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Genève 2 n’apaise pas le calvaire des Syriens

Dans un camp de réfugiés syriens dans le Kurdistan irakien le 23 janvier dernier Reuters

Alors que les belligérants syriens doivent reprendre les négociations à Genève le 10 février, le sort des civils syriens ne cesse d’empirer, sous le poids des bombes, de la famine et des épidémies. L’aide internationale patine. Des initiatives privées tentent de prendre le relais.

«Les négociations de Genève devraient apaiser la situation sur le terrain. C’est tout le contraire qui se passe. L’humanitaire est pris en otage par les discussions politiques», tonne le Dr Tawfik Chamaa, porte-parole de l’Union des Organisations syriennes de secours médicaux (UOSSM).

Basé à Genève, le médecin syrien plaide pour les questions politiques soient séparées de l’action humanitaire qui ne peut, elle, attendre que les parties au conflit se mettent d’accord. «Toutes les parties doivent respecter des corridors humanitaires et des cessez-le-feu de quelques heures pour que les convois puissent passer. C’est une obligation en droit international», souligne Tawfik Chamaa.

De fait, cette première session de pourparlers, initiés sous la pression des Américains, alliés de l’opposition, et des Russes, s’est terminée vendredi, sans réelle avancée ni sur la question de la transition politique, ni sur le dossier humanitaire.

Le représentant spécial de l’ONU et de la Ligue arabe  estime que ce premier face à face entre frères ennemis syriens est un succès en soi. Lakhdar Brahimi s’est par contre déclaré «très, très déçu » par l’absence de progrès sur l’aide aux quartiers rebelles assiégés de Homs, troisième ville du pays.

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Un humanitaire suisse avec les Syriens dans les camps

Ce contenu a été publié sur Depuis quelques mois, les Syriens vivant dans les zones assiégées ne tombent plus uniquement dans les combats, mais meurent littéralement de faim, de soif, de maladies, et plus récemment de froid. Arrivés à court de farine, il ont fait du pain avec des lentilles, puis ils ont mangé les chats, les chiens et les ânes.…

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Une population affamée

En Syrie même, « les forces gouvernementales assiègent et bombardent des villes et des quartiers où des femmes et des enfants meurent de faim. Cette situation concerne des centaines de milliers de civils», assure Tawfik Chamaa, en contact régulier avec ses collègues sur le terrain. Des médecins et des secouristes eux-mêmes ciblés par les forces gouvernementales, souligne-t-il. 

Quant aux rebelles, ils assiègent, eux aussi, des villages considérés comme pro-régime. Et après 3 ans de guerre, une bonne partie du pays est dévasté.

«La Syrie n’a plus d’infrastructure de santé publique, souligne Tawfik Chamaa. Les régions contrôlées par les forces de l’opposition –  entre 60 et 70% du territoire syrien – vivent sous des bombardements constants, ce qui entrave l’action médicale, même en dehors des affrontements militaires. Quand il s’agit de garantir les accouchements, les vaccinations et les soins pour enfants, les soins nécessaires pour les maladies chroniques, comme les problèmes cardiovasculaires, l’asthme, le diabète, la dialyse, et le cancer, nous n’arrivons plus à suivre.»

Depuis quelques mois, les Syriens vivant dans les zones assiégées ne tombent plus uniquement dans les combats, mais meurent littéralement de faim, de soif, de maladies, et plus récemment de froid. Arrivés à court de farine, ils ont fait du pain avec des lentilles, puis ils ont mangé les chats, les chiens et les ânes. Et aujourd’hui, les enfants mangent des feuilles, et même du carton.

Initiatives parties de Suisse

Comme le montre l’enlèvement début janvier au nord de la Syrie de 5 employés de l’ONG Médecins sans frontières, l’aide internationale se retrouve paralysée par les combats et les violences qui frappent la Syrie. Seule l’aide apportée au compte-gouttes par des Syriens de la diaspora parvient parfois aux victimes.

Plusieurs de ces initiatives privées sont parties de Suisse. Depuis juillet 2013, Oscar Assadullah Mukhtar Bergamin aide les réfugiés menacés de famine dans les camps du Nord de la Syrie. A cette fin, ce Suisse converti à l’islam a fondé à Zurich l’association humanitaire «Ash-Sham Care».

Bravant les risques, Oscar Bergamin continue à faire les aller-retour entre Zurich et Gaziantep, en Turquie, où il achète le nécessaire et s’arrange avec les organisations locales pour apporter nourriture et couvertures dans différents camps de réfugiés. Des camps qu’il ne peut pas nommer pour des raisons de sécurité.

