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Américains et Iraniens se parlent en secret à Genève

Keystone

Alors que les deux pays sont officiellement brouillés, des réunions informelles de spécialistes américains, européens, arabes et iraniens ont lieu régulièrement depuis six ans à Genève, comme le révèle mardi le quotidien Le Temps.

En tant que ministre des Affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey est au courant de ces entretiens, mais a tenu à préciser que ceux-ci sont «purement informels» et que son ministère n’y était pas impliqué.

Baptisé «Track II», ce processus de diplomatie informelle réunit des universitaires iraniens, américains, européens, suisses, et également des pays arabes, et même d’Israël. Les réunions ont démarré il y a six ans et toutes – à l’exception de deux – ont eu lieu à Genève. La dernière en date s’est tenue du 6 au 8 mars.

Au total, ce sont près de 400 personnes qui ont participé à ces réunions secrètes depuis le début et qui tiennent à rester anonymes.

Washington et Téhéran ont interrompu leurs relations diplomatiques il y a 30 ans, à la suite de la révolution islamique et de la prise d’otages à l’ambassade américaine. Depuis 1980, c’est la Suisse qui représente les intérêts des Etats-Unis en Iran.

Soutien en haut lieu

Cité dans l’article du Temps, un professeur qui tient lui aussi à son anonymat «par peur de perdre son travail», explique que ces réunions sont essentielles, «car les perceptions qu’on peut avoir des uns et des autres sont parfois très éloignées de la réalité».

Et d’ajouter que «quand il n’y a pas de caméras, les peurs de parler librement disparaissent. Les participants ne se sentent pas contraints de jouer un jeu».

Toujours selon le quotidien romand, cette diplomatie informelle bénéficie d’un «soutien en haut lieu», tant à Washington qu’à Téhéran, comme le montre par exemple la présence d’un proche du gouvernement iranien à la dernière réunion.

Dossier nucléaire

Les participants à «Track II», parmi lesquels des experts nucléaires, des spécialistes en stratégie et en relations internationales, parlent évidemment aussi du dossier nucléaire iranien.

Le pays nie chercher à acquérir l’arme atomique et affirme que son programme d’enrichissement d’uranium ne vise que des fins civiles et pacifiques.

La semaine dernière, l’Agence internationale de l’énergie atomique a salué l’approche coordonnée des Etats-Unis et de la Russie, qui veulent poursuivre dans la voie diplomatique au lieu d’une politique consistant à isoler et à menacer la république islamique.

En 2002, le gouvernement de George Bush avait classé l’Iran comme faisant partie de l’«axe du mal», mais l’arrivée à la Maison Blanche de Barack Obama doit marquer une nouvelle ère dans les relations entre les deux pays.

Prudence et discrétion

Selon les observateurs, il est trop tôt pour dire si ces discussions informelles vont déboucher sur un accord, mais il est clair qu’elles élargissent la palette des contacts entre Américains et Iraniens.

Le mois dernier, le président Obama a appelé l’Iran à renouer le dialogue. Et lundi en Turquie, il a déclaré que les Etats-Unis «ne sont pas, et ne seront jamais, en guerre contre l’islam».

Le 12 juin, les Iraniens sont appelés aux urnes. Hossein Mousavi, candidat réformiste à la présidence a déjà dit qu’il négocierait avec les Américains, mais que son pays ne renoncerait pas à son programme nucléaire.

En attendant, comme le révèle encore Le Temps, pour l’heure, les réunions de «Track II» ne se tiennent plus à Genève. Vu l’intense activité diplomatique dont la ville est le théâtre, en effet, la discrétion n’y serait plus assurée.

Mais il n’est pas exclu qu’elles y reviennent. Surtout «si la diplomatie d’ouverture de l’administration Obama envers l’Iran commençait à produire des résultats», ajoute le quotidien.

swissinfo

Genève abrite le siège européen des Nations Unies, second centre mondial de l’organisation. La ville est également le sièges de 22 organisations internationales, parmi lesquelles l’Organisation mondiale de la santé, l’Organisation mondiale du commerce ou le Comité international de la Croix-Rouge.

En tout, près de 40’000 diplomates et fonctionnaires internationaux et 2400 employés d’organisations non gouvernementales (ONG) travaillent à Genève.

1919: ouverture d’un consulat suisse à Téhéran (devenu ambassade en 1936).

Du fait de sa neutralité, Berne a représenté en Iran les intérêts italiens (1946), australiens, canadiens, britanniques, irlandais et néo-zélandais (1952), sud-africains (1952, 1979-1995) et libanais (1984).

Elle a assumé la représentation des intérêts iraniens auprès des puissances de l’Axe (1941-1946), d’Israël (1958-87), d’Irak (1971-1973) et d’Afrique du Sud (1979-1994).

Depuis 1980, elle assure les intérêts consulaires et diplomatiques des Etats-Unis en Iran et, depuis 1979, ceux de l’Iran en Egypte.

Actuellement, l’ambassadeur de Suisse en Iran est une femme, Livia Leu Agosti, fait exceptionnel dans la république islamique.

L’année dernière, la ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey a effectué une visite controversée à Téhéran, où elle a notamment assisté à la signature d’un contrat entre le gouvernement iranien et une compagnie gazière privée suisse.

Avec 763,4 millions de francs d’exportation en 2007 et 38,6 millions d’importations, l’Iran est un des principaux partenaires de la Suisse au Moyen-Orient.

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