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Comment prévenir la pédophilie au sein des ONG

Les ONG qui travaillent avec des enfants sont devenues des cibles privilégiées pour les pédophiles. Keystone / AP Photo / Sakchai Lalit

Pour lutter contre la présence de pédophiles au sein même des organisations non gouvernementales (ONG), Terre des Hommes a pris l'initiative cette année. Elle propose un Code de conduite international. Mais les réactions sont mitigées.

Bernard Boëton, responsable du secteur des Droits de l’enfant à Terre des Hommes l’affirme: «les ONG qui travaillent avec des enfants, sont devenues des cibles privilégiées pour les pédophiles.»

Et l’organisation, basée à Lausanne, en sait quelque chose. En 1997, elle découvre que le directeur de l’un de ses orphelinats en Ethiopie a commis des abus sexuels sur les enfants. Pire, l’organisation réalise que d’autres personnes engagées par la direction locale sont également impliquées.

Terre des Hommes prend alors des mesures internes. Mais ce sont les médias qui finiront par dévoiler l’affaire en 1999 seulement. Pour autant, l’organisation humanitaire ne tarde pas à prendre l’initiative en matière de lutte pour une meilleure protection de l’enfant.

En janvier 2000, elle convoque ses consœurs. Et leur présente un projet de «Code de conduite» visant à améliorer la prévention de la pédophilie au sein des organisations qui encadrent des enfants à l’étranger.

«L’objectif est de fournir aux ONG un maximum d’informations leur permettant d’identifier et de faire face aux situations à risque», explique Bernard Boëton. D’ici à la fin de l’année, tous les collaborateurs de Terre des Hommes suisse seront amenés à signer le texte. Et l’organisation se donne six mois pour obtenir l’adhésion de ses partenaires sur le terrain.

Mais Terre des Hommes veut aller plus loin. «En nous appuyant sur ce texte, nous souhaitons lancer une véritable campagne internationale de prévention de la pédophilie dans les ONG», décrète Bernard Boëton. En septembre, le texte a été adressé aux principales organisations concernées mais, à ce jour, aucune d’entre elles n’a encore ratifié le code proposé.

«Il est trop tôt pour faire le point», affirme Bernard Boëton. Certaines ont toutefois déjà fait connaître leur position. Ainsi, dans un courrier adressé à son homologue lausannoise, l’association française A.I.M.E.R, souligne que le projet «porte gravement atteinte aux droits de la personne suspectée et notamment à la présomption d’innocence.»

En effet, afin de soutenir les ONG dans leur procédure d’engagement du personnel, Terre des Hommes propose la création d’un Registre national de pédophiles. «L’objectif serait de permettre au ONG de vérifier rapidement si les candidats à un poste ont déjà été condamnés, s’ils font l’objet d’une investigation en cours ou d’une mise en examen», explique Bernard Boëton.

Et le responsable du secteur des Droits de l’enfant à Terre des Hommes de s’insurger. «C’est tout de même la moindre des choses lorsque l’on recrute dans un secteur aussi sensible.» La plupart des organisations humanitaires s’accordent à le dire: à l’heure où les lois européennes sont toujours plus dures, de nombreux pédophiles tentent d’infiltrer les organisations pour se faire envoyer à l’étranger.

«L’initiative lancée par Terre des Hommes répond véritablement à un besoin, confirme Hélène Sackstein, membre du programme de coordination pour un groupe d’ONG. Différents points, et notamment les aspects juridiques du texte présenté, devront certainement être négociés. Mais, à terme, les ONG ne pourront pas faire l’économie d’une telle démarche.»

D’autres organisations contactées se montrent toutefois plus réticentes. Certaines affirment ne pas être directement concernées. D’autres évoquent la difficulté de mettre en œuvre un tel projet au plan international.

Mais la crédibilité de l’ONG lausannoise ne manque pas non plus d’être remise en cause. «Terre des hommes a besoin de se refaire une image après l’affaire de pédophilie qui l’a directement éclaboussée», souligne la responsable d’une organisation internationale qui souhaite garder l’anonymat.

«La mise en place d’un code de conduite pour prévenir l’exploitation sexuelle n’est de loin pas une mauvaise idée», ajoute-t-elle. «Nous regrettons toutefois qu’elle émane d’une organisation qui a manqué de clarté lorsqu’il s’est agi de démasquer et de poursuivre ses propres membres.»

Vanda Janka


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