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A la recherche d’une exoplanète habitable

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Le 21e siècle nous permettra certainement de mieux comprendre les exoplanètes, ces mondes gravitant autour d'étoiles autres que notre soleil. C'est le credo de l'astrophysicien suisse Michel Mayor, à l'aube de l'Année mondiale de l'astronomie.

Michel Mayor était en janvier à Paris, puis à nouveau la semaine dernière à Berne, pour le lancement de l’Année mondiale de l’Astronomie. En 1995, avec son collègue de l’Université de Genève Didier Queloz, il a découvert la première planète hors de notre système solaire, en orbite autour d’une étoile distante de 42 années lumières de la Terre.

Douze ans plus tard, l’équipe de Michel Mayor identifiait Gliesse 5881 c, une planète potentiellement semblable à la Terre, en orbite autour de la minuscule étoile rouge Gliesse 581. A ce jour, plus de 300 exoplanètes ont été découvertes, dont une moitié par les gens de l’Université de Genève.

En mars, la NASA mettra en orbite le nouveau télescope Kepler, avec pour mission de rechercher des exoplanètes ressemblant à la Terre, que l’éclat de leurs étoiles rend invisibles aux distances auxquelles elles se trouvent de nous, et qui se comptent ec années-lumière.

swissinfo: Quelle est l’importance pour l’astronomie de Johannes Kepler et de Galilée, que l’on célèbre cette année?

Michel Mayor: Tous deux ont apporté une grande contribution. Ce sont les pères fondateurs, les figures clés de l’astronomie, même s’ils ont vécu il y a très longtemps et que la physique a énormément progressé depuis. Kepler a entrepris une quête mystique pour ‘organiser’ l’univers. Il a finalement découvert que le mouvement des planètes obéissait à trois règles mathématiques standard. Ce fut un vrai tournant.

Ainsi, je travaille sur les exoplanètes, mais les outils mathématiques que j’utilise sont directement liés aux lois de Kepler, et le mécanisme est largement basé sur les observations de Galilée. Donc, qu’on le veuille ou non, ce sont actuellement encore deux figures très présentes.

swissinfo: Le 20e siècle a apporté d’énormes progrès dans la connaissance des étoiles. Le 21e sera-t-il celui des exoplanètes?

M.M.: Le 20e siècle a été une période extraordinaire pour l’astrophysique. Tout d’abord nous avons réussi à comprendre le fonctionnement des étoiles. En 1937, Hans Bethe a découvert l’origine de l’énergie solaire. Plus tard, des observations majeures ont montré comment les étoiles se forment, évoluent et meurent. La nucléosynthèse fut une autre contribution fascinante, qui nous a permis de comprendre l’origine des éléments chimiques, ‘forgés’ au cœur des étoiles.

Une autre découverte fondamentale du 20e siècle est la cosmologie mathématique. A partir de la théorie de la relativité d’Einstein, l’homme a développé une approche qui peut sembler totalement démesurée et présomptueuse à première vue, et qui explique l’évolution de l’univers entier.

Les premières exoplanètes ont été découvertes à la fin du 20e siècle, mais c’est incroyable ce que nous avons appris sur elles en seulement 15 ans.

Il y en a maintenant plus de 300, et ce qui m’impressionne le plus, c’est le nombre de personnes qui travaillent dans ce domaine. Il y a eu une multiplication des techniques, et on utilise aujourd’hui déjà des satellites en plus des observations depuis la Terre et des recherches théoriques fondamentales.

Nous avons pu voir les premières images – encore très modestes – d’exoplanètes il y a quelques mois, et nous connaissons aussi leur masse, leurs orbites et leur structure interne. Nous commençons à analyser leur atmosphère pour détecter l’eau, le dioxyde de carbone et le sodium et nous mesurons directement leur température atmosphérique.

swissinfo: Pourquoi est-ce aussi difficile de détecter des exoplanètes?

M.M.: Une exoplanète est plus légère qu’une étoile, donc une méthode de détection indirecte consiste à enregistrer les perturbations dans le mouvement d’une étoile. Mais la masse de la planète est déterminante, si elle est trop petite elle ne fera pas bouger l’étoile.

L’autre difficulté c’est d’en observer une. Imaginez une bougie placée à un mètre d’un phare de marine et vous essayez de la voir depuis une distance de 1000 km. La lumière du phare rend évidemment la bougie totalement invisible.

swissinfo: En quoi la mission Kepler de la NASA, prévue en mars 2009 permettra de mieux comprendre l’univers et de détecter de nouvelles planètes?

M.M.: Le but de cette mission de trois ans est d’étudier le nombre d’exoplanètes ressemblant à la Terre, tournant à la bonne distance de leur étoile et où la vie pourrait se développer.

