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Cerfs-volants suisses dans le ciel de Chine

Un drapeau chinois pour marquer l'identité du festival international de Weifang AFP

Le festival international de Weifang, dans le Shangdong chinois, s'est tenu du 21 au 23 avril, avec la participation d'un Suisse romand. L'originalité des cerfs-volants que construit Olivier Reymond lui a valu de pouvoir les exposer au musée de Weifang, le plus important du genre au monde.

Il pleut des cordes sur Weifang. ça devait être le plus beau jour de l’année, dans cette ville réputée « La Mecque du cerf-volant », avec l’ouverture du 27ème festival international de cerfs-volants. Mais on n’a finalement pas vu le moindre objet volant égailler le ciel, les festivités ont été annulées, du moins le premier jour.

L’atmosphère était d’autant plus lourde que la Chine avait déclaré pour ce 21 avril une journée de deuil national, après le séisme qui a fait au moins 2200 morts dans le Qinghai.

Olivier Reymond a fait 8000 kilomètres – avec son épouse Suzanne – pour venir au festival. Les cerfs-volants, c’est sa passion: il les fait voler, les créée, les coud, les assemble, avec un succès et un talent certains, qui lui ont valu il y a deux ans de gagner le premier prix au festival de Dieppe: une invitation à participer au festival de Weifang.

Feux d’artifice, flonflons et longs discours

La veille au soir, c’était la cérémonie d’ouverture au stade municipal, avec feux d’artifice, flonflons et longs discours. Trop longs, au goût des Reymond, qui sont arrivés trois jours plus tôt et ont été abreuvés de dîners officiels, de discours ronflants et interminables et de politesses un peu rigides.

«Il faisait un froid de canard, la sono était assourdissante, alors notre gentille traductrice nous a aidés à trouver un taxi pour rentrer en douce », avoue Olivier Reymond, qui s’est éclipsé une demi-heure après le début des cérémonies, pour retourner dans sa pauvre chambre d’hôtel mal chauffée.

Quant aux journalistes étrangers, pas question d’assister à l’acte officiel d’ouverture, sauf versement d’une somme astronomique. La section locale du département des affaires étrangères du parti communiste, censée les accueillir, les renvoyait aux organisateurs du festival, qui affirmaient ne rien pouvoir faire sans l’accord du parti.

Aigles, dragons, hirondelles de soie

Le musée de cerfs-volants de Weifang, plus important du genre au monde, réunit les plus beaux spécimen de l’artisanat chinois … aigles, dragons, hirondelles de soie et de bambou. Rien à voir avec les œuvres d’Olivier Reymond, dont une dizaine sont exposées dans une salle réservée tout exprès pour lui. Car le Vaudois est avant tout artiste.

«J’ai besoin de mettre des visages expressifs en l’air, c’est ce qui fait mon plaisir. J’ai l’impression d’être un peu comme le père de Pinocchio, Gepetto, qui après des mois et des mois fait sa marionnette. Moi après des jours et des jours je fais apparaître des visages dans le ciel. »

Le vent et les portraits

Olivier Reymond travaille comme biologiste à la surveillance de la qualité des eaux du lac Léman. Sa passion pour les cerfs-volants l’a pris voici 15 ans. «Autrefois j’avais un bateau à voile, qui a été cassé par une bonne tempête. J’aime aussi la photographie et les portraits. Mélangez l’attrait du vent avec celui du portrait, vous obtenez des cerfs-volants avec des figures dessus. »

Les siens sont faits d’un patchwork de tissus de nylon de couleur cousus ensemble selon une technique développée par lui-même. Les portraits sont plus ou moins tous des adaptations de dessins trouvés dans des bandes dessinées, des livres pour enfants ou de la publicité.

Salle suisse fermée à double tour

« Les gens me demandent où on peut les acheter. Ils tombent des nues lorsqu’ils apprennent qu’ils sont faits maison. On a perdu l’habitude de l’artisanat », constate Olivier Reymond. Au musée de Weifang, les visiteurs n’ont guère l’occasion de poser de questions, car la salle suisse – bien souvent – est fermée à double tour. Faut-il y voir les craintes chinoises de voir leurs traditions contaminées par l’Occident? Bien au contraire, assure Liu Zhiping, l’organisateur en chef du festival.

« C’est pour les protéger, car contrairement au reste du musée, les cerfs-volants suisses ne sont pas en vitrine. Quant à la Chine, elle profite grandement des idées et des technologies cervolistiques venues des autres régions du monde. »

Une tradition chinoise

Li Nai Gang, directeur adjoint du musée, abonde dans le même sens, et ne tarit pas d’éloges pour le travail du Suisse romand. Mais il rappelle aussi que les cerfs-volants sont « un produit de la culture chinoise.

Ils ont plus de 2300 ans d’histoire. Ensuite, c’est de l’artisanat et de la création artistique. Enfin, c’est un sport d’extérieur très sain, qui est bon pour soulager les yeux, renforcer les os du dos », … et bon pour le moral, car au dernier jour du festival, la pluie cesse, le soleil réapparaît, le ciel se remplit de cerfs-volants.

Olivier Reymond décroche un deuxième prix dans la catégorie traditionnelle. Les soucis des jours précédents sont oubliés. « C’était une journée magnifique, tout le monde a pu participer, c’est extraordinaire. »

Alain Arnaud, Pékin, swissinfo.ch

Cerfs-volants. Les Chinois se basent sur d’anciens textes pour revendiquer l’invention des cerfs-volants au IVème siècle av. J.-C.

D’autres sources l’attribuent à des peuples de pêcheurs et navigateurs d’Asie du Sud-Est.

Militaire. Initialement, les Chinois utilisaient les cerfs-volants à des fins essentiellement militaires: pour porter des messages, émettre des signaux, effrayer l’ennemi ou évaluer les distances.

Marco Polo rapporte que les Chinois en construisaient de si grands qu’il pouvaient porter un homme. Leur introduction en Occident remonterait au XIIème siècle

Les cervolistes suisses sont organisés dans une vingtaine de clubs, dont celui de Vercorin (Elément’Air), très actif, qui organise un festival toutes les années en juillet.

La Suisse ne fabrique pas de cerfs-volants, dont la plupart sont faits en Chine.

Adepte du cerf-volant à un fil, de type statique, Olivier Reymond rappelle que les modèles à deux fils sont plus sportifs et attirent en particulier les jeunes.

Mais il fait remarquer qu’un cerf-volant de bonne qualité est forcément assez cher (à partir de 100 francs), et que les modèles bas de gamme volent mal.

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