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Climage, solide comme un rock

Fernand Melgar, Alex Mayenfisch et Stéphane Goël dans les locaux de Climage à Lausanne. swissinfo.ch

Visions du Réel célèbre les 20 ans de Climage, un atelier de cinéastes lausannois issu de la révolution vidéo, avec une rétrospective et trois nouveaux films.

Décryptage d’une formule à succès, issue des mouvements de jeunes des années 80 et qui conjugue individualisme, collaboration et souplesse.

L’esprit rock’n’roll continue de souffler sur Climage. C’est en tous cas la conviction de Fernand Melgar, l’un de ses cinq piliers. Un rock tendance punk- new wave comme ceux qui faisait bouger Lausanne dans les années 80 quand Climage a démarré.

A cette époque, la capitale vaudoise vient de vivre – comme les autres grandes villes suisses – de grandes manifestations de jeunes réclamant un centre culturel autonome.

Mais une partie au moins de ces rebelles sans grandes causes cherche surtout à participer à la révolution technologique naissante marquée par les vidéo clips et les premiers ordinateurs personnels. Cette mutation est d’ailleurs chantée à longueur de pages par le magazine français Actuel, une référence à Lausanne également.

Les fondateurs de Climage baignent dans ce mouvement marqué par l’urgence de faire. Quitte à agir en rupture avec les circuits traditionnels. «Climage est d’abord un acte de rébellion contre le cinéma, une machine lourde et chère animée par un milieu fermé», souligne Stéphane Goël.

Une rébellion productiviste


Les apprentis vidéastes ont en effet dû affronter les sarcasmes du milieu cinématographique à l’encontre de la vidéo, fille de l’art expérimental, du rock et de la pub. «L’ethnologue et documentariste Jean Rouch affirmait à l’époque que la vidéo était le sida du cinéma», se souvient Fernand Melgar.

Les réalisateurs de Climage comprennent, eux, que cette technologie permet de faire des films sans gros budgets. «A l’époque, la maîtrise de la vidéo m’a permis de travailler tout de suite sur des pubs et des vidéos», ajoute, de son coté, Stéphane Goël.

Aujourd’hui encore, les associés peuvent démarrer un film sans avoir obtenu les fonds pour son financement.

Au fil des ans et des films réalisés et vendus, Climage s’est en effet équipé de tout le matériel nécessaire à la réalisation d’un sujet. Et ses associés ont appris à faire eux-mêmes les différentes étapes d’un film, un apprentissage sur le tas qu’ils revendiquent.

Individualistes associés


Les cinq associés de Climage partagent les contacts et les réseaux de chacun d’entre eux, mais pour le reste, les réalisateurs lausannois travaillent de manière indépendante, y compris dans la recherche des financements. Car Climage ne fonctionne pas comme une maison de production.

Bien que farouchement individualistes, les cinq associés partagent une même conception du cinéma.

«Dès le départ, on se demande où notre sujet peut être diffusé», relève Stéphane Goël. Mais ce souci d’efficacité n’empêche pas d’être exigeant et de faire des choix. «Climage produit des documentaires engagés dans le social, la culture et l’histoire», proclame ainsi le site web de l’association.

«Nous partageons un même soucis de qualité. Et nos documentaires ne s’interdisent pas d’afficher le point de vue de leur auteur», ajoute Fernand Melgar.

Pour autant, les partenaires de Climage ne versent pas dans le nombrilisme en vogue ces dernières années dans le milieu artistique. Comme en témoigne les trois nouveaux films sortis par les Lausannois.

«Exit» de Fernand Melgar plonge au cœur d’une association d’assistance au suicide pour les personnes en fin de vie. «L’Usine» d’Alex Mayenfisch raconte l’histoire d’une fabrique de textile helvétique – Iril – fermée en 2002.

Quant à Stéphane Goël, il part «Sur les traces des pharaons noirs» et croise le destin d’un vignerons genevois devenu archéologue et découvreur de plusieurs sites de la civilisation nubienne.

Un marché inondé


Ce film est d’ailleurs co-produit par la Télévision suisse romande (TSR). «Sans leur soutien, nombre de nos films n’auraient pu voir le jour», souligne Fernand Melgar.

Stéphane Goël – qui a le statut de réalisateur à la TSR – remarque, de son coté, que la concurrence est de plus en plus rude: «La TSR est inondée de propositions».

De fait, avec le développement de la vidéo digitale, la réalisation d’un film est pratiquement à la portée de toutes les bourses. Une révolution qui n’effraye pas les réalisateurs lausannois.

«Ce qui compte pour nous, conclut Fernand Melgar, c’est de pouvoir filmer une histoire, y mettre notre point de vue et trouver un public à qui la raconter.»

swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

La 11e édition du festival Visions du Réel, dédié au documentaire sous toutes ses formes, a lieu du 18 au 24 avril à Nyon
143 films de 31 pays y sont projetés.
17 films sont en compétition internationale, 25 concourent dans celle des premières œuvres.

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