Joint au téléphone alors qu’il se rendait fin décembre dans le Nord de la Syrie, il a expliqué à swissinfo.ch que Ash-Sham Care était une des très rares ONG humanitaires européennes travaillant directement dans cette zone, avec un support logistique en Turquie.

Oscar Bergamin se convertit à l’islam en 2005. A la fin 2009, il rejoint le Conseil central islamique suisse, du controversé Nicolas Blancho. Mais deux ans plus tard, il décide de quitter le groupe, invoquant des divergences.

Après la destruction de l’entreprise d’ameublement syrien qu’il avait fondée en 2010 à Damas, Oscar Bergamin fonde l’ONG Ash-Sham Care, qui mène des projets humanitaires au Liban, en Syrie et en Turquie. Il a également travaillé deux ans comme officier spécial pour le contingent de l’armée suisse au Kosovo et passé une année à Kaboul, comme consultant civil pour l’unité de soutien psychologique de la Force internationale d’assistance et de sécurité de l’OTAN en Afghanistan.

La Suisse apporte une aide humanitaire en Syrie et dans les pays voisins.

À la fin de l’année 2013, plus de 11,6 millions de personnes avaient besoin d’une assistance, selon les Nations-Unies. Ce chiffre inclut les 2,3 millions de réfugiés syriens qui ont fui leur pays pour le Liban, la Jordanie, l’Iraq, la Turquie et l’Afrique du Nord. Ces nouveaux arrivants engendrent une pression considérable sur les ressources des pays hôtes.

Depuis le début de la crise en mars 2011, la DDC (l’agence humanitaire suisse) a engagé un total de 85 millions de francs pour venir en aide aux populations affectées.

Avec cette contribution, la DDC soutient le CICR, les agences onusiennes (OCHA, HCR, PAM, FAO, UNICEF et UNRWA), ainsi que les ONG nationales et internationales.

Elle met aussi à disposition des agences onusiennes des experts suisses qui apportent leur savoir-faire dans des secteurs comme l’eau et l’assainissement, l’hygiène, la préparation d’abris et l’assistance cash.

La DDC réalise aussi des actions directes telles que la réhabilitation d’écoles qui accueillent des enfants de réfugiés syriens au Nord du Liban et en Jordanie. Le projet «Cash pour accueil» est un autre exemple d’action directe menée par la DDC. Il bénéficie à plus de 2’400 familles d’accueil et à environ 20’000 réfugiés syriens au Liban.

Pour 2014, les Nations-Unies ont lancé un appel de fonds de 6,5 milliards de dollars pour la Syrie et les pays voisins. La Suisse poursuivra son engagement en faveur de l’assistance et la protection des populations affectées par la crise syrienne.

Source : DDC

Le spectre des épidémies

Autre initiative avec Dia Eddine Khaldoun, cofondateur  du groupe Swiss Emergency Relief (SwissERG qui collabore également avec l’UOSSM), créé en octobre 2012 à Winterthur.

Ce groupe s’active à acheminer l’aide (nourriture, couvertures et surtout médicaments) aux réfugiés à l’intérieur de la Syrie – les déplacés – à travers les contacts privés de ses membres et en utilisant les réseaux sociaux.

«Vers la fin 2012, nous avons décidé de mener une campagne de collecte de fonds pour aider les réfugiés à l’intérieur de la Syrie. Nous sommes partis en Turquie où nous avons acheté ce dont nous avions besoin et nous avons tout acheminé en Syrie et tout distribué, puis nous sommes rentrés. Nous avons nos propres canaux et des contacts avec des personnes connues de nous qui nous facilitent certaines tâches.»

Reste que ces initiatives qui partent du monde entier ne peuvent combler les immenses besoins d’une population à bout de souffle dont près de la moitié (10 millions) a dû fuir les combats en Syrie même ou dans les pays environnants. L’état de santé des Syriens ne cesse de se détériorer.

«L’automne passé, la polio est réapparue à Deir ez-Zor ; c’était une des maladies que l’OMS se vantait d’avoir presque éradiquée. La leishmaniose aussi est réapparue depuis quelque temps et a touché plus de 200’000 personnes. Si ce n’est pas une maladie mortelle, elle défigure néanmoins les enfants. Nous avons aussi vraiment peur du choléra à cause de la malnutrition», assure Tawfik Chamaa, lui-même actif sur le terrain via l’UOSSM, fondée en 2011 à Paris et active en Syrie, Turquie, Liban et Jordanie.

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