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Les rapatriés du Kosovo pourront compter sur une retraite

zwei Mitarbeiter des Werkzeugherstellers Urma AG studieren ein Dokument auf dem Arbeitstisch.
Ces deux employés du fabricant suisse d'outils Urma AG, qui viennent du Kosovo, bénéficieront d’une pension, même s'ils doivent rentrer chez eux. (photo de 2009) Keystone / Gaetan Bally

Le Kosovo est le seul pays d’ex-Yougoslavie avec lequel la Suisse n’a pas d’accord sur la sécurité sociale. Mais la situation devrait changer pour les travailleurs kosovars qui rentrent au pays et qui ont droit à une pension. La Chambre haute du Parlement suisse a accepté à la quasi-unanimité de conclure un accord.

Pendant des années, ils ont travaillé en Suisse et cotisé au système de sécurité sociale obligatoire. Mais quand est venu leur tour de toucher une rente de vieillesse ou d’invalidité, pour finir leurs jours dans leur pays, ils sont repartis les mains vides. 

Après l’Allemagne, la Suisse abrite la plus grande communauté d’Albanais expatriés du Kosovo. Près de 112’000 personnes de nationalité kosovare vivent officiellement dans le pays. Mais le nombre de ressortissants du plus jeune État d’Europe est certainement plus élevé. Selon une étude de 2015 menée par l’Office fédéral de la statistique, près de 250’000 personnes ont déclaré l’albanais comme leur langue principale – et la plupart viennent du Kosovo.

La Suisse a reconnu la nouvelle République du Kosovo le 27 février 2008 et a établi des relations diplomatiques et consulaires avec elle. Depuis lors, les deux pays ont conclu des accords bilatéraux dans les domaines de la coopération technique et financière, de l’aviation civile, du transport routier des personnes et des marchandises, du commerce et de la protection des investissements.

Ce sont ainsi plusieurs milliers de Kosovars qui se sont vus désavantagés financièrement en presque dix ans. Depuis 2010 en effet, la Suisse n’a pas voulu prolonger avec le Kosovo l’accord sur la sécurité sociale passé en son temps avec l’ancienne République populaire de Yougoslavie.

A l’époque, le Conseil fédéral avait justifié le fait comme suit: «Les accords sur la sécurité sociale servent à coordonner les systèmes nationaux. Leur conclusion suppose des systèmes qui fonctionnent dans les deux États contractants». Autrement dit, au Kosovo, le système ne fonctionnait pas.

La rente seulement pour ceux qui habitent en Suisse

La dénonciation de l’accord avait pour origine une motion parlementaireLien externe de l’UDC (droite conservatrice) qui demandait de dénoncer toutes les conventions sur la sécurité sociale avec les pays des Balkans et la Turquie. Ce que le Conseil fédéral avait refusé de faire… sauf pour le Kosovo.

Pour les Kosovars, cette décision a signifié qu’ils ne toucheraient des rentes que s’ils vivaient en Suisse. Nombre d’entre eux avaient répondu aux appels des autorités suisses à rentrer au pays après la guerre. Certains les avaient même soutenus.

«C’était une discrimination sélective», dit Osman Osmani, du syndicat UniaLien externe, qui s’est battu avec la diaspora kosovare pour que l’accord soit maintenu jusqu’à la conclusion d’un nouveau texte.

«Entretemps, certains de ces travailleurs sont morts, et leurs veuves, qui avaient élevé les enfants, sont aussi reparties les mains vides. Parmi les lésés, il y avait aussi des enfants et des jeunes, qui n’ont pas bénéficié d’allocations familiales ou d’études», dénonce le secrétaire syndical. 

«Avec un peu de bonne volonté, on aurait pu trouver un moyen» Osman Osmani 

Pour lui, les arguments du Conseil fédéral de l’époque ne sont pas valables. «En 2010 déjà, la Suisse a conclu des accords avec le Kosovo, comme ceux sur le retour ou les partenariats migratoires. Alors pourquoi pas sur la sécurité sociale?»

Pourquoi pas comme l’Allemagne?

Avec un peu de bonne volonté, on aurait pu trouver un moyen pour que les rentes soient versées aux ayants-droit au Kosovo, dit Osman Osmani, évoquant le cas d’autres pays européens. L’Allemagne, par exemple, a toujours versé aux Kosovars qui sont rentrés les rentes auxquelles ils ont droit. Elle a même soutenu financièrement les autorités du Kosovo.

Pour Osman Osmani, l’objection selon laquelle les personnes concernées pouvaient réclamer les sommes versées ne vaut pas. «Ce n’est pas le sens d’une assurance sociale. Ces montants ont été prélevés en vue du versement d’une rente de vieillesse ou d’invalidité. De nombreux Kosovars retraités ont donc renoncé à rentrer».

La diaspora kosovare est très importante en Suisse et compte plus de 200’000 membres aujourd’hui. Dans les dix dernières années, 110’000 sont rentrés au pays. Osman Osmani estime que plusieurs dizaines de milliers sont touchés par la discrimination sur les rentes.

«Depuis 2010, plus de 6000 citoyens kosovars en situation de détresse se sont vu rembourser leurs cotisations rien que pour l’AVS. Les autres bénéficiaires attendent depuis des années la rente à laquelle ils ont pleinement droit».


Contenu externe


Approbation presque unanime

Désormais, la Suisse a négocié un accord sur la sécurité sociale avec le Kosovo. Le Conseil des États (Chambre haute) l’a accepté jeudi par 38 voix contre une, sans abstention.

Un rapport sur la situation de l’État de droit et de la corruption au Kosovo a montré que les conditions étaient à nouveau réunies pour établir ces relations, a dit Pirmin BischofLien externe, porte-parole de la commission qui a examiné l’objet.

Même les sénateurs UDC, dont le parti avait réclamé en 2009 la résiliation de l’ancien accord en alléguant les risque d’abus, ont presque tous accepté le nouveau texte.

«Je suis d’avis que ces travailleuses et travailleurs ont mérité ces prestations sociales. Si on leur donne la possibilité de toucher cet argent dans leur pays d’origine, ils auront une bonne vie au Kosovo avec une pension suisse», déclare à swissinfo.ch le conseiller aux États UDC Roland EberleLien externe.

La Suisse en profite même financièrement: «Si on ne leur donne pas cette possibilité, qu’ils restent en Suisse et que leur rente est trop basse pour couvrir le coût de la vie, ils ont alors besoin de prestations complémentaires versées par l’État». 

«Pour ceux qui sont concernés, c’est la ‘poisse’» Roland Eberle

Roland Eberle explique le revirement de son parti par le fait que les structures étatiques au Kosovo fonctionnent mieux aujourd’hui. «L’administration fédérale, qui a négocié le traité, nous a assurés de manière crédible que les pensions au Kosovo seraient versées aux bénéficiaires». Cela a été testé dans des dizaines de cas dans le cadre d’un projet pilote.

Si la Chambre basse du Parlement dit également oui à l’accord lors de la session d’été, il pourrait entrer en vigueur au début de 2020. Tout va bien, donc? Pas exactement: ceux qui n’ont pas touché de rente ces dix dernières années ne seront pas indemnisés. Aucun paiement rétroactif n’est prévu. «Pour ceux qui sont concernés, c’est la ‘poisse’», commente Roland Eberle.

Le syndicaliste Osman Osmani réclame quant à lui une solution qui permette aussi de satisfaire les exigences du temps où il n’y avait pas d’accord. «Sinon, malgré la réparation, il restera une tache d’ombre dans cette affaire…»

(Traduction de l’allemand: Marc-André Miserez)

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