Nous avons actuellement beaucoup d’informations sur les grosses exoplanètes, mais elles sont moins intéressantes. Pour que la vie puisse se développer, il faut une planète rocheuse relativement légère, à la bonne température. Et les machines dont nous disposons actuellement ont de la peine à détecter de telles planètes.

La mission Kepler pourrait nous aider à en trouver. Et plus tard, nous devrions encore avoir encore les flottilles de télescopes américaines Terrestrial Planet Finder et européenne Darwin, vouées à la même quête. Donc, je suis optimiste que d’ici 20 ans, nous aurons de bons résultats.

swissinfo: Quelle est la probabilité de trouver la vie sur une autre planète de l’univers?

M.M.: En tant que scientifique, je ne me sens pas capable de répondre à cette question.

Il y probablement de nombreuses exoplanètes rocheuses à la bonne température en orbite autour d’une étoile ressemblant au soleil… mais nous ne savons pas lesquelles pourraient être potentiellement intéressantes pour le développement de la vie.

Mais là n’est pas le problème majeur. A supposer que nous trouvions les bonnes conditions, quelles sont les chances que la chimie et la biologie puissent créer un organisme vivant aussi élaboré qu’une cellule ? Nous n’en avons aucune idée. Certains prétendent que si le miracle s’est produit sur Terre, il peut tout aussi bien se reproduire ailleurs, mais en réalité, nous n’en savons rien.

La biologie actuellement n’est pas suffisamment développée pour répondre à de telles questions. Nous devons rester modestes. L’univers a mis plusieurs centaines de millions d’années pour effectuer ses expériences chimiques dans un énorme laboratoire: la Terre. C’est le seul argument scientifique certain.

Personnellement je pense que la vie est une sorte de sous-produit des lois de l’univers et que lorsque toutes les conditions sont réunies, la vie est rendue possible sous une forme ou une autre.

Il n’y a rien de choquant à cela. Les atomes qui nous constituent proviennent de l’intérieur d’une étoile. Je suis donc assez heureux avec l’idée que la vie existe ailleurs.

swissinfo: Quelles sont vos attentes pour cette Année mondiale de l’astronomie?

M.M.: L’astronomie est une chose magnifique. Comprendre les différents aspects de l’univers pour savoir comment cela fonctionne est fascinant.

On a tendance à classer la culture: peinture, musique et arts divers viendraient avant la science. Mais les sciences comme l’astronomie, l’archéologie ou la paléontologie font partie de la culture. Il est vraiment dommage, par exemple, de ne pas connaître les avancées majeures de l’astronomie au 20e siècle.

Mais l’Année mondiale de l’Astronomie pourrait aussi jouer un autre rôle. Durant ces dernières années le nombre de jeunes gens qui étudient les sciences comme la physique ou les mathématiques a chuté. Donc j’espère que le côté passionnant de l’astronomie puisse susciter un intérêt et y amener de nouveaux étudiants.

Interview swissinfo: Simon Bradley
(Traduction de l’anglais, Philippe Varrin)

Plus de 130 pays vont célébrer en 2009, l’Année mondiale de l’Astronomie avec des évènements et des activités visant à susciter de l’intérêt pour l’univers, développer les communautés d’astronomie dans les pays émergeants, développer l’enseignement des sciences, renforcer les liens entre les scientifiques et améliorer l’équilibre entre les sexes.

Les organisateurs célèbrent le 400e anniversaire du premier télescope astronomique utilisé par Galilée et la publication par Johannes Kepler de ‘Astronomia Novia’, un traité qui pose les lois fondamentales régissant le mouvement des planètes.

En Suisse, où la cérémonie d’ouverture a eu lieu le 5 février, les premières dates à retenir sont celles des 2, 3, 4 et 5 avril, où les clubs d’astronomie amateur sortent leurs télescopes et les observatoires ouvrent leurs coupoles pour le marathon des «100 heures d’astronomie», qui devrait permettre à toute personne intéressée de s’offrir une plongée visuele dans les profondeurs de l’espace.

1995. Les exoplanètes sont des planètes situées au-delà de notre système solaire. La première a été découverte en 1995 par les Suisses Michel Mayor et Didier Queloz, de l’Observatoire de Genève. Aujourd’hui, on ne connaît déjà plus de 300.

Invisibles. Aucune ne peut être observée au télescope, elles ne peuvent l’être qu’indirectement. La grande majorité des exoplanètes connues à ce jour sont des «Jupiter chaudes», soit des planètes géantes, constituées principalement de gaz, et tournant très vite et très près de leur étoile.

2007. Michel Mayor et son collègue Stéphane Udry découvrent la première exoplanète qui pourrait ressembler à la Terre. Située à 20,5 années lumière, sa masse est tout de même cinq fois celle de notre monde.

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