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En Suisse, pro et anti-Poutine s’écharpent avant le Mondial

En raison de ses critiques régulières à l’encontre de Vladimir Poutine, Mikhaïl Chichkine n’est plus retourné en Russie depuis quatre ans. Keystone

Ecrivain russe exilé en Suisse, Mikhaïl Chichkine a lancé dans plusieurs médias helvétiques un appel au boycott de la Coupe du monde de football dans son pays d’origine. L’ambassadeur de Russie en Suisse réplique avec véhémence.

«Je pense qu’il faut lancer un signal. Si nous ne le faisons pas, cela signifie que nous sommes complices, que nous nous taisons et que nous donnons une nouvelle fois carte blanche à un dictateur». C’est en ces termes que Mikhaïl Chichkine a appelé fin mai à la télévision publique SRFLien externe au boycott de la Coupe du monde en Russie.

«Le dictateur [Vladimir Poutine] veut utiliser cette Coupe du monde pour montrer au monde entier qu’il est accepté, qu’il appartient à la communauté internationale. Il faut lui montrer que ce n’est pas le cas», a-t-il souligné. 

«Il y a la guerre chaude, il y a la guerre froide – et il y a le sport. Dans la conscience russe, c’est le troisième niveau du combat»
Mikhaïl Chichkine, écrivain

La semaine dernière, celui qui est considéré comme le plus suisse des écrivains russes – il est établi à Zurich depuis 1995 – a récidivé dans une grande interviewLien externe accordée au quotidien zurichois Tages-Anzeiger. «Il y a la guerre chaude, il y a la guerre froide – et il y a le sport. Dans la conscience russe, c’est le troisième niveau du combat».

Appel au boycott pas entendu

Pour contrer les ambitions du président russe, Mikhaïl Chichkine espère une sortie de route aussi rapide que possible de la «Sbornaja», l’équipe nationale de football russe. Il souhaite également que les hauts responsables politiques étrangers restent à l’écart de cet événement. «J’appelle le Conseil fédéral et les gouvernements d’autres pays démocratiques à boycotter la Coupe du monde en Russie», a-t-il insisté.

Un appel qui n’a pas été franchement entendu. Jusqu’à présent, seuls deux pays ont renoncé à envoyer leurs dirigeants en Russie pour des motivations politiques: la Grande-Bretagne et l’Islande.

Comme l’a annoncé dimanche la SonntagsZeitungLien externe, le président de la Confédération Alain Berset devrait être en tribune pour le premier match de la Suisse face au Brésil (17 juin), alors que le ministre des sports Guy Parmelin assistera au deuxième match de la «Nati» face à la Serbie (22 juin). Quant au ministre des Finances Ueli Maurer, il s’est dit intéressé à faire le voyage en Russie pour le troisième match de l’équipe nationale le 27 juin contre le Costa Rica.

La Coupe du monde de football, un instrument à visée géopolitique pour Vladimir Poutine (ici en compagnie du président de la FIFA Gianni Infantino). Keystone

Du dopage, quel dopage?

«Je regrette qu’un journal connu et réputé [le Tages-Anzeiger] cède à la mode de diaboliser la Russie»
Sergueï Garmonine, ambassadeur de Russie en Suisse

Quoi qu’il en soit, les propos de Mikhaïl Chichkine passent mal dans les cercles de la diplomatie russe. Dans une prise de position adressée à swissinfo.ch, l’ambassadeur de Russie en Suisse regrette «qu’un journal connu et réputé [le Tages-Anzeiger] cède à la mode de diaboliser la Russie et livre ses pages aux attaques empoisonnées et franchement mensongères contre un pays qui souhaite entretenir des relations amicales avec la Suisse».

S’en prenant violemment à Mikhaïl Chichkine, qu’il accuse d’être «absorbé par son délire propagandiste» et de «ne plus publier que des pamphlets très insultants sur la Russie», Sergueï Garmonine reproche notamment à l’écrivain d’induire les lecteurs suisses en erreur sur «le soi-disant système de dopage» mis en place dans le sport russe.

«En réalité, selon les statistiques de l’Agence mondiale antidopage, la totalité des cas de dopage mis au jour en Russie s’inscrit dans le même taux (1-2%) que dans le reste du monde, alors que depuis 2014 les Russes sont soumis 6,5 fois plus souvent à des tests antidopage», avance Sergueï Garmonine. 

En conclusion, l’ambassadeur se félicite toutefois «du fait que des voix comme celles de M. Chichkine sont bien rares voire marginales». En Russie, les livres de Mikhaïl Chichkine sont pourtant des bestsellers. En raison de ses critiques régulières à l’encontre du régime, l’écrivain n’est plus retourné dans son pays depuis quatre ans.

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