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Décès de Franz Weber, écologiste de la première heure

Franz Weber au milieu du Lavaux. L'écologiste a lancé trois initiatives populaires pour sauver le vignoble vaudois. Keystone / Laurent Gillieron

L'écologiste Franz Weber est décédé mardi à l'âge de 91 ans, a indiqué jeudi sa fondation. Le Bâlois d'origine s’était fait connaître dans le monde entier pour ces combats en faveur des bébés phoques, sa lutte contre les résidences secondaires et sa volonté de protéger le Lavaux.

«La disparition du fondateur et président honoraire de la Fondation Weber, laisse sa famille, ses amis, ses compagnons de combats et ses collègues empreints d’une tristesse profonde», indique jeudi la fondation, selon laquelle les souvenirs et l’inspiration demeurent.

Franz Weber aura mené plus de 150 combats à travers la planète. Ses batailles, comme celle pour la protection du Lavaux, ont souvent scandalisé.

L’une des plus grandes victoires de la fondation Franz Weber est indubitablement l’adoption de l’initiative populaire visant à limiter les résidences secondaires en 2012.

Seul contre tous, l’écologiste vaudois avait réussi à faire approuver le texte par le peuple suisse. Il avait surpris tout le monde, y compris ses alliés naturels, les associations de défense de l’environnement, qui jugeaient l’aspect juridique de l’initiative trop radical et trop complexe.

A travers ses combats, Franz Weber ne s’est pas fait que des amis. Cavalier solitaire – souvent insulté, attaqué et même emprisonné – l’écologiste suivait son propre chemin, sans rien demander à personne, mû non par le calcul mais par la passion.

>> Revoir le portrait de Franz Weber, diffusé en 2018 par l’émission Couleurs locales de la Radio Télévision Suisse:

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Précurseur de l’écologie

Une passion qui remontait à l’enfance. «J’ai grandi en lisière de la ville de Bâle. J’étais toujours dans les prés et la forêt. J’allais souvent à la gare demander aux cheminots de me raconter les paysages qu’ils traversaient. Ça les amusait d’être interviewés par un enfant», avait-il un jour confié.

Troisième d’une famille de sept enfants, l’entreprenant Bâlois a commencé par le journalisme. En 1949, après une formation commerciale, il monte à Paris où il s’essaie à la poésie et à l’écriture, mais sans succès. Par contre, il réussit en tant que reporteur et intervieweur de personnalités du monde de l’art et du spectacle.

C’est en 1965 qu’est née sa vocation d’écologiste. De passage en Engadine, il est choqué par un projet de spéculation immobilière à Surlej, au bord du lac de Silvaplana.

Il lance alors sa première croisade et réussit même à alerter l’opinion au-delà des frontières: à cette époque de boom démographique et d’urbanisation en Europe, c’est une des premières batailles menées pour sauver le paysage naturel. Franz Weber sortira gagnant de cette première lutte.

«J’allais souvent à la gare demander aux cheminots de me raconter les paysages qu’ils traversaient. Ça les amusait d’être interviewés par un enfant»
Franz Weber

Bardot et les phoques

En 1974, il s’établit à Montreux, où il installe son quartier général et ses fondations. À quelques kilomètres de là, les splendides vignobles en terrasses du Lavaux, sur les bords du Léman, sont menacés par l’urbanisation. Franz Weber part en guerre contre la volonté de la majorité de la population du district.

La première initiative Sauver Lavaux sera approuvée en 1977 par les citoyens du canton de Vaud, la seconde est également acceptée en 2005. Mais en 2014, sa troisième initiative est rejetée en votation populaire. Il aura toutefois permis à la région de faire partie du patrimoine mondial de l’Unesco.

La même année, l’écologiste se fait connaître au niveau international avec sa campagne spectaculaire contre le massacre des phoques. En tant que journaliste, Franz Weber a appris à utiliser les médias: outre Brigitte Bardot, il attire avec lui quelque 70 journalistes dans le nord du Canada.

A partir de ce moment-là, l’écologiste est appelé à la rescousse dans le monde entier. En 1978, le Conseil de l’Europe fait appel à lui pour sauver Delphes, en Grèce. Ensuite, on le voit protéger une réserve naturelle du Danube en Autriche, secourir les hippopotames en Afrique ou défendre les chevaux sauvages en Australie.

Franz Weber en 1979 avec un bébé phoque encore vivant à Terre-Neuve, au Canada. Keystone / Yannick Muller

Détesté et apprécié

Pendant qu’il accumule prix et reconnaissances à l’étranger (entre autre la citoyenneté d’honneur de Delphes), en Suisse, ses campagnes contre la construction d’aéroports et d’autoroutes, l’amarrage d’hydravions sur les lacs ou le bruit des avions militaires suscitent surtout de l’irritation. Avec le sociologue Jean Ziegler, avec lequel il partage une certaine coquetterie médiatique, il devient un des personnages les plus détestés des Suisses.

Mais il est aussi apprécié pour son engagement. Ses fondations attirent des dons de partout, qui lui permettent d’alimenter 150 campagnes nationales et internationales. Et une trentaine d’initiatives populaires: un record absolu. Si les succès sont rares, il réussit souvent à contraindre les autorités à agir pour contrecarrer ses initiatives. Avec sa femme, sa fille et une poignée de collaborateurs, Franz Weber est un lobby impressionnant.

Quand, dans les années 80, il se lance au secours du Grandhôtel de Giessbach (Berne), certains ont pensé qu’il était en train de perdre toute mesure. Mais l’hôtel et le lieu dégagent un romantisme incomparable, qui fascinait artistes et philosophes il y a déjà un siècle.

Passage de témoin

Ecologiste romantique avant tout, Franz Weber s’est battu sa vie durant pour la beauté du paysage et la poésie de la nature. Après l’échec de sa troisième initiative pour la sauvegarde du Lavaux en 2014, l’écologiste fatigué et diminué remet les rênes de sa fondation à sa fille Vera Weber. Depuis deux ans, il résidait dans une maison de retraite, atteint d’une démence sénile.

«J’ai perdu mon père chéri et mon guide dans la lutte pour un monde digne d’y vivre», a réagi Vera Weber à l’annonce de son décès. Si le militant n’est plus, son combat survit.

>> Franz Weber raconte en 2015, à la RTS, son long combat pour la défense de la nature

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