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Les investissements qataris en Suisse font polémique

Le Qatar va-t-il se transformer en château de sable ? Keystone

Accusé de «soutien au terrorisme», le Qatar fait l’objet d’un blocus décrété par l’Arabie Saoudite et d’autres monarchies du Golfe. De quoi soulever des doutes sur les participations financières de l’émirat dans des entreprises étrangères, notamment helvétiques.

En Suisse, le fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA) a des participations importantes dans Credit Suisse, Glencore (le géant du négoce et de l’exploitation des matières première, avec lequel QIA a récemment formé un consortium pour acheter un grand nombre de part du géant pétrolier russe Rosneft), l’agence de voyages Dufry et plusieurs hôtels suisses.

Le blocus diplomatique et économique du Qatar, décidé par les Saoudiens et leurs alliés, peut donc affecter ses investissements à l’international, puisque le Qatar est accusé de financer le terrorisme.

«Si vous avez un important investisseur parmi vos actionnaires qui est perçu comme parrainant des mouvements terroristes, vous avez un gros problème de réputation, pointe Sven Behrendt, directeur général du bureau de conseil GeoEconomicaLien externe basé à Genève. La situation au Moyen-Orient est très chaotique, vous devez donc savoir qui sont vos investisseurs. Vous ne pouvez pas vous permettre d’être insouciant.»

Fonds opaque

Un porte-parole de Credit Suisse a déclaré que la banque «connaît» l’un de ses plus grands actionnaires et continue de «maintenir des contacts réguliers et des relations professionnelles» avec lui. QIA s’est intéressé à Credit Suisse en 2008, lors de la crise financière mondiale. Sans l’injection de capital de QIA, Credit Suisse aurait probablement eu besoin d’un sauvetage de l’État.

Le quotidien Tages-Anzeiger a signalé que QIA reçoit un dividende annuel d’environ 50 millions de francs suisses par an de Credit Suisse et de 400 millions supplémentaires pour d’autres placements dans la banque. Entre 2010 et cette année, le Qatar avait un représentant au conseil d’administration de la banque.

Il est difficile de juger de l’indépendance de la stratégie d’investissement de QIA par rapport aux dirigeants politiques du pays, selon GeoEconomica. En 2014, le bureau a compilé une liste de fonds souverains pour mesurer leur conformité à un code de conduite auto-réglementé appelé Principes de SantiagoLien externe.

QIA était le seul fonds à être classé comme non conforme pour son opacité face à tout examen public. Cette situation n’a pas changé, selon Sven Behrendt.

L’Autorité suisse de surveillance des marchés financiers (FINMA) a refusé de commenter les liens entre QIA et Credit Suisse.

Plus de «business as usual»

L’impact économique du blocus contre le Qatar présente un autre problème pour les entreprises liées à son fonds souverain. Le Qatar pourrait souffrir économiquement si aucune solution ne devait être trouvée rapidement dans la crise actuelle, selon Jean-Marc Rickli, responsable des risques mondiaux au Centre genevois pour la politique de sécurité (GSPCLien externe).

«Il est presque impossible de poursuivre des activités normales dans de telles conditions, souligne l’expert. L’environnement commercial a besoin de stabilité pour fonctionner normalement. Avec un accès restreint aux ports du Moyen-Orient, les opérations maritimes du Qatar seront probablement affectées, tout comme sa compagnie aérienne Qatar Airways. Le Qatar dépend de l’extérieur pour la plupart de ses produits et de ses travailleurs.»

Jean-Marc Rickli estime que le Qatar ne peut pas tenir longtemps dans les conditions actuelles, alors que ses accusateurs n’accepteront rien d’autre que sa capitulation politique.

Sven Behrendt pronostique un compromis dans un proche avenir, mais il n’exclut pas que le blocus dure «jusqu’à ce que les Qataris ressentent de la douleur». Dans une telle situation, le Qatar devra peut-être «liquider certains actifs pour compenser les impacts du blocus». Ce qui pourrait avoir un impact sur la politique d’investissement de QIA.

De son coté, Glencore a refusé de commenter cet article.

Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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