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Décision de renvoi facilitée des requérants érythréens déboutés

Des Erythréens ont manifesté en mai à Berne contre le durcissement de la politique d'asile suisse (archives). KEYSTONE/PETER SCHNEIDER sda-ats

(Keystone-ATS) Le Tribunal administratif fédéral resserre la vis pour les requérants d’asile érythréens. Craindre d’être convoqué au service national en cas de retour au pays ne sera désormais plus un motif suffisant pour obtenir un titre de séjour.

Le Tribunal administratif fédéral (TAF) a statué, dans un jugement publié jeudi, sur la question de savoir si l’obligation pour tous les Erythréens et Erythréennes de faire le service national peut être comparée à du travail forcé.

La Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) interdisant le travail forcé, la Suisse n’a pas le droit de renvoyer un requérant d’asile vers un pays où il serait menacé d’un tel traitement. L’interdiction de renvoi ne vaut cependant que s’il y a un risque sérieux de violation flagrante de l’interdiction de travail forcé, argumente le TAF.

Certes, la Cour part du principe que le service national érythréen est assimilé à du travail forcé. Il peut s’étendre sur une période de cinq à dix ans, représente un poids démesuré et le processus de licenciement est peu clair. Sévices et abus sexuels y auraient également cours, écrit-elle.

Toutefois, il n’a pas été établi que sévices et abus étaient généralisés et que chaque participant était soumis à un risque sérieux de les subir. Il n’existe donc aucune violation nette de l’interdiction de travail forcé, assure le TAF. Bien que problématiques, les comportements lors du service national érythréen ne sont pas à ce point graves que l’exécution des renvois soit irrecevable, conclut la cour.

Au cas par cas

Dans une prise de position, le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) tient à souligner qu’il est étudié attentivement dans chaque cas individuel si le requérant d’asile encourt un risque de maltraitance en cas de convocation pour le service national.

S’il y a un risque concret, le renvoi est irrecevable et ne sera pas ordonné. Le SEM voit dans le jugement du TAF une confirmation de sa pratique actuelle.

Le tribunal s’est appuyé sur de nombreux rapports pour rendre son jugement sur la situation en Erythrée. Il en ressort qu’il est difficile d’obtenir des informations sur le service national, car le régime érythréen ne laisse aucune organisation étrangère des droits humains se rendre sur son sol.

Pas d’accord de réadmission

Le TAF avait déjà durci les conditions d’octroi de l’asile pour les requérants d’asile érythréens l’année passée. En janvier 2017, il avait estimé que le seul fait d’avoir quitté illégalement le pays ne suffisait plus.

En août 2017, le même tribunal avait jugé que les déserteurs ne risquaient pas de traitements inhumains et qu’il en allait de même pour les personnes se trouvant déjà depuis plusieurs années à l’étranger et ayant réglé leur situation dans leur Etat d’origine.

La Suisse ne peut pour le moment pas mener de renvois forcés vers l’Erythrée, car le pays ne reprend aucun de ses citoyens réfugiés. Et il n’y a aucun accord de réadmission.

L’Erythrée justifie la durée indéterminée du service national par une situation de “no war no peace” avec l’Ethiopie. Une situation qui s’est résolue ce mois avec l’annonce officielle de la fin de la guerre entre les deux pays.

(arrêt E-5022/2017 du 10.07.2018)

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