On peut toujours rêver, non?
Chaque année paraissent moult polars. Mais des polars suisses à 100%, c'est beaucoup plus rare... C'est pourtant le cas de «L'assassinat du président Bush» de Michel Bory.
Un roman policier dont l’action se déroule entièrement sur le territoire de la Confédération. Rolf Kesselring s’y est plongé.
Avec les ouvrages sur l’utopie et ce que l’on nomme généralement la science-fiction, la littérature policière, le roman noir ou le fantastique ont littéralement enchanté mon esprit et ceci depuis mon adolescence.
De Jules Vernes à Peter Cheney ou Fredric Brown, de Leroux à Chester Himes ou Frédéric Dard, j’ai dévoré des heures et des heures de crimes, d’enquêtes, d’aventures extraordinaires. À perte de pages, jusqu’au bout de mes nuits…
Alors vous comprendrez que lorsqu’un titre comme celui de l’ouvrage de Michel Bory, journaliste, me tombe sous les yeux, je craque… Pensez: «L’Assassinat du Président Bush»! Intéressant, non? J’adore rêver!
L’affaire commence en douceur, presque avec cette lenteur un peu pesante qu’on nous prête souvent, de l’autre côté de la frontière.
Deux flics au Comptoir suisse
L’inspecteur Alexandre Perrin de la Sûreté cantonale (la «secrète» comme disait mon grand-père) se dirige vers un rendez-vous que lui a donné son ami Hans Hugentobler, grand ponte de la «Bupo», cette mythique police fédérale, notre FBI à nous. Et, pesant, le Hugentobler l’est. Ses collaborateurs et ses amis ne l’ont-ils pas surnommé «Jumbo»?!
Donc, Alexandre Perrin, le cœur léger, se rend au Palais de Beaulieu, à Lausanne, pour retrouver Jumbo. Le rancard a été péremptoirement fixé par le flic fédéral au «Comptoir suisse».
Flics peut-être, nos deux héros, mais certainement épicuriens tous les deux. Un menu déroulant de petits coups de Saint-Saph’, de Calamin, de boucles de saucisses ou de rondelles de saucissons vaudois, en persuade rapidement le lecteur.
Tout de suite on sait que l’action se situe au début de l’automne. Le Comptoir suisse, ce salon agricole incontournable pour les citoyens helvétiques, cette grande foire régionale traditionnelle, s’inaugure toujours au début de l’automne.
On veut tuer Bush!
Et c’est dans ce cadre qu’Alexandre Perrin, sollicité par son ami Hans Hugentobler, va, d’une manière presque anodine, se retrouver au cœur d’une conspiration visant rien de moins que de tuer le Président des Etats-Unis d’Amérique!
Je suis presque certain que bien des auteurs avaient imaginé écrire un thriller sur ce thème tentant. Peu l’ont finalement fait, d’où l’intérêt de ce livre. Dès le début on se demande comment l’assassinat prévu peut se faire sur le territoire suisse. Qui sont donc les conspirateurs?
La question devient obsédante, lorsque Hans Hugentobler, le flic fédéral, demande à son ami Alexandre Perrin de lui obtenir des renseignements sur un drôle de type, docteur en médecine, presque savant fou, qu’il a naguère arrêté dans une histoire de secte et d’escroquerie à la cryogénisation. D’autant que le triste sire en question purge encore sa peine au pénitencier de Bellechasse, du côté de Chiètres.
Secte et cryogénisation
À partir de ce moment, l’intrigue se complique – se complexifie, comme diraient les technocrates européens! Informations, intoxication, puis désinformation, manipulations, l’auteur brouille les pistes.
Il y a toujours ce médecin, escroc, ancien sectaire, qui purge sa peine dans cette plaine à betteraves du côté les trois lacs. Terre noire et lourde, machination pesante et mystère entretenus, Perrin et Hugentobler semblent patauger dans une enquête aussi nouée qu’un nœud de vipères…
Une étrange bague est découverte au doigt du médecin marron. Il paraît que ce détenu modèle s’est mué en orfèvre habile par amour pour sa femme. Il en a fait deux, une pour elle et une autre pour lui.
On pense immédiatement aux techniques dont usaient les princes florentins, il y a une poignée de siècles. Étrange cadeau, proclamé par le prisonnier qu’interroge Perrin! D’autant que sa femme fréquente assidûment un juge d’instruction nommé Calame et qui, calamiteux magistrat, a fait partie, dans le temps, de la même secte que tout ce petit monde…
Réarmement moral et attentat
Que complote donc tout ce petit monde étrange et inquiétant? La nouvelle survient et permet à nos héros de faire le lien: le président Bush, en tournée, va faire une incursion à Caux… Caux, souvenez-vous! Caux, c’est là que se situe le célèbre ‘Réarmement Moral’ d’antan reconverti, depuis la déconfiture de ces ‘horribles athées communistes’, dans le prosélytisme religieux tout azimut.
De quoi attirer forcément le «croisé» locataire de la Maison Blanche, sans doute plus fanatique et aussi borné que les islamistes qu’il affirme vouloir combattre.
Jeu final
Nos limiers fédéraux et cantonaux sont sur les dents. Ils tombent sur un «Beck»!… En fait, c’est le nom d’un subalterne de Hans Hugentobler à la «Bupo». Flic psychorigide, limite paranoïaque, c’est finalement lui qui va mener le jeu final…
Georges W. Bush sera-t-il assassiné sur les hauteurs qui dominent le Léman, dans cet incroyable bâtiment baroque et kitsch? Ne comptez pas sur moi pour vous révéler le happy end de ce petit roman curieux, captivant et assez réussi.
swissinfo, Rolf Kesselring
«L’assassinat du président Bush» de Michel Bory.
Éditions Favre, collection polar/Favre.
Né en 1943 à Lausanne, Michel Bory commence sa carrière d’écrivain dans une cellule de Bochuz, où, condamné pour insoumission, il purge une peine de quatre mois de prison.
Radio reporter de formation, Michel Bory travaille pour la Radio suisse romande et fonde l’Association Films Plans-Fixes. Surtout, il écrit de nombreuses pièces radiophoniques et scéniques sous le pseudonyme de Léon Marjory ou sous son propre nom.Scénariste de cinéma, il réalise un long métrage, «L’année du renard», et une demi-douzaine de moyens-métrages.
Michel Bory se consacre aussi au roman policier avec «Les enquêtes de l’inspecteur Perrin».
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