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Dans l’antre du Gothard, avant la percée finale

Heinz Ehrbar (à gauche) et Jens Classen montrent la tête du tunnelier d’Alptransit. Gerhard Lob

Le chantier du nouveau tunnel du Gothard attaque ses dernières centaines de mètres. swissinfo.ch a pu visiter les lieux, jusqu’à la tête du tunnelier, pendant les travaux de maintenance. Reportage.

Mi-août à Faido: ciel bleu ensoleillé. Malgré les vacances de la construction, les bureaux du village de containers sont occupés. Des ouvriers en salopette verte de l’entreprise Herrenknecht sont en train de remettre à neuf le tunnelier de quelque… 440 mètres.

Il manque encore 717 mètres au tube Est jusqu’à la frontière entre la section de Faido et de Sedrun, soit jusqu’au percement final, prévu le 15 octobre, du futur plus long tunnel du monde, avec ses 57 kilomètres.

Une cathédrale souterraine

Les visiteurs doivent s’équiper des protections habituelles pour visiter le chantier. A une différence près: ici, il faut en outre porter un sac à dos de survie, qui fournira de l’oxygène en cas d’urgence.

Pour pénétrer dans le tunnel, on parcourt en minibus 2,7 km sur une pente de 12%. On arrive au Centre multifonctionnel (MFS), sorte de cathédrale souterraine.

C’est un véritable labyrinthe, avec des aiguillages, des arrêts d’urgence, des espaces techniques pour la gestion ferroviaire et des installations d’aération. L’air est plus chaud. Sur les murs, des graffitis souhaitent bonne chance. Il y a même la statue de Sainte Barbe, patronne des mineurs.

Un trajet sans fin

C’est là que les ouvriers montent dans le train du tunnel. Il faut environ cinquante minutes pour parcourir les quelque 10 kilomètres menant au fond du tunnel en direction de Sedrun.

Il fait de plus en plus chaud, car le refroidissement du tunnel n’est possible qu’à l’avant, là où la roche est creusée. Des fenêtres grillagées (non vitrées) laissent entrer un peu d’air. Les passagers ont des bouchons de protection dans les oreilles car le vacarme est infernal.

Comme on ne peut rien faire, le temps passe très lentement. On aperçoit des graffitis le long des parois, genre: «Tunnel of love».

Un heureux hasard

Le bruit n’empêche heureusement pas toute conversation. Heinz Ehrbar, directeur de la construction du tunnel et du tracé chez Alptransit Gotthard AG, ne cache pas sa fierté: «On n’a qu’une fois dans la vie une chance pareille, et encore, avec de la chance!»

Selon Heinz Ehrbar, le soutien de la population est important pour Alptransit, ce qui n’est pas le cas pour tous les grands projets, comme le tracé Turin-Lyon par exemple.

Il faut parcourir les derniers mètres à pied. L’eau ruisselle sur les parois. Il y a de la boue. Le tunnelier a été retiré de 20 mètres pour permettre les travaux de maintenance.

La fraîcheur après la chaleur

Nous grimpons sur le côté pour avancer et nous nous retrouvons à l’endroit le plus avancé des travaux, au cœur du tube Est. On est face à un mur de roche de gneiss lamellé. La roche et l’eau atteignent 43 degrés. Mais les prescriptions obligent à rafraîchir l’endroit à 28 degrés.

Mieux vaut ne pas trop penser aux plus de 2000 mètres de roches et de pierres qui sont au-dessus de nous. C’est la plus forte densité de tout le projet. La fraise, à l’avant du tunnelier, a un diamètre de 9 m 40.

La révision a été rendue nécessaire par les travaux de ces derniers mois. «Nous avons dû percer du granit très dur, explique Jens Classen, du consortium TAT (Tunnel Alptransit Ticino). La machine est très usée.»

«Escalader les derniers mètres»

Certaines pièces de la machine sont marquées en rouge. Les ouvriers de Herrenknecht sont en train de souder des pièces. Le travail en continu est effectué par cinq hommes par période de travail.

«Après la révision, nous pourrons franchir les 700 derniers mètres, en tout cas c’est ce que nous espérons, explique Jens Classen. Pour autant que la géologie nous soit favorable, bien sûr…»

Le tunnelier avance au rythme de 6 tours par minute, 19 heures par jour de travail. A chaque fois, il faut cinq heures de maintenance.

L’émotion des personnes présentes est palpable, y compris chez le patron d’Alptransit, Renzo Simoni. «Nous nous sentons comme les alpinistes au camp de base avant d’entamer l’escalade du sommet.»

Gerhard Lob, Faido, swissinfo.ch
(Traduction de l’allemand: Ariane Gigon)

Le tunnelier est remis en service après des travaux de maintenance. Il lui reste 717 mètres jusqu’à la frontière entre les sections de Faido et de Sedrun.

Pour Alptransit, c’est une course contre la montre. Il faut percer en moyenne 13m30 par jour durant les 54 jours de travail qui restent avant l’échéance du 15 octobre.

Pour les mineurs, le jour du percement n’est pas aussi important que pour les politiciens.

Il serait très compliqué de repousser la célébration: des centaines d’invitations ont été envoyées en Suisse et à l’étranger, le percement sera retransmis en direct pour la Conférence des ministres des transports européens à Luxembourg et à Gênes.

La radio et la TV se préparent à des heures d’émission en direct.

Seuls une centaine d’invités auront accès à l’endroit du percement. Du côté de Sedrun, ils seront acheminés par un tube latéral.

Le conseiller fédéral Moritz Leuenberger s’est vu recommander une prière à Sainte Barbe, patronne des mineurs, pour conjurer tout mauvais tour de la géologie…

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