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De l’art de brouiller des images vidéos

Cette image de la police montre un voleur de bagages à l'aéroport de Zurich. Keystone

Les «start-up high tech» se multiplient. A Montreux, Emitall propose un système de vidéosurveillance avec brouillage qui respecte la sphère privée.

La Suisse semble en passe de devenir un centre mondial dans le domaine des techniques de pointe en matière de sécurité et de surveillance.

Dans le domaine strictement réglementé de la vidéosurveillance, la société Emitall Surveillance a été créée en juillet à Montreux. Son produit-phare est un logiciel développé à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) par le professeur Touradj Ebrahimi, qui permet de brouiller sélectivement l’image des personnes sur les prises de vues.

«Le brouillage (scrambling) est appliqué aux régions d’intérêt correspondant aux êtres humains: ainsi les gens ne peuvent pas être reconnus, alors que le reste de la scène est clair », explique Virginie Carniel, directrice d’Emitall Surveillance.

«En cas d’acte terroriste ou de n’importe quel délit, une clé de décryptage, détenue par les autorités compétentes, un juge par exemple, permet de supprimer le brouillage afin que la police puisse utiliser les images qui, une fois décryptées, sont d’une excellente définition.»

La Suisse à la pointe

Emitall Surveillance rejoint une kyrielle d’entreprises actives dans le domaine en Suisse, ou l’environnement est favorable. Il y a l’EPFL et son laboratoire de sécurité et de cryptographie ainsi que son équivalent de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich. Il y a aussi le Centre suisse d’électronique et de microtechnique à Neuchâtel, le département de physique quantique de l’Université de Genève ou encore l’institut de recherche IDIAP à Martigny (Valais).

Et nombre de chercheurs issus de ces laboratoires ont créé leur start-up ou leur spin-off. En Suisse romande, Le Temps en a recensé une bonne douzaine. Il y a bien sûr le vaudois Kudelski, leader mondial des systèmes numériques d’accès sécurisés.

Mais aussi, à Genève, Ilion, spécialiste de la sécurité des systèmes informatiques. Ou Wisekey, active dans la signature électronique et partenaire de Microsoft. Et puis Id Quantique, spécialisée dans la sécurisation des transferts d’informations.

Ou encore Surveillance Consulting Group, championne du brouillage des ondes utilisé contre les bombes et le terrorisme. Et puis A4vision, spécialiste de la reconnaissance faciale en 3 dimensions.

Dans le canton de Vaud, il y a Alp-Vision, qui protège les documents contre les contrefaçons. Ou Sokymat, leader mondial des marqueurs à identification par radiofréquence.

La solution miracle?

Dans la vidéosurveillance, il y avait déjà VisioWave à Ecublens, également issue des laboratoires de l’EPFL et vendue récemment à l’américain General Electric.

Les métros de New York, Paris et Londres sont équipé de ses logiciels «intelligents» qui permettent de repérer des comportements anormaux ou des bagages suspects et d’alerter la surveillance.

L’intérêt du produit d’Emitall Surveillance est qu’il vise à apporter la solution au problème posé par la législation sur la protection des données. Virginie Carniel estime par exemple que ce logiciel permet d’allonger le délai de 24 heures de durée de vie des images imposée par la loi, ce qui ne peut que profiter à certaines enquêtes.

Plusieurs communes romandes qui cherchent à lutter contre le vandalisme se heurtent à ces restrictions de l’utilisation de caméras aux espaces privés (centres commerciaux, banques), à la police et aux gares.

«Notre technologie pourrait être un atout majeur au niveau politique, pour faire accepter le développement de la vidéosurveillance dans tous les lieux publics», