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Le Brexit, une chance pour les universités suisses?

Les universités britanniques s'étaient clairement prononcées contre le Brexit, comme le montrent les résultats du vote à Oxford (70,3% pour rester dans l'UE) ou Cambridge (73,8%). Reuters

Menacée par les conséquences du Brexit, la communauté académique britannique souhaite intensifier les contacts avec la Suisse, les deux pays se retrouvant dans une position similaire face à l'Europe. Chance ou leurre?

Brexit ou 9 février: la communauté académique britannique se retrouve aujourd’hui dans une position similaire à celle de la Suisse au lendemain du vote sur l’immigration de masse en 2014. Les accords et la participation à de grands programmes de recherches européens, le financement de bourses et les échanges estudiantins sont menacés par la sortie programmée du Royaume-Uni de l’Union européenne.

125’500 étudiants provenant de pays de l’Union européenne étudient actuellement au Royaume-Uni, soit 5% des effectifs totaux. Les étudiants britanniques sont 1,83 million et les étudiants étrangers de pays non-européens quelque 312’000.


43’000 ressortissants de l’UE travaillent dans les universités britanniques, soit 15% du personnel académique


836 millions de livres (environ 1,08 milliard de francs suisses) de subventions et contrats de recherche de Bruxelles ont été perçus par les universités britanniques pour l’année 2014-2015.


200’000 étudiants britanniques ont pris part au programme d’échanges européens Erasmus à ce jour.

Un Brexit avec trois principales conséquences, selon Peter Scott, ancien vice-recteur de l’Université de Kingston, dans les colonnes du GuardianLien externe: une désunion du pays et par la même occasion du système d’éducation nationale, une baisse du budget des universités qui comptent sur les frais de scolarité des étudiants étrangers et une baisse inéluctable des fonds européens pour la recherche dans le pays, ainsi que des difficultés de recrutement des chercheurs.

Alors que les universitaires suisses avaient peu fait campagne sur les conséquences du 9 février, les recteurs britanniques de 103 institutions s’étaient eux fortement mobilisés, notamment dans une lettre ouverteLien externe relayée par la presse et les chercheurs avant le 23 juin. Les jeunes Britanniques se sont d’ailleurs rangés de leur côté puisque 75% des 18-24 ans ont voté «Remain» (rester), contre 40% des plus de 65 ans. Les communes d’Oxford et de Cambridge sont parmi celles à avoir voté le plus massivement pour rester dans l’UE: 70,3% à Oxford et 73,8% à Cambridge.

Déclarations britanniques pour la coopération

La Suisse pourrait-elle tirer profit de ce Brexit dans les négociations avec l’Union européenne? Les rapports entre les universités suisses et britanniques vont-elles de ce fait se renforcer?

«Nous sommes très intéressés à intensifier la coopération avec les universités suisses», déclarait dimanche dans la Schweiz am SonntagLien externe Michael Arthur, recteur de University College London, la plus vieille alma mater de la capitale britannique. «Nous allons saisir toutes les opportunités de travailler sur des projets communs», renchérissait pour sa part la vice-rectrice de l’Université d’Oxford Louise Richardson.

Malgré ces déclarations, les échanges restent encore informels aux dires du milieu académique suisse.

Martina Weiss, la secrétaire générale de Swissuniversities, la faîtière des universités et hautes écoles suisses, a indiqué lundi qu’elle n’avait pas reçu de demandes particulières émanant des établissements britanniques, se contentant de rappeler que les recteurs suisses entretiennent des contacts étroits avec leurs collègues de la European University Association.

«Flou total»

Même son de cloche du côté des universités romandes contactées par la RTS: l’Université de Lausanne, celle de Genève, tout comme l’EPFL n’ont pas été approchées officiellement mais les contacts informels entre professeurs vont bon train. La plupart des institutions romandes entretiennent déjà des relations bilatérales avec bon nombre d’universités d’outre-Manche qu’elles vont maintenir et tenter d’intensifier.

«Dans les relations avec l’Union européenne, pour la Suisse comme pour la Grande-Bretagne, on est dans le flou total, a indiqué à la RTS Pierre Willa, directeur des relations internationales de l’Université de Genève. On ne fait pas de plan sur la comète mais on ne peut qu’espérer que les échanges avec la Suisse soient plus faciles à développer si le Royaume-Uni est aussi exclu des programmes de recherches européens.»

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«Clairement, les meilleures universités en Europe sont des universités du Royaume-Uni, a relevé pour sa part dans le Journal du matin Dominique Arlettaz, recteur de l’Université de Lausanne et président de la chambre des hautes écoles de la faîtière Swissuniversities. Sans elles, tout serait extrêmement appauvri».

Selon lui, un «Britzerland» ne change rien. Si la Suisse et le Royaume-Uni ne font plus partie d’Horizon 2020, même en s’associant, cela ne résout pas le problème, explique-t-il. «Nos chercheurs veulent pouvoir se comparer à ceux des autres pays et participer à la compétition qui a lieu».

Une chance pour la Suisse, vraiment?

Avec neuf universités britanniques dans le top 100 des meilleures universités au monde selon le dernier classement de Shanghai 2015, il y a peu de chances pour que les Britanniques soient purement et simplement écartés d’importants projets de recherches européens.

Le Brexit serait-il donc une chance pour la Suisse? Le recteur de l’Université de Genève Yves Flückiger s’est dit plutôt pessimiste dans les colonnes de la Tribune de Genève vendredi. Selon lui, il accroîtrait au contraire le risque que la Suisse ne trouve pas de solution avant février 2017 pour continuer à participer au programme de recherche européen Horizon 2020, perdant ainsi au total des centaines de millions d’euros de financements. «Si des concessions doivent être faites, elle le seront avant tout pour le Royaume-Uni», a estimé l’économiste.

Si en Suisse comme au Royaume-Uni, le ton est plutôt morose, certaines voix s’élèvent toutefois contre ce pessimisme ambiant.

Dans le quotidien The GuardianLien externe, l’expert du monde académique Nick Hillman rappelle pour sas part que le monde académique s’est toujours moqué des frontières. Selon lui, même si les étudiants européens étaient moins nombreux, la perte financière pourrait être compensée par les taxes des autres étudiants étrangers. Et les accords bilatéraux entre instituts permettraient de maintenir le haut niveau de recherche scientifique.

Et de conclure: «Je reste optimiste. La communauté universitaire européenne est bien plus vieille que l’appartenance de la Grande-Bretagne à l’Union européenne. Le concept même de communauté académique date d’avant celui d’Etat moderne en Europe. Il a survécu aux guerres, aux dictatures et au rideau de fer. Il survivra aussi à cette petite difficulté».

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