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Après Copenhague, la désillusion prédomine

Aéroport de Copenhague. Sur une affiche de Greenpeace, datée de 2020, le visage artificiellement vieilli du président brésilien Lula et cette phrase: ‘Désolé. Nous aurions pu changer la catastrophe du changement climatique... Nous ne l’avons pas fait’. Keystone

En Suisse, les résultats de la conférence internationale sur le climat qui s’est achevée samedi à Copenhague suscite des réactions variées. Mais que cela soit dans la presse du dimanche, les milieux politiques et bien sûr les organisations écologistes, la déception prévaut.

«Les dirigeants politiques ont décidé, une fois de plus, de repousser le moment de prendre les mesures contraignantes. Auraient-ils d’autres priorités? La conférence de Copenhague s’est en tout cas achevée sur un appel, largement applaudi, du délégué sud-africain à veiller à ce que les dates de la prochaine réunion sur le climat à Bonn l’été prochain, ne se télescopent pas avec la Coupe du monde de football en Afrique du Sud».

C’est ce qu’écrit Alexandre Haederli dans Le Matin-Dimanche, appuyé quelques pages plus loin par le chroniqueur Christophe Gallaz…

«La contradiction règne. Tout le monde reconnaît l’urgence de mesures à prendre contre le réchauffement planétaire, personne ne les prend. Là-dessus voici Noël. C’est une suite de fonctionnements vieille comme le monde. La littérature en est pleine. Les récits de psychanalystes aussi, je veux dire les récits narrant l’irresponsabilité des hommes et le besoin qu’ils éprouvent de faire la fête pour s’en distraire».

Rien ne bouge

«La conférence sur le climat de Copenhague s’est terminée comme un drame chaotique», peut-on lire dans la SonntagsZeitung, qui illustre ce propos en soulignant que les délégations des États-Unis, de la Chine, de l’Inde, du Brésil et de l’Afrique du Sud ont conclu un accord lors d’une réunion impromptue dans une chambre d’hôtel, alors que les représentants des autres pays, notamment ceux de l’UE, étaient convaincus que le sommet n’accoucherait de rien.

Pour la SonntagsZeitung, il est toutefois à noter que les écologistes, les scientifiques et les médias en général ont ignoré, une fois de plus, comme à l’occasion d’autres conférences sur le climat, qu’au vu des réalités économiques, des attentes irréalistes ne pouvaient qu’être déçues.

Une opinion partagée par la NZZ am Sonntag. «Le sommet de Copenhague n’a pas échoué à cause du manque de volonté des politiciens, mais en raison des réalités économiques. L’atmosphère, utilisée jusque comme une décharge gratuite de gaz à effet de serre, devrait devenir un facteur de coûts supplémentaires avec l’introduction de certificats d’émission que contestent tous les pays».

«On le sait maintenant depuis le Sommet de Rio sur l’Environnement en 1992, toutes les conférences sur le climat suivent le même scénario», regrette le journal. Les pays participants annoncent toujours fermement «leur volonté de lutter contre le réchauffement climatique, mais à la fin, tout reste comme avant».

Grosse déceptions à gauche, regrets à droite

Du côté des partis, les Verts, le PS et le PDC (Parti démocrate-chrétien, centre) ne mâchent pas leurs mots face à ce qu’ils considèrent comme une absence de résultat. Voilà ce qui se passe quand les Etats-Unis et la Chine n’arrivent pas à se mettre d’accord, critique la porte-parole du PDC, Alexandra Perina-Werz.

Tout comme le WWF et Greenpeace, le président des Verts, Ueli Leuenberger, s’est dit «extrêmement déçu». «Il y avait énormément d’espoir», souligne le Genevois et au final «pas du tout d’engagement sérieux». Un désarroi partagé par le PS qui note toutefois qu’un consensus s’est tout de même dégagé autour d’une hausse maximale des températures de 2 degrés, ce qui lie aussi la Suisse.

