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Baptême du feu tourmenté pour Barack Obama

Obama doit faire face à des vents contraires. Reuters

A la Maison Blanche depuis quasi quatre semaines, Barack Obama a commencé à imprimer une nouvelle dynamique à la politique américaine. Mais il a aussi déçu de nombreux Américains dont certains l'accusent d'avoir compromis ses principes.

Barack Obama n’a pas chômé depuis qu’il est entré à la Maison Blanche, il y a un mois. La crise économique étant de nature historique aux Etats-Unis, avec une récession qui entame sa deuxième année et deux millions de licenciements rien que depuis début janvier, le nouveau président américain a fait des dossiers intérieurs la priorité de ses priorités. Il a quand même trouvé le temps de marquer une rupture avec la politique étrangère de George Bush.

20 points de moins

Barack Obama a ainsi obtenu l’adoption par le Congrès d’un énorme plan de relance économique chiffré à pas moins de 789 milliards de dollars. Il a accordé la toute première interview de son mandat à une télévision étrangère, la chaîne Al-Arabiya.

Il a prôné un dialogue « respectueux » avec l’Iran. Barack Obama a aussi nommé deux émissaires spéciaux, l’un pour le conflit israélo-palestinien et l’autre pour l’Afghanistan et le Pakistan. Il a annoncé qu’il fermera la prison de Guantanamo dans un an et s’est engagé à ce que les Etats-Unis n’utilisent pas la torture contre des suspects de terrorisme. Il a entamé l’examen de différents scénarios de sortie d’Irak.

Candidat déclaré du changement, élu avec 53% des suffrages, Barack Obama continue de bénéficier du soutien de la majorité des Américains. Sa côte de popularité oscille autour de 60%. C’est, cependant, 20 points de moins qu’avant l’investiture.

Une chute d’escalier

«Il est arrivé au pouvoir avec plus de capital politique que les autres présidents américains si ce n’est peut-être Lyndon Johnson, mais aucun président avant Obama n’a dépensé son capital politique aussi vite, à tel pont point qu’il est difficile de savoir combien de capital il lui reste », nous déclare Greg Wierzynski, un ancien journaliste au magazine Time et ancien conseiller à la commission bancaire de la Chambre des députés qui grandit en Suisse en tant que réfugié avant d’émigrer aux Etats-Unis après la deuxième guerre mondiale.

Quels que soient les défis internationaux qui se présentent au chef de la Maison Blanche, sa présidence sera jugée par les Américains à l’aune des progrès effectués dans le redressement économique et social des Etats-Unis. Or, le premier mois de Barack Obama a été tellement tourmenté que beaucoup d’Américains qui ont voté pour lui sont perplexes.

«Jusqu’à présent, je suis déçu parce qu’Obama a compromis ses principes, confie Greg Wierzynski. Toutes les nouvelles équipes gouvernementales ont des problèmes, mais d’habitude, ça relève du hoquet, avec l’Administration Obama par contre, ça ressemble à une chute d’escalier, explique-t-il.

Une courte lune de miel

Greg Wierzinski ajoute que « les gens commencent à se demander si Obama fait le poids, même la presse est beaucoup plus prudente et beaucoup moins en adoration devant lui qu’auparavant ». Un chroniqueur du Los Angeles Times parle ainsi de « la fin d’une courte lune de miel » entre Barack Obama et les Américains.

Les motifs de déception ou d’inquiétude sont en effet déjà nombreux. Si le président Obama a décidé de fermer Guantanamo dans un an, le candidat Obama avait promis de fermer la prison dans les 100 jours de son arrivée à la Maison Blanche.

S’il a dénoncé la torture, il a empêché des poursuites lancées par des détenus de Guantanamo à ce sujet, en employant la même notion de « secret » que l’administration Bush.

S’il promet de rééquilibrer la politique américaine au Proche-Orient, Barack Obama plaide en faveur du droit d’Israël à l’ «auto-défense » et n’inclut pas le Hamas dans les négociations lancées par son émissaire.

S’il peaufine sa stratégie de sortie d’Irak, il envoie des renforts en Afghanistan et ordonne des frappes aériennes contre les Taliban et Al Qaïda au Pakistan. Ce qui fait dire à la commentatrice de gauche Amy Goodman que l’administration Obama est « sur le pied de guerre ».

Des exceptions à ses promesses

Sur le plan intérieur, les motifs de scepticisme sont également importants. Barack Obama s’était engagé à « changer Washington », c’est à dire demander des sacrifices à tous les Américains et rétablir la confiance des Américains moyens dans leur classe politique.

Il est même allé jusqu’à promettre «le gouvernement le plus éthique et le plus transparent de l’histoire des Etats-Unis ». Or, s’il a bien renforcé les règles qui régissent l’entrée de lobbyistes dans la fonction publique, Barack Obama a fait des exceptions pour deux postes cruciaux, celui de conseiller national en matière de sécurité et celui de ministre adjoint de la Défense.

Il a dû aussi retirer trois de ses nominés à des postes ministériels, l’un parce qu’il est visé par une enquête sur une affaire de corruption et les autres parce qu’ils avaient des arriérés d’impôts. Son propre ministre des Finances et de l’Economie, Tim Geithner, a négligé de payer le fisc alors qu’il est désormais responsable de la collecte des impôts.

Un plan de relance incohérent

Enfin, M. Obama, malgré son vœu d’une politique «post-partisane », n’a pas su jusqu’à présent gérer le Congrès, sa majorité démocrate et son opposition républicaine.

«Sa principale erreur de jugement a été de céder l’élaboration du plan de relance au Congrès au lieu de diriger le mouvement depuis la Maison Blanche », estime Greg Wierzinski qui prépare un livre sur l’évolution des marchés financiers.

«Le résultat est un plan gonflé, incohérent, avec quelque chose pour tout le monde», déplore cet ancien expert de la commission bancaire de la Chambre.

swissinfo, Marie-Christine Bonzom, Washington

48 ans. Né le 4 août 1961 à Honolulu, Barack Hussein Obama est le 44ème président des Etats-Unis

Elu. Membre du parti démocrate, il a été élu le 4 novembre avec 53% des voix, face au Républicain John McCain (46%)

Son mandat de quatre ans a commencé le 20 janvier

Majorité. Son parti a la majorité aux deux assemblées du Congrès, la Chambre et le Sénat

Succès. Son premier succès législatif est le plan de relance de l’économie adopté par le Congrès

Paraphes. Il a signé plusieurs décrets dont l’un prévoit la fermeture de Guantanamo d’ici janvier 2010

En Suisse. Né en Pologne, il se réfugie chez sa tante en Suisse pendant la deuxième guerre mondiale

Après la guerre, il émigre aux Etats-Unis

Presse. Il fut journaliste au magazine américain Time

Conseiller. Jusqu’en 2006, il fut conseiller à la commission bancaire de la Chambre des députés

Publication. Il prépare un livre sur l’évolution des marchés financiers.

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