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Et après? Ce qui attend la Suisse au lendemain des élections

Des gens dans la rue avec des parapluies
Le changement climatique préoccupe une partie importante de l'électorat, mais ces craintes seront-elles entendues par le nouveau Parlement et des décisions seront-elles prises rapidement? Keystone / Samuel Golay

La Suisse a élu son nouveau Parlement. Que signifie ce résultat et quelles seront les conséquences de ce choix? Notre analyse.

Les voix gagnées par les Verts et les Verts libéraux montrent que de nombreux citoyens suisses veulent une politique plus ouverte, qui va au-delà des frontières nationales. Même si la contribution de la Suisse à la crise climatique mondiale serait bien modeste. Ceux qui ont choisi le vote écologiste estiment que c’est justement parce que la menace sur l’environnement est globale que la Confédération doit assumer ses responsabilités. Et concrètement, ce petit pays peut apporter sa contribution à différents niveaux: il dispose de connaissances, de technologies avancées et surtout de moyens pour innover et tracer de nouvelles voies. Quand dans d’autres États, les mesures pour lutter contre le changement climatique peuvent être perçues comme un luxe. En Suisse, elles sont maintenant devenues un devoir. Notre pays peut ainsi devenir une sorte de laboratoire pour les autres nations.

Pour parler d’un glissement du Parlement vers la gauche, quelques pourcentages auraient suffi. Mais il s’agit de bien plus que cela: les Verts et les Verts libéraux remportent ensemble près de 21% de parts électorales, ce qui se traduit par 44 sièges sur les 200 que compte le Conseil national, la Chambre basse du Parlement. Une augmentation totale de 26 sièges pour les deux partis écologistes. Le grand perdant, l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), reste le parti le plus puissant du Conseil national tout en perdant 12 sièges. Un véritable coup dur, selon les standards helvétiques. Mais ces bouleversements à l’échelle suisse restent bien moins marqués que dans d’autres pays européens, où la base des partis traditionnels s’érode au profit de nouvelles formations, souvent plus extrémistes. En Suisse, le peuple reste encore et toujours l’autorité suprême.

Beaucoup de citoyens suisses ont été déçus par les travaux accomplis lors de la dernière législature, car de nombreux dossiers importants pour l’avenir du pays n’ont pas avancé ou trop peu. C’est notamment le cas de la révision de la loi sur le CO2, de la hausse des coûts de la santé, des relations avec l’Union européenne et de la réforme de la prévoyance vieillesse. Les enjeux majeurs liés à ces projets, les refus populaires, les menaces de référendums ainsi que les conflits entre les formations politiques ont poussé les parlementaires à avancer à petits pas, voire même à repousser certaines décisions.

La nouvelle constellation du Parlement pourrait débloquer certains mécanismes et faire avancer les dossiers en attente, surtout au niveau du climat, de la question européenne et des politiques sociales. Les candidats fraîchement élus ont en tout cas affirmé d’une seule voix que leur volonté était de retrouver le chemin du compromis helvétique.

Le nouveau Parlement suscite beaucoup d’espoir, mais les rapports de force restent globalement les mêmes et aucune véritable révolution ne se profile. Si certains dossiers pourraient bénéficier d’un coup de turbo, de grandes questions risquent de rester ouvertes encore longtemps. Citons d’abord l’accord-cadre avec l’Union européenne, qui a été mis entre parenthèse durant toute la campagne électorale: aucun parti n’avait envie de se brûler les doigts en prenant position sur cet épineux dossier. Puis le changement climatique: les politiciens en ont beaucoup débattu, mais peu de réponses concrètes ont été adoptées. Et finalement il y a le vieillissement de la population, le financement des retraites, la digitalisation, la hausse de nombre de bénéficiaires de l’aide sociale, la fracture ville-campagne, les coûts de la santé et les difficultés qu’affronte l’agriculture suisse. Le pays doit faire face à une multitude de points de rupture que les politiciens ne peuvent plus ignorer, sous peine de les voir céder les uns après les autres.

Les deux Chambres du Parlement se féminisent. Flavia Kleiner, co-présidente du mouvement politique Operation Libero, évoque une bonne journée pour la démocratie. Le fait que la question des femmes ait été un sujet important dans la campagne électorale, juste derrière le climat, est un signe que «la prise de conscience s’est accrue». «Il ne suffit pas que les hommes soient bien intentionnés à notre égard. Les femmes ne peuvent pas être représentées par des hommes. La démocratie est meilleure si les sexes sont représentés de manière égalitaire», affirme Flavia Kleiner à propos de la prédominance d’élus masculins qui a prévalu jusqu’ici. Au Conseil national, où les hommes sont jusqu’à présent 70%, les femmes peuvent s’attendre à une augmentation de cinq à six points de pourcentage. Au Conseil des Etats, où seulement six sièges sur 46 sont actuellement occupés par des femmes, trois à quatre hommes devront céder leur place à des femmes. Mais ne cédons pas à l’euphorie, la parité n’est de loin pas encore atteinte.

       

Regula Rytz, présidente des Verts, revendique maintenant un siège au gouvernement pour son parti. «Nous sommes prêts pour le Conseil fédéral», a-t-elle déclaré au journal alémanique Neue Zürcher Zeitung. Même si le nouvel équilibre des pouvoirs légitime cette demande, il n’y a pas urgence, disent les partis bourgeois: En Suisse, il n’est pas d’usage de voter contre les ministres en place. Et les succès électoraux doivent être confirmés. Toutefois, le Parlement est de centre-gauche, le gouvernement de droite. La discussion est lancée et ne se tarira pas avant le renouvellement du gouvernement en décembre.

Traduction de l’allemand: Katy Romy, Marie Vuilleumier

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