Des perspectives suisses en 10 langues

Christine Anglio, portrait d’une anti-Pénélope à Paris

swissinfo.ch

Après un succès scénique de dix années, «Arrête de pleurer Pénélope» se déclinera un jour au cinéma. En attendant, la comédienne suisse travaille à une nouvelle pièce. Rencontre chaleureuse dans une brasserie du Châtelet.

Souvenez-vous… Il y a la blonde et libérée Chloé, jouée par Juliette Arnaud. Il y a la survoltée et noiraude Léonie, qui a le visage de Corinne Puget. Et la brune Pénélope, ingénue et nunuche, qui, en 1998, a donné son nom à la pièce «Arrête de pleurer Pénélope», déclinée en un deuxième épisode depuis, et qui en connaîtra un troisième sur grand écran.

Pénélope, c’est Christine Anglio, qui un beau jour de 1994, avait quitté la petite cité neuchâteloise de Couvet pour «monter à Paris».

A la fin de cet hiver, les trois actrices ont terminé la première mouture du scénario de leur film. Christine et Corinne, de leur côté, ont mis la dernière main au texte d’une pièce à venir («Moi moi moi», titre de travail peut-être définitif!).

swissinfo: Pénélope a eu 10 ans en 2008. A-t-elle mûri?

Christine Anglio: Elle a vieilli. N’ayez pas peur des mots! Même si c’est gentil d’utiliser le mot ‘mûrir’, elle a vieilli. Et c’est bien comme ça: les personnages ont vieilli et nous aussi!

swissinfo: Pénélope est gravement naïve, un peu bêbête… Ce n’est pas trop lourd à porter sur la longueur?

C.A.: C’est rigolo, au fil des années, plein de gens pensent que je suis comme ça. On me parle souvent comme si j’étais idiote. C’est plutôt drôle: les gens ne se méfient pas des idiots!

swissinfo: En 1994, vous avez quitté Couvet, dans le Val-de-Travers, pour les Cours Florent à Paris. Quel souvenir gardez-vous de ce grand saut?

C.A.: J’avais 20 ans, je me sentais un peu à l’étroit, un peu oppressée, à Couvet: cette ambiance de village, où chacun sait ce que fait chacun, et juge chacun. Arriver dans une ville où tout le monde se contrefout de savoir ce que vous faites, ça m’a fait un bien fou.

Il y a l’euphorie du début, et ensuite, la réalité. Il commence à y avoir les galères de thune, de boulot, les cours… Aux Cours Florent, je me suis rendu compte qu’on était 900 en première année à vouloir faire ce métier! Avec des gens bien meilleurs que moi, plus cultivés! Alors il a fallu s’accrocher; moi, j’ai tenu à l’orgueil!

swissinfo: Comment a poussé, à Couvet, cette envie de comédie?

C.A.: Je crois que c’est à cause de la magie du cinéma, du spectacle. Mais quand on a une démarche de ‘fan’, on déchante très vite: en passant de l’autre côté du miroir, on se rend compte que les comédiens sont des gens normaux, avec leur mesquinerie, leur méchanceté, tout ça… Mais oui, même si c’est une expression bateau, c’est la «magie du spectacle» qui m’attirait.

J’avais des parents très cinéphiles. J’ai des souvenirs de films qui remontent à ma petite enfance à Lausanne. Ensuite, à Couvet, il y avait un cinéma, et pas grand-chose d’autre à faire. Avec mon frère, on était donc tout le temps fourrés là.

Et – psychologie à deux balles mais on s’en fout – mon père était tellement passionné de cinoche que je me suis peut-être dit que si je faisais ça, il allait me voir!

swissinfo: Cela a marché?

C.A.: Oui. Mais je me suis surtout rendu compte qu’il me voyait déjà très bien avant! (Rires)

swissinfo: Quand vous êtes arrivée à Paris, comment avez-vous vécu le syndrome du «petit Suisse»?

C.A.: Au début, c’est vrai, il y a les «ou bien», les «ça joue», les «septante»! On m’a beaucoup dit – et ça m’a beaucoup énervé : «T’es très cool pour une Suisse». Je demandais aux gens s’ils connaissaient d’autres Suisses, et ils me disaient non. Fin de la conversation.

Quand on sort de chez soi, on se rend compte du regard que les autres ont sur son pays. Et en même temps, maintenant que je vois la Suisse de l’extérieur, je comprends aussi pourquoi les gens ont ces à priori-là sur les Suisses… C’est assez intéressant.

Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, j’ai perdu mon accent, je dis «soixante-dix», et on me laisse tranquille! Remarquez, je suis toujours «la Suisse» de service. Mais en France, c’est plus facile d’être la Suisse de service que l’Arabe de service. C’est moins difficile à vivre, on me demande moins mes papiers!

swissinfo: Retour à Pénélope… Pénélope 1, Pénélope 2, puis bientôt le film; vous rentabilisez à fond! A quoi en êtes-vous avec le film?

