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Le turbulent bitcoin séduit des start-up en Suisse

Malgré les apparences, le bitcoin reste une monnaie virtuelle. Keystone

Quelques start-up bancaires ont décidé de miser sur le bitcoin, une monnaie virtuelle hautement volatile. Ces jeunes pousses voient dans les technologies utilisées pour faire fonctionner cette crypto-monnaie un avenir différent pour les devises et un nouveau marché pour la place financière suisse.

Lorsque la Banque nationale suisse (BNS) a supprimé le taux plancher du franc suisse face à l’euro et provoqué une envolée de la monnaie suisse, les partisans du bitcoin se sont répandus sur le net par des «Je te l’avais bien dit». Les médias traditionnels ont  pourtant majoritairement décrété la mort de la monnaie virtuelle après qu’elle ait perdu 400% de sa valeur depuis son apogée en novembre 2013 et son implication dans une série de scandales de sécurité. Mais depuis la décision de la BNS, les défenseurs de la monnaie numérique – ou crypto-monnaie en raison des méthodes de cryptographie sur lesquelles elle s’appuie – estiment qu’un système monétaire décentralisé est la voie à suivre.

Originaire d’Afrique du Sud, Johann Gevers vit maintenant en Suisse où il dirige une start-up appelée Monetas. Il se déclare très heureux que la BNS ait mit fin à une mesure qu’il considère comme insoutenable. Cette décision montre les limites d’un système où seules quelques personnes décident au sein d’une banque centrale, alors que la philosophie de son entreprise veut au contraire donner aux citoyens le contrôle de leur vie financière.

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Monetas est un système de paiement mondial qui permet de transférer n’importe quelle devise ou marchandise à une autre personne partout dans le monde via une application depuis son téléphone, sans autorité centrale contrôlant la transaction. Pour ce faire, il s’appuie sur la technologie qui gère les transactions en bitcoin. Son but ultime est de «démocratiser la finance».

Un cours insoutenable

Ces dernières années, Johann Gevers a cherché à attirer des partenaires dans l’oasis fiscale de Zoug. Et ce pour établir un pôle de start-up bancaires basées sur la crypto-monnaie. Parmi ces entreprises, nous trouvons Ethereum, qui a lancé sa propre monnaie virtuelle appelée «l’éther», une plate-forme pour les développeurs de systèmes autour de cette monnaie, ainsi que Bitcoin Suisse, un fournisseur de guichets automatiques bancaires pour les bitcoins.

Glossaire

Le bitcoin est une monnaie électronique décentralisée lancée en 2009 par le pseudonyme Satoshi Nakamoto. Elle est acceptée par des centaines de commerces en ligne, dont Amazon et Virgin.

La crypto-monnaie est une monnaie électronique qui utilise la cryptographie pour contrôler sa création et sa gestion.

Le registre des transactions (blockchain) est formé d’une suite de toutes les transactions effectuées.

«Il y a maintenant environ 15 entreprises qui font partie de la «Digital finance compliance association» que j’ai fondée l’année dernière et qui veut créer un cadre juridique favorable à la finance numérique», explique Johann Gevers.

A Neuchâtel, Adrien Treccani est également à pied d’œuvre avec trois sociétés liées au bitcoin pour lancer une une start-up: Bitcoin Factory. Doctorant en finance mathématique au Swiss Finance Institute, Adrien Treccani est à l’aise dans deux domaines: la culture start-up à haut risque entourant les crypto-monnaies et le monde financier suisse. «J’étais en faveur de la décision de la BNS et j’ai vu beaucoup de gens dans la communauté du bitcoin avoir le même sentiment, au contraire du monde de la finance. La communauté en faveur de la crypto-monnaie a une aversion pour les tricheries de la banque centrale en matière de monnaie.»

Johann Gevers voudrait aller plus loin en travaillant directement avec les banques centrales pour montrer «que le cours qu’ils ont suivi jusqu’à présent est tout simplement insoutenable et très dangereux pour le tissu social.» Pour commencer, l’un des objectifs de son entreprise est de parler aux banques centrales au sujet de l’utilisation du système Monetas et de la technologie des crypto-monnaies afin de trouver un système monétaire plus durable.

Une monnaie qui ne repose sur rien

L’ancien historien d’UBS Robert Vogler range cette idée dans la catégorie des “vœux pieux”. Il rappelle que l’engouement actuel pour les monnaies virtuelles trouve des échos dans l’histoire des crises financières. Il relève les théories de Silvio Gesell pour l’émission de monnaie à valeur constante, suite à une dépression en Argentine dans les années 1800, ou le système de monnaie indépendante WIR fondé en Suisse dans les années 1930, et qui continue d’exister comme monnaie électronique.

«Ces volontés de se retirer de la réalité sont devenues symptomatiques d’une croyance que vous pouvez éviter, de cette manière, certains risques du système actuel», estime Robert Vogler qui souligne, comme d’autres, que la volatilité de bitcoin met sérieusement en doute sa réussite future.

Et comme le relevait le professeur en finances et gestion de l’Université de Boston Zvi Bodie sur PBS aux Etats-Unis, une partie du problème avec le bitcoin, c’est qu’il n’est pas adossé ou garanti par une Etat, un tiers (comme une compagnie de carte de crédit) ou une entité indépendante précieuse (comme l’or): «Les bitcoins semblent n’avoir d’autre valeur que celle qu’y mettent un groupe d’experts numériques.»

Des perspectives en Suisse

Personne ne nie que le bitcoin soit volatil ou qu’il constitue un investissement à très haut risque, reconnait Adrien Treccani. C’est l’une des trois principales raisons qui l’empêchent de s’imposer, les deux autres étant son accessibilité et sa sécurité.

Contenu externe

Par rapport à l’utilisation d’autres méthodes de paiement comme les cartes de crédit,  le bitcoin reste un marché de niche. Selon le Financial Times, le système Bitcoin traite environ 100’000 transactions par jour, contre 150 millions pour Visa.

Mais Adrien Treccani souligne que la crypto-monnaie elle-même et le système dans laquelle elle fonctionne sont deux choses différentes: «Il faut séparer la monnaie bitcoin et sa technologie. C’est alors qu’il est possible de voir la valeur réelle de l’innovation sous-jacente.»

Cette innovation alimente les start-up comme celles de Zoug et de Neuchâtel. Une technologie qui, selon Adrien Treccani, intéresse plusieurs de ses collègues du secteur financier traditionnel: «Ils ne savent pas encore très bien pourquoi c’est utile ou différent du système actuel. Mais ils considèrent que le bitcoin est une prochaine étape crédible dans l’innovation financière.»

Récemment, le signe le plus sûr de l’intérêt croissant du monde financier traditionnel dans la crypto-monnaie est l’investissement de 75 millions de dollars par la Bourse de New York et d’autres partenaires dans Coinbase, le principal marché en ligne pour le commerce et le stockage du bitcoin.

Relevons également que le gouvernement suisse et la BNS ont publié l’année dernière un rapportLien externe sur la réglementation du bitcoin. Il définit le bitcoin comme un moyen de paiement comme toute autre monnaie et donne des lignes directrices pour les entreprises et les traders.

Selon Adrien Treccani, cela produit un environnement réglementaire plus clair pour la crypto-monnaie en Suisse, que dans les pays voisins ou aux États-Unis.

traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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