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Maï-Thu Perret, sa théière, ses virgules et ses «guérillères»

Une théière géante exposée dans la salle d un musée
En pénétrant dans la théière de Maï-Thu Perret exposée au Mamco à Genève, on entre dans l'univers très particulier de l'artiste. Annik Wetter Photographie

À l’artiste romande de 42 ans, le Musée d’art moderne et contemporain de Genève (Mamco) consacre une rétrospective qui se tient jusqu’au 3 février. Reconnue en Suisse aussi bien qu’à l’étranger, Maï-Thu Perret appartient à une génération aujourd’hui qualifiée «d’alter-moderne», selon Lionel Bovier, co-commissaire de l’exposition.

Une petite porte permet l’accès à une immense théière. Le visiteur y entre; il est chez Maï-Thu Perret. Pas dans son domicile, on s’en doute, mais dans l’une de ses œuvres présentées au MamcoLien externe (Musée d’art moderne et contemporain), à Genève, qui consacre une rétrospective à l’artiste genevoise. Tableaux, tapisseries, sculptures et films en constituent le contenu.

Certaines pièces donnent la nette impression d’un déjà vu, comme les tableaux ou céramiques à motifs géométriques, rappelant la patte de Paul Klee ou de Piet Mondrian. D’autres sont plus inventives, comme ce film intitulé «Danse des virgules» («Dance of the Commas»), évocation d’un livre où les phrases sont absentes. Seul décor: des virgules géantes parmi lesquelles les danseurs se faufilent pour exécuter leur ronde. Manière de dire que l’art se passe de mots. Ce qui compte ici, c’est l’imaginaire du visiteur et l’interprétation très libre qu’il donne à ce qu’il voit.

Alors va pour la liberté! Dans la théière, où l’on vient donc d’entrer, il y a déjà un visiteur. Une conversation s’engage. Et voilà qu’un écho se dégage de ce lieu orné de peintures abstraites, dont l’intérieur à la forme arrondie fait cruellement penser à une voûte céleste. L’univers de l’artiste, ou plutôt son cosmos, est peuplé de voix qui se répondent. Sa théière, Maï-Thu Perret l’a appelée «Little Planetary Harmony». C’est dire!

Affinités avec le roman

Rien ne prédestinait Maï-Thu Perret au métier des arts. Née en 1976 à Genève dans une famille de fonctionnaires internationaux, elle fait des études universitaires à Cambridge, option littérature. Ses affinités avec le récit fictif lui viennent sans doute de là. Elle a ainsi imaginé une série de figurines, grandeur nature, appelée «Les Guérillères», femmes armées, portant des treillis, inspirées d’une nouvelle de Monique Wittig, romancière française (1935-2003), connue surtout pour son combat féministe.

Des figurines de femmes guerrières exposées dans une salle de musée
«Les Guérillères» sont inspirées d’une nouvelle de Monique Wittig, romancière française, connue surtout pour son combat féministe. Annik Wetter Photographie

Faire revivre les objets

Lionel Bovier, directeur du Mamco et co-commissaire de l’exposition, reconnaît dans les réalisations de Maï-Thu Perret «un rôle important accordé au récit». A swissinfo.ch, il explique: «En déployant ses pièces dans l’horizon d’une fiction, Mai-Thu Perret fait ce que d’autres ont fait au roman: sa pratique visuelle et les références multiples auxquelles cette pratique renvoie ouvrent un espace de projection pour le spectateur.»

«Maï-Thu Perret appartient à une jeune génération d’artistes «parfois qualifiée d’alter-moderne», ajoute Lionel Bovier. Selon lui, cette génération-là «fait revivre par les objets qu’elle produit des pans entiers d’une histoire, vus comme de nouveaux récits pour le présent.»

En Suisse, l’artiste genevoise affiche une bonne santé. Ses œuvres sont exposées dans le cadre de grandes manifestations, comme Art Basel, ou au sein d’institutions reconnues comme le Mudac, à Lausanne (Musée de design et d’arts appliqués contemporains) et le Kunsthaus d’Aarau.

Combler un retard

Son succès se confirme également hors des frontières nationales. Le Musée d’art moderne à San Francisco (SFMoMA), la Renaissance Society à Chicago, la Chisenhale Gallery à Londres, le Nasher Sculpture Center à Dallas ou encore le Magasin à Grenoble ont conçu ces dernières années d’importantes expositions d’œuvres de l’artiste romande.

«Le Mamco de Genève n’avait organisé jusqu’ici qu’une modeste présentation de ses pièces, à l’occasion de sa nomination au Prix Manor Genève, en 2011, confie Lionel Bovier. Il était donc temps me semble-t-il de réparer cet état de fait et de combler notre retard! L’exposition que nous lui consacrons aujourd’hui est la plus grande, en termes de surface, et la plus large en termes de périodisation de son travail.»

Sur la scène artistique, autant suisse qu’internationale, Maï-Thu Perret occupe une place importante, tout comme Pipilotti Rist il y a une vingtaine d’années, estime Lionel Bovier. Et de préciser: «Les œuvres de Rist ont fait jusqu’à ce jour plusieurs fois le tour du monde et figurent dans les collections des plus grands musées ; je gage que ce sera le cas aussi de Maï-Thu Perret.»

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