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Aux Trois Gorges, Moritz Leuenberger module sa parole

Pour achever le barrage des Trois Gorges, il a fallu travailler jour et nuit. Keystone

Moritz Leuenberger achève lundi sa première visite officielle en Chine. Le ministre de l'Environnement a signé un accord pour lutter contre la menace de crues dans le bassin du Yangtsé. Il a appelé la Chine à réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

«C’est tellement simple de jouer au Suisse donneur de leçons, au-dessus de tout soupçon, qui dénonce les violations des droits de l’homme, la situation au Tibet, la construction du barrage des Trois Gorges. Nous aussi, en Suisse, nous avons dû déplacer des populations, engloutir des villages. Toujours montrer les autres du doigt, ça nous a parfois joué des mauvais tours ces derniers temps.»

En visitant le barrage des Trois gorges vendredi dernier, Moritz Leuenberger savait bien qu’il s’exposait à certaines questions dérangeantes.

Mais s’il a tenu à s’y rendre, c’est que le ministre suisse de l’Environnement et de l’Energie est convaincu «qu’il faut travailler ensemble, profiter des intérêts communs, discuter. C’est bien plus efficace que de critiquer sans cesse, et ça permet aussi de mener un dialogue constructif en matière de droits de l’homme».

Les caprices mortels du fleuve bleu

Pour sa première visite officielle en Chine, qui s’achève ce lundi, Moritz Leuenberger a signé dimanche un memorandum of understanding qui renforce la collaboration Suisse – Chine en matière de gestion des eaux et de prévention des dangers naturels, initiée dès 2003 et axée sur la prévention des crues du Yangtsé.

Les caprices du fleuve bleu ont tué 500’000 riverains ces 100 dernières années. Le barrage des Trois Gorges, pleinement opérationnel depuis cette année, vise d’abord à limiter les risques de crues.

«Avant la construction du barrage, 23 millions de personnes vivaient en permanence sous la menace, rappelle Andreas Götz, vice-directeur de l’Office fédéral de l’environnement et grand connaisseur du Yangtsé. Tous ces gens sont aujourd’hui protégés. Le bilan est donc largement positif, malgré le déplacement forcé d’environ un million d’habitants.»

Quels avantages la Suisse peut-elle retirer d’une telle collaboration? Pour Moritz Leuenberger, «les intérêts sont mutuels. La Suisse a une longue expérience dans la gestion des eaux, elle se doit de la partager avec la Chine».

Et à en croire Andreas Götz, les cours d’eau des deux pays se ressemblent, il y a des échanges à entretenir qui peuvent aussi servir à la Suisse. «Et puis les turbines du barrage des Trois Gorges sont fabriquées par des entreprises suisses», rappelle Moritz Leuenberger.

L’industrie suisse dans le coup

Et Andreas Götz de souligner que «si des entreprises suisses sont en mesure d’apporter des solutions modernes et durables pour la gestion des eaux du bassin du Yangtsé, elles auront toutes leurs chances. L’industrie suisse est en tous cas mentionnée dans le memorandum.»

«Mais surtout, insiste Moritz Leuenberger, les changements climatiques concernent le monde entier. Or, le barrage des Trois Gorges contribue à promouvoir les énergies renouvelables.» L’ouvrage produit de l’électricité qui suffit à alimenter environ 10% de la population chinoise, c’est autant de centrales à charbon qui fermeront. «Et nous voulons que la Chine diminue sa production de CO2», note ministre.

C’est aussi la conclusion du discours qu’il a prononcé ce lundi à Shanghai en ouverture de 3e Forum du Yangtsé. Un message assez clair avant la conférence sur le climat qui doit se tenir à Copenhague en décembre, en vue d’un accord d’après-Kyoto.

Plus question de tergiverser

«Les efforts mondiaux de lutte contre les changements climatiques ne pourront aboutir qu’avec le soutien des grands Etats: Etats-Unis, Inde, Brésil et Chine. Le monde entier espère qu’à Copenhague, la Chine s’engagera à contribuer à la réduction des gaz à effets de serre», ajoute Moritz Leuenberger.

Faut-il voir dans ces propos la volonté suisse de jouer un rôle majeur dans les discussions climatiques qui seront cruciales ces prochains mois au niveau planétaire ? La Suisse entend-elle faire pression sur la Chine pour la pousser à modifier sa politique climatique et accepter des objectifs de réduction contraignants?

«Faire pression, c’est un peu exagéré, répond Moritz Leuenberger, mais si j’ai l’occasion de parler devant un congrès comme ici en Chine devant mon homologue ministre il faut en profiter».

Quant aux réticences des Chinois, qui accusent les pays industrialisés d’être à l’origine de la dégradation du climat et ne voient pas pourquoi ce serait à eux de payer les pots cassés, elles sont «peut-être justifiées». Mais là, il y a urgence, plus question de tergiverser. D’autant plus que les pays en développement sont les premiers à souffrir des conséquences du réchauffement.

swissinfo, Alain Arnaud à Shanghai

Plus long fleuve d’Asie et 3e du monde après l’Amazone et le Nil, le Yangtsé arrose un bassin grand comme 43 fois la Suisse, peuplé par 400 millions de personnes.

Crues. Achevé cette année, le barrage des Trois Gorges vise à réguler le cours du Yangtsé pour juguler ses crues meurtrières.

600 km. Il rend aussi le fleuve navigable jusqu’à Chongqing, dont l’essor économique pourrait être décuplé par cette nouvelle accessibilité. De quoi peut-être fournir du travail aux quelques 1,2 millions d’habitants déplacés par la création du lac artificiel, qui s’étend sur 600 km.

La pollution demeure un des problèmes majeurs pour le fleuve bleu, déclaré pratiquement mort voici 5 ou 6 ans.

Principe. Le gouvernement suisse défend le principe d’une responsabilité commune mais différenciée des pays pour les conséquences des changements climatiques.

Financement. Le principe du pollueur-payeur veut que les mesures d’adaptation nécessaires pour lutter contre le réchauffement soient financées en fonction des rejets de CO2 de chacun des pays.

Politique. Ceux qui ont une politique climatique efficace seront moins pénalisés que les autres, et les pays en voie de développement qui rejettent peu de gaz à effet de serre seront exemptés.

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