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Où sont les jeunes dans les clubs de Suisses de France?

De nombreux clubs suisses de France ont été créés au 19e siècle bien avant d'être regroupés au sein de l'UASF en 1959, à l'image du Club Suisse de Strasbourg créé en 1871. swissinfo.ch

Inquiète pour sa pérennité, l’Union des Associations suisses de France cherche la fontaine de jouvence. Dans un monde hyperconnecté, les plus jeunes tournent le dos aux clubs, créés à une époque où les expatriés cherchaient davantage à garder un lien avec leur pays d’origine. A l’heure de célébrer les 60 ans de l’UASF, ses délégués ont esquissé des solutions lors du Congrès annuel de l'organisation à Ajaccio (26-28 avril). 

«Le Club suisse, association fondée en 1871, avec siège à Strasbourg, a pour but d’entretenir les sentiments de confraternité entre Suisses et de leur procurer des distractions instructives», peut-on lire sur la première page du livret que tient entre les mains Sébastien Oberlé, le nouveau président du Club Suisse de Strasbourg. Ce sont les statuts, rédigés il y a près de 150 ans, qui président à la fondation de l’organisation.

Entre les années 1850 et 1900, 330’000 Suisses, fuyant la pauvreté, ont émigré, et beaucoup partaient pour l’Hexagone à la recherche de travail. Les associations, clubs et amicales ont alors connu un âge d’or. Elles faisaient office de trait d’union bienvenu entre la diaspora et sa patrie d’origine.

Soixante ans après le regroupement de ces organisations au sein de l’Union des Associations suisses de France (UASF), les temps ont bien changé. A l’ère où les réseaux sociaux sont rois et la planète connectée en permanence, l’organisation faîtière peine à assurer la relève. En ouvrant l’assemblée générale marquant les 60 ans de l’UASF à Ajaccio, sa présidente Françoise Millet-Leroux a tiré la sonnette d’alarme: «Chaque année, des associations disparaissent à la suite du décès de leur président ou du vieillissement de ses membres. Il est temps d’agir!»

Françoise Millet-Leroux, la présidente de l’UASF swissinfo.ch

Les médias sociaux, pas toujours la solution

Mais comment intéresser la «génération Y» aux activités des délégués de la Cinquième Suisse? Les associations de toutes les régions françaises se posent la question mais la réponse n’est pas claire. Certains ont tenté en vain d’actionner le levier des médias sociaux, comme l’explique le président de la Société suisse de Bordeaux Jean-Michel Begey: «L’une de nos jeunes membres avait lancé une page Facebook dédiée à la jeunesse de l’UASF mais celle-ci a fini par péricliter.»  

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Malgré la jeunesse de son président Anthony Schadegg (40 ans), l’Amicale des Suisses de Corse, hôte du Congrès de l’UASF, peine également à se renouveler. «Personnellement, je suis tombé dans la marmite, lorsque j’étais enfant, car mon père a également été président de l’organisation corse, qui compte aujourd’hui une centaine de membres. Nous n’arrivons toutefois pas à mobiliser d’autres jeunes», déplore-t-il. L’une des pistes à explorer serait peut-être de diversifier les activités, reconnaît-il, mais l’Amicale a jusqu’ici préféré rester fidèle à la tradition de réunir ses membres quelques fois par an pour des repas corses.

Des activités innovantes 

Un vent de fraîcheur souffle toutefois sur le Club Suisse de StrasbourgLien externe. Son nouveau président Sébastien Oberlé, 48 ans, et sa secrétaire Estelle Johner, 54 ans, sont déterminés à redynamiser le club. «Nous allons organiser prochainement une visite sous forme de jeu de piste du quartier de Neustadt, classé depuis 2018 au Patrimoine mondial de l’UNESCO», expliquent-t-ils. Objectif: cibler les familles et les actifs.

Les idées ne manquent pas mais la mission est difficile. «Beaucoup de Suisses de troisième ou quatrième génération sont intéressés aux avantages que peut leur apporter le passeport rouge à croix blanche en terme de formation ou de débouchés professionnels mais pas à s’investir dans une Amicale», constate Sébastien Oberlé. Les clubs doivent-ils dès lors se transformer en plateforme de réseautage professionnel? «Pour le moment, ce n’est pas prévu par les statuts», note le représentant des Helvètes de Strasbourg.