C.A.: On est les Patrick Hernandez du théâtre! Notre but secret, je vous l’avoue, c’est de vivre toute notre vie sur une seule idée! Ce serait rentable.

On a fini d’écrire la première version du scénario du film. On s’est appliqué à écrire de vrais rôles pour les autres, de manière à ce que tout ne tourne pas autour de nous trois: on a aussi envie d’attraper de vrais bons acteurs! A trois, on est arrivé au bout du bout, je pense. C’est donc une façon de continuer à jouer ces personnages auxquels on est attaché, mais en ouvrant le truc.

swissinfo: Trois carrières ne se développent pas en parallèle. Comment vivez-vous les différences de parcours des unes et des autres?

C.A.: Il ne faut pas se mentir, ce n’est pas forcément facile. Mais une fois qu’on comprend comment fonctionne ce métier, c’est con de se fracasser pour ça. La question n’est pas que les gens soient bons ou pas bons, talentueux ou non. Surtout en France! Il y a aussi des coups de pot, des rencontres.

Juliette est passée par la télé, ce qui a un impact énorme. Moi, on ne me reconnaît pas dans la rue. On ne fait pas le rapport avec Pénélope. J’ai une image moins typée, c’est donc plus compliqué, cela va prendre plus de temps.

swissinfo: Vos relations restent-elles intactes ou cela crée-t-il des zones de non-dit?

C.A.: Ça laisse des zones de non-dit. Encore que nous, quand il y a un problème, on essaie de crever l’abcès. On met aussi des choses de côté: on arrive assez bien à cloisonner, sans trop s’en vouloir de ce qui nous arrive ou ne nous arrive pas. En même temps, c’est la vie: c’est comme les amis, comme un couple. Il peut y avoir de la chance, de la malchance, de l’envie, de la jalousie, puis la roue tourne… Oui, c’est comme ça, c’est la vie.

swissinfo: Quelles sont les échéances pour la film et la nouvelle pièce?

C.A.: La pièce – Inch’Allah, comme on dit chez nous – on l’espère pour la rentrée de 2009. Et le film… on n’en a aucune idée. Disons qu’il y a peu de chances qu’il se tourne avant l’été 2010.

swissinfo: Sinon, de grands rêves se promènent-ils dans votre tête?

C.A.: Il y a des gens avec qui j’aimerais travailler. Dans les grands rêves, je bosserais bien avec Spielberg et Tarantino, mais bon, à part ça, maintenant que je fais ce métier, je me dis simplement que si je peux faire ce métier toute ma vie, je serai bien heureuse. Quand je vois comment cela se danse, comment cela se fabrique et comment va le monde, si j’arrive à vivre du spectacle jusqu’à ma mort, je serai déjà chanceuse!

Interview swissinfo, Bernard Léchot à Paris

Christine Anglio est née à Lausanne. Lorsqu’elle a six ans, sa famille s’installe à Couvet, dans le Val-de-Travers (canton de Neuchâtel).

Scolarité, bac de lettres, petits jobs, dans le seul but de mettre suffisamment d’argent de côté pour monter à Paris… où elle part en 1994. Rêvant de devenir comédienne, elle suit le Cours Florent. Les petits jobs continuent (notamment serveuse dans le TGV).

Aux Cours Florent, Christine se lie d’amitié avec deux autres étudiantes: Corinne Puget et Juliette Arnaud. Ensemble, elles vont développer une histoire qu’elles vont présenter dès 1998 dans les cafés-théâtres parisiens: «Arrête de pleurer Pénélope».

Bouche à oreille aidant, la pièce triomphe dès 2002 au fameux «Café de la Gare». 752 représentations jusqu’en 2005!

En mars 2007, «Arrête de pleurer Pénélope 2», mis en scène par Michèle Bernier, débarque au Théâtre Fontaine, à Paris. Nouveau succès.

En 2008, Christine Anglio, Juliette Arnaud et Corinne Puget partagent la tête d’affiche de «Tu peux garder un secret?» d’Alexandre Arcady, avec également Pierre Arditi. Peu d’écho.

Une version cinématographique de «Arrête de pleurer Pénélope» est en cours de préparation.

Egalement au programme: une nouvelle pièce, écrite en collaboration avec Corinne Puget, peut-être pour la rentrée 2009.

Chloé, Pénélope et Léonie, trois jeunes femmes amies de longue date, se retrouvent à l’occasion de l’enterrement de vie de jeune fille de leur amie Lola. Chloé, qui se dit écrivain, est en réalité pigiste pour un magazine people. Léonie, femme active survoltée, est attachée de presse. Pénélope, éducatrice pour handicapée, de nature fragile, est l’archétype de la «victime».

Cinq ans ont passé, les trois copines ont passé le cap de la trentaine. Mais Léonie la «working girl» s’obstine à trouver la stabilité pour se rassurer, Chloé l’intellectuelle se pose toujours autant de questions sur l’amour et n’y comprend rien, et Pénélope l’ingénue est en proie à un terrible doute: a-t-elle vraiment tué son vieil amant Gérard?

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision