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Bruno Ganz, sur les ailes de l’éternité

Bruno Ganz
Bruno Ganz (ici en 2015) avait 77 ans au moment de son décès. AFP

Star internationale, l’acteur zurichois de théâtre et de cinéma est décédé des suites d’un cancer. Il avait joué dans des films cultes, «Les Ailes du désir», «L'Éternité et un jour», «La Chute». Hommage et témoignages.

Bruno Ganz n’est plus, et dans la presse suisse et internationale les hommages se multiplient, qui de louer l’immense talent de l’acteur zurichois, qui de parler de l’homme qu’il fut, à la fois bienveillant et inaccessible. Evitons donc les répétitions louangeuses. Mieux vaut replacer Ganz dans un contexte imaginaire; après tout, un acteur n’est-il pas cet être qui évolue sans cesse à travers une fiction?

Imaginons donc. Voici Bruno Ganz là-haut. Il vient de rejoindre un autre zurichois, Luc Bondy, lui aussi vedette internationale, metteur en scène de théâtre décédé en 2015. Que font-ils maintenant? Se jouent-ils la comédie, ou se disputent-ils dans une tragédie? Dieu seul le sait. Sur terre en tout cas, les deux artistes ont travaillé ensemble. Bruno Ganz joua dans «Le Retour» de Harold Pinter que Bondy mettait en scène à Paris, en 2012. C’était la dernière apparition de l’acteur dans une pièce de théâtre.

Nous avions assisté à ce «Retour» en lequel Bondy voyait le microcosme d’un pouvoir dictatorial. Ganz y incarnait le rôle d’un père de famille autoritaire. Et Bondy l’avait choisi parce que, nous confiait-il à l’époque, «Bruno a en lui la violence qu’il faut pour incarner un despote, alors que dans la vie il est un homme doux».

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Bruno Ganz se fait tirer le portrait

Ce contenu a été publié sur Le langage du corps, les gestes et les expressions du visage d’un grand acteur de langue allemande.  Une petite série de portraits de Bruno Ganz, photographiée à San Francisco lors du festival du film allemand “Berlin and Beyond”, où était présenté le film d’Oliver Hirschbiegel “Der Untergang”. (Photos Thomas Kern)

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Une bête de scène

Hitler, c’était lui, Bruno Ganz, dans «La Chute», film sorti en 2004, qui ajouta à sa gloire et lui fit dire à la presse: «Ne pas être allemand m’a aidé, parce que je pouvais mettre mon passeport entre Hitler et moi». Ce rôle l’a bien sûr marqué, à tel point que le jour où le cinéaste suisse Jacob Berger lui proposa d’interpréter Arthur Bloch dans «Un juif pour l’exemple» (film sorti en 2016, tiré du roman éponyme de Jacques Chessex ), il accepta l’offre avec un sentiment de soulagement.

«Bruno fut très sensible à l’idée de jouer un commerçant juif [assassiné en 1942 par des Payernois sous influence nazie]. Le juif le lavait en quelque sorte d’Hitler. Ganz a vu dans Arthur Bloch l’occasion de contrebalancer l’effet dévastateur que peut produire le rôle du Führer», éclaire Jacob Berger.

Passer du rôle du bourreau, Hitler, à celui d’une victime du nazisme, Arthur Bloch, est difficile. «Mais pas impossible pour quelqu’un comme Ganz. L’animal de scène qu’il était savait qu’il fallait éviter le danger d’histrioniser un dictateur et de se montrer trop complaisant avec un juif. Il avait trouvé un équilibre pour ne pas passer à côté de la complexité de ces deux personnages», ajoute Jacob Berger.

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De la tendresse à la rudesse

La finesse dans le jeu. C’est la marque des talentueux. C’est ce que relève également Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse, qui voit en Bruno Ganz un des plus grands acteurs suisses de cinéma, honoré par de nombreux prix. «D’un film à l’autre, il passait avec aisance de la tendresse à la rudesse, du léger au tragique. Marin esseulé ‘Dans la ville blanche’ d’Alain Tanner, ange attentionné dans ‘Les Ailes du désir’ de Wim Wenders, potentat effroyable dans ‘La Chute’ d’Oliver Hirschbiegel, grand-père adorable dans ‘Heidi’ d’Alain Gsponer, l’artiste disposait, tel un peintre, d’une palette extraordinaire qui lui permettait de varier les couleurs», confie Frédéric Maire.

Né à Zurich en 1941, de père suisse et de mère italienne, Bruno Ganz enchaîne les petits boulots avant de se découvrir une passion pour le théâtre. Il suit des cours d’art dramatique à l’Université de Zurich, puis décide de s’orienter vers Berlin, ville bouillonnante qui dans les années 1970 concentre tout ce que l’Europe compte comme grands noms de la scène. En Allemagne, il joue sous la direction de Peter Zadek et Peter Stein et rejoint ce qu’on appelle «l’ensemble» de la Schaubühne. Il fait alors la connaissance de Jürgen Schitthelm, plus tard directeur de la vénérable institution entre 1987 et 2012.

Une grande discrétion

Contacté à Berlin, Jürgen Schitthelm se souvient: «A cette époque, Bruno était déjà considéré comme un jeune acteur exceptionnel. Travailler avec lui a toujours été passionnant. C’était un collègue discret qui se sentait plutôt mal à l’aise dans sa position dominante au sein de ‘l’ensemble’. Au cours des décennies qui ont suivi nos débuts à la Schaubühne, toutes nos rencontres ont été riches en émotion. Même acteur de cinéma de renommée internationale, Bruno Ganz est resté discret».

C’est le théâtre berlinois qui lui a ouvert la voie royale du cinéma allemand, puis mondial. «A la différence d’autres vedettes suisses qui brillent à l’étranger, comme autrefois Michel Simon et aujourd’hui Vincent Perez et Bruno Todeschini, Ganz n’a jamais vraiment quitté son pays. Il a toujours gardé un pied à Zurich, et je trouve cette fidélité remarquable», confie encore Frédéric Maire.

C’est à Zurich que Bruno Ganz s’est éteint, dans la nuit du 15 au 16 février.     

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