Sébastien Oberlé et Estelle Johner comptent dynamiser le Club Suisse de Strasbourg. swissinfo.ch

L’antidote reste à inventer

Au cours du Congrès, une participante interpelle le comité de l’UASF: «C’est à vous de soutenir les clubs et de les aider à renouveler leurs membres.» Mais personne n’a de solutions miracles à proposer. Françoise Millet-Leroux cite comme source d’inspiration les Suisses d’Italie qui ont réussi à créer un regroupement de jeunes. «Nous devons viser les familles avec de jeunes enfants pour fidéliser les générations et les sensibiliser à la nécessité de défendre les intérêts de la Cinquième Suisse en participant aux votations et élections de leur pays d’origine», estime-t-elle. Elle reconnaît toutefois que le chemin est long et sinueux: «Les associations doivent se transformer si elles ne veulent pas mourir, mais nous n’avons pas trouvé le véritable antidote.»

Les questions existentielles ne se posent pas uniquement au niveau de l’UASF. «On me demande aussi parfois à quoi sert encore une représentation diplomatique, alors qu’on peut communiquer avec le monde entier via internet», relève l’ambassadrice de Suisse en France Livia Leu. Elle en est convaincue: à l’image de la diplomatie, les associations de Suisses en France ont un avenir, même si elles devront faire des efforts afin de se rendre attractives pour les jeunes. «Rien ne remplacera un contact humain, une discussion tenue les yeux dans les yeux», conclue-t-elle.

Hommage

Les délégués de la Cinquième Suisse en France ont rendu samedi hommage à une figure de l’organisation: Agnès Parodi, décédée le 20 avril 2019, un mois avant son 106e anniversaire. Cette dernière ne manquait pas un Congrès de l’UASF. En 2017, swissinfo.ch avait rencontré Agnès Parodi, chez elle à Cannes. Malgré son âge, cette Suissesse de l’étranger, qui a parcouru le monde et vécu deux Guerres mondiales, n’avait pas le temps de s’ennuyer. Son portrait est à redécouvrir ici:

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Agnes Parodi hält ein Bild von sich selber im Alter von 22 Jahren.

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«Regarde, je suis toujours là»

Ce contenu a été publié sur «Et deux mois», précise-t-elle. «J’ai 104 ans et deux mois.» Chaque jour supplémentaire est un cadeau pour Agnès Parodi. «Le matin au réveil je me dis à chaque fois: regarde, je suis toujours là.» Elle n’a d’ailleurs pas l’habitude de laisser passer comme ça les journées que le destin lui donne. Et elle les remplit…

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Les Suisses en France

En 2018, 760’200 Suisses vivaient à l’étranger. La France héberge la plus grande communauté d’expatriés avec 197’400 personnes, soit quelque 26% du total, devant l’Allemagne (90’400 personnes) et les Etats-Unis (80’400 personnes).

La présence des Suisses en France est très ancienne. Ainsi, certains clubs, amicales ou associations ont dépassé l’âge vénérable de 200 ans. En 1958, au 36ème congrès de l’Organisation des Suisses de l’étranger à Baden, l’impulsion a été donnée en faveur du regroupement de ces organisations sur le modèle de ce qui se passait alors en Allemagne ou en Italie.

L’Union des Suisses de France, devenue par la suite Union des Associations suisses de France (UASF), a vu le jour officiellement en 1959 à l’Abbaye de Royaumont (Val-d’Oise, à une trentaine de kilomètres au nord de Paris).

L’UASF rassemble aujourd’hui près de 60 organisations. A la fin du mois d’avril, chaque année, l’UASF organise un congrès de trois jours au cours duquel a lieu son assemblée générale.

Les Suisses en Corse

L’Ile de Beauté plaît aux Helvètes, amateurs de randonnées et de nature. Quelque 460 Suisses sont installés en Corse. L’Amicale des Suisses de Corse, qui a organisé le Congrès marquant les 60 ans de l’Union des Associations Suisses de France, compte 25 familles adhérentes.

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