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Catherine Lovey, la Russie à portée de plume

Catherine Lovey, écrivain, journaliste, spécialisée en criminologie Service Presse

De la Suisse à la Sibérie, un long chemin que l’écrivain valaisanne parcourt dans «Un roman russe et drôle» (Zoé). Elle y part à la rencontre du célèbre oligarque Mikhaïl Khodorkovski, prisonnier de Poutine. Son voyage est aussi une redécouverte des liens entre Est et Ouest.

Une femme, Valentine Y. Elle est tendue comme un arc vers un but: Mikhaïl Khodorkovski. «Qui est donc cet homme?», se torture-t-elle. «Je n’en sais rien», dit-elle à elle-même, désorientée. Avant d’ajouter: «Peut-être un fou. Un saint. Un idiot. C’est assez pour un roman. Il n’y a pas besoin d’avocats, d’informateurs, de milliards de dollars. Il y a juste un homme prisonnier qui ne ressemble à personne d’autre. Les romanciers se contentent de peu, et ils en font beaucoup».

Catherine Lovey, alias Valentine Y., va donc en faire des tonnes avec son Khodorkovski: 288 pages bien serrées, terriennes, éthérées, révoltées, fatalistes, à la recherche du célèbre homme d’affaires moscovite que Vladimir Poutine jeta, en 2004, dans une prison de Sibérie.

Penser tue aussi

Selon les dictionnaires, Mikhaïl Khodorkovski est un oligarque condamné pour «vol par escroquerie à grande échelle». Mais pour Valentine, il en va différemment. Après tout, ce prisonnier est peut-être «doux comme un agneau» ! A chacun sa vérité. La version historique est une chose, la romanesque en est une autre.

Voici donc Valentine piégée par la fascination qu’exerce sur elle un être immensément riche, puissant, qui accepte son sort de détenu sans broncher. Double de l’auteure, Valentine est aussi l’héroïne fantasque et entêtée d’«Un roman russe et drôle» (Zoé). Le voyage qu’elle entend réaliser en Sibérie pour mieux connaître les conditions de détention de l’oligarque, objet de son futur roman, ne la mèneront nulle part. C’est du moins ce que pensent ses amis réunis un soir de juillet autour d’une table.

Repas bien arrosé dans un jardin, quelque part à Genève. Tout le monde parle en même temps. On discute, on se dispute, on fume.
«Fumer tue», dit l’un. «Penser aussi», lui répond l’autre. Atmosphère à la Claude Sautet, répliques aussi, vives, drôles, dans un milieu d’intellectuels blasés. Blasés comme on peut l’être quand on vit en Suisse, «pays plein de rochers nimbés de secret bancaire».

La misère…hors de prix

De la Suisse où naît ce roman à la Russie où il s’achève, il y a un très long chemin. Parfois lisse, car balisé de lieux communs («notre prospère patrie, pleine de vaches, de montagnes et de coffres-forts»). Parfois semé de doutes sur la Russie d’aujourd’hui où «tout est devenu hors de prix (…), même la misère, qui pendant des siècles, n’avait pas coûté un sou». D’autres fois, parcouru de questionnements sur l’Est et l’Ouest. L’Est épousant ici l’immensité d’une aliénation qu’entretiennent les «colonies pénitentiaires» de Sibérie.

Quant à l’Ouest, il a la liberté de «la langue de bois» et l’exiguïté d’un pays posé au pied des Alpes, sur lequel Catherine Lovey s’interroge en ces mots: «J’en viens parfois à me demander si ce supplément d’air frais venu des montagnes n’augmente pas le poids de l’oxygène, dans notre réduit carbonique national».

La plume est aiguisée mais elle sait également courir, alanguie, sur le papier, empruntant à Tchekhov sa douceur mélancolique. Car ce «Roman russe et drôle» est aussi un roman d’amour où Valentine se heurte à la nostalgie des hommes autrefois conquis et à la séduction qu’exercent sur elle les charmeurs inaccessibles. Mikhaïl Khodorkovski en tête.

Ghania Adamo, swissinfo.ch

«Un roman russe et drôle » de Catherine Lovey. Editions Zoé, 288 pages.

– Née en Valais en 1967.

– Elle s’est spécialisée en criminologie.

– Elle exerce le métier de journaliste.

– Elle est l’auteur de deux autres romans, « L’homme interdit » et « Cinq vivants pour un seul mort », publiés tous les deux chez Zoé.

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