Pour la gauche et les associations écologistes, la Suisse doit maintenant montrer l’exemple: le PS veut réduire d’au moins 30% d’ici 2020 les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 tandis que les Verts, le WWF et Greenpeace d’au moins 40%.

Le PLR (parti libéral radical, droite), qui regrette lui aussi le manque d’objectifs contraignants issus de la Conférence et l’absence d’organisme de contrôle, s’en tient aux objectifs du Conseil fédéral pour la Suisse: -20% d’ici 2020 par rapport à 1990. Il souligne que le problème du réchauffement climatique ne pourra être résolu qu’au travers de la coopération internationale.

L’UDC (Union démocratique du Centre, droite conservatrice) est encore plus explicite: la Suisse ne doit pas foncer toute seule et mettre son économie en danger, explique le président Toni Brunner. Et de souligner que les plus grands pollueurs comme les Etats-Unis, la Chine et l’Inde n’ont pas rempli leur part du travail.

Relative satisfaction officielle

Présent à Copenhague, le ministre de l’environnement Moritz Leuenberger a qualifié de «succès» le résultat de la conférence, dans la mesure où il représente «un progrès» et «un espoir» dans la lutte contre le changement climatique (lire «Copenhague, ni noir ni blanc, selon la Suisse»).

Il a souligné trois points importants de l’accord adopté samedi: plusieurs pays, représentant plus de 90% des émissions de CO2, se sont engagés à réduire ces émissions de manière volontaire, ils ont accepté un mécanisme de contrôle pour la réduction des gaz à effet de serre, ainsi que sur le financement et les transferts de technologie et, finalement, un certain nombre d’entre eux débloqueront dès 2010 dix milliards de dollars par an.

Bruno Oberle, chef de l’Office fédéral de l’environnement, a estimé que le mécanisme de contrôle accepté par tous les pays représente un progrès, même s’il ne sera pas effectué par un organe supranational. Il a aussi noté que l’objectif de maintenir à moins de deux degrés la hausse de la température mondiale se trouve dans le document final, même si la mention d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 50% ou même de 80% d’ici 2050 a été supprimée.

Menaces dûment chiffrées

Mais pour Andreas Fischlin, professeur à l’EPFZ et membre du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat, ces engagements ne sont pas suffisants. «Les réductions des émissions de gaz à effet de serre annoncées ne permettront pas de respecter l’objectif de maintenir à moins de deux degrés la hausse des températures d’ici 2050. On peut tout juste espérer, selon les modèles, limiter l’augmentation à 3,5 degrés», affirme le spécialiste, interrogé par l’ATS.

Un avis partagé par Patrick Hofstetter de WWF Suisse, qui a qualifié la fin de la conférence de «jour noir pour la Terre, comme pour la Suisse». «Notre pays est durement touché par le changement climatique, et le statu quo de Copenhague expose le monde à la terrible menace d’un réchauffement de quatre degrés.»

swissinfo.ch et les agences

Après deux semaines de négociations, le document de Copenhague de trois pages fixe comme objectif de limiter le réchauffement planétaire à moins de 2°C par rapport à la période préindustrielle.

Sur la question clé du financement de l’adaptation au défi climatique, il prévoit la création d’un fonds spécial – 30 milliards de dollars sur les trois prochaines années (la Suisse fait partie des pays qui s’engagent) pour arriver à 100 milliards de dollars par an dès 2020, destinés aux pays les plus vulnérables.

L’accord prévoit que les pays industrialisés et les pays en développement affirmeront par écrit d’ici janvier leurs engagements de réduction de gaz à effet de serre. Il évoque aussi une architecture garantissant la transparence de leur mise en œuvre. L’objectif de 50% de réduction des émissions d’ici 2050 est abandonné.

La conclusion d’un accord complet juridiquement contraignant est renvoyée à fin 2010, probablement lors de la conférence de Mexico. Entre temps, une conférence intermédiaire pourrait avoir lieu à Bonn, en Allemagne.

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