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Pas d’or noir pour la Banque nationale

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La Banque nationale suisse a notamment investit plus d'un milliard de francs dans le géant américain du pétrole Exxon. Keystone / Matt Slocum

Les activistes pour le climat ont remporté une première manche contre les instituts financiers qui investissent dans les énergies fossiles. Parmi les adversaires des écologistes, on ne trouve pas seulement des banques privées comme le Crédit Suisse, mais aussi la Banque nationale suisse (BNS).

La BNS a accumulé des réserves de devises de plus de 800 milliards de francs et compte aujourd’hui parmi les principaux investisseurs institutionnels dans le monde. L’institut d’émission contribue à la prospérité de la Suisse et de ses habitants non seulement grâce à sa politique monétaire, mais aussi grâce à ses milliards de bénéfices, dont une partie est versée chaque année à la Confédération et aux cantons. Reste que tout le monde n’est pas d’accord avec la manière dont la BNS génère ses bénéfices.

Plus de 100’000 personnes ont par exemple signé une initiative populaireLien externe qui veut interdire à la BNS et aux caisses de pension d’investir dans des entreprises qui produisent du matériel de guerre. Pour les activistes du climat, c’est en revanche sa participation au marché des énergies fossiles qui est problématique. L’hebdomadaire économique HandelszeitungLien externe rappelle que la BNS investit dans les plus grandes entreprises pétrolières du monde. Par exemple, plus d’un milliard de francs dans la seule compagnie américaine ExxonMobil.

La BNS est d’une certaine manière «responsable des dommages causés par le réchauffement global», estime Alliance Climatique SuisseLien externe. Selon une étude publiée en 2018, les émissions résultant des investissements de la BNS dépassent les émissions annuelles de la Suisse.

«La politique climatique n’est pas notre tâche»

La priorité de la BNS est de garantir la stabilité des prix et «la politique climatique ne fait pas partie de nos tâches», a réagiLien externe Andréa Maechler, membre de la direction de la BNS, dans une interview accordée à la télévision alémanique SRF. L’ancien président de l’Association suisse des banquiers (ASB) Patrick Odier estime également que la BNS n’a pas pour mission de montrer l’exemple en matière de durabilité.

Ce dernier rappelle que la BNS a adhéré l’an dernier au Réseau pour le verdissement du système financierLien externe, un réseau de banques centrales et d’autorités de surveillance qui vise à la durabilité environnementale de la finance et à l’application de l’Accord de Paris sur le climat. Mais comme le précise un porte-parole de la BNS, l’adhésion à ce réseau a pour but de faciliter l’échange d’expériences entre les banques centrales, mais n’implique pas un changement dans leur politique d’investissement.

Une inversion de tendance que les activistes pour le climat et les parlementaires verts du Parlement fédéral ont en revanche à tout prix l’intention d’obtenir.

Liste noire de banques «sales»

«Les émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre de la place financière suisse doivent être réduites à zéro d’ici 2030. Il faut mettre fin aux financements, investissements et activités d’assurance qui concernent les énergies fossiles», exige le mouvement des grévistes pour le climat (ClimatstrikeLien externe). Les instituts financiers qui ne satisferont pas à cette demande seront placés sur une liste noire.

Dans leur bataille contre les géants de la finance qui investissent dans l’or noir, les activistes ont obtenu cette semaine une première victoire significative. Lundi, un tribunal a acquitté les douze personnes qui avaient occupé une filiale du Crédit Suisse à Lausanne. Ces jeunes activistes avaient mis en scène une partie de tennis, afin de dénoncer le fait que la grande banque tire profit de l’image de Roger Federer, dont elle est l’un des principaux sponsors, mais qu’elle investit en même temps dans des entreprises qui portent préjudice au climat.

Désinvestir du pétrole? Une erreur

Le directeur de l’ASB Jörg Gasser est aussi d’avis qu’à long terme, les banques ne devraient plus financer les entreprises qui émettent beaucoup de CO2. Dans une interview à nau.chLien externe, il avertit cependant qu’un changement soudain n’est pas réaliste, car il aurait des conséquences négatives pour l’ensemble de l’économie.

De son côté, l’ancien vice-président de la BNS Jean-Pierre Danthine a indiquéLien externe sur les ondes de la radio publique romande RTS que le secteur bancaire était en train de faire une «conversion incroyable» vers des investissements durables. Par ailleurs, désinvestir des entreprises pétrolières est selon lui une stratégie erronée. Il est plus efficace de rester propriétaire d’une entreprise et d’intervenir dans les assemblées générales, par exemple pour empêcher l’ouverture de nouveaux puits de pétrole ou de mines de charbon.

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C’est d’ailleurs une stratégie suivie par un groupe d’actionnaires de la banque anglaise Barclays, comme l’a relatéLien externe le quotidien romand Le Temps. Ils ont déposé une résolution demandant à l’institution de renoncer à financer des entreprises actives dans le secteur de l’énergie qui ne respectent pas l’Accord de Paris.

Les écologistes affûtent leurs armes au Parlement

La lutte contre les banques accusées d’accélérer le changement climatique a aussi atteint le Parlement fédéral. Quatre nouveaux députés écologistes du Conseil national ont déposé des postulats pour une finance durable. La sénatrice écologiste Adèle Thorens Goumaz indique pour sa part qu’elle présentera prochainement deux postulats qui porteront plus spécifiquement sur les investissements de la BNS.

Il y a un peu plus d’un an, le Parlement avait rejeté une initiative parlementaire d’Adèle Thorens Goumaz qui demandait à la BNS d’agir pas seulement au nom des intérêts économiques de la Suisse, mais également du développement durable. Le Parlement comme le gouvernement était toutefois d’avis qu’il n’est pas opportun d’adapter les bases légales de la politique des investissements de la BNS aux objectifs de politique climatique de l’Accord de Paris.

Interdit d’investir dans les énergies fossiles?

La loi actuelle oblige implicitement les acteurs des marchés financiers à prendre en compte les dangers du changement climatique. Les prestataires de services financiers sont tenus d’évaluer ces menaces dans le cadre de la clarification des risques et de l’information des clients. En revanche, ils ne sont pas obligés d’inclure les effets de leurs décisions d’investissement et de financement sur le climat dans leur processus d’investissement et de conseil. Telle est la conclusion d’une expertise juridique commandée par la Confédération et publiée sur le site Internet de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV).

Sur la base de ce document, Alliance Climatique Suisse affirme que les investissements dans l’économie fossile sont illégaux. Cependant, ce n’est pas correct, réplique l’OFEV, en soulignant que le fait que les opérateurs doivent prendre en compte les risques ne signifie pas qu’ils ne doivent pas les prendre complètement.

Cependant, la situation pourrait changer. Le gouvernement suisse a chargé l’administration d’examiner la nécessité de mesures réglementaires en matière de transparence et d’analyse des risques. Un nouveau rapport contenant des propositions sera présenté au printemps.

Source: ATS

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(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)

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