 6 mois avant la date effective du transfert”.

Les collaborateurs “ont reçu 100% de leur libre-passage, et ce, en totale conformité tant avec les règlements applicables de la Fondation P&G qu’avec les exigences légales”. De plus, une part proportionnelle des réserves et des provisions disponibles a été transférée vers la nouvelle institution de prévoyance des employés concernés, “et cela dans le plein respect du règlement de liquidation partielle pré-approuvé par l’ASFIP”, déclare P&G. Ce montant correspond à “environ 30% du total des libre-passages”.

Les arguments avancés par ce groupe d’anciens employés sont inexacts et infondés, conclut P&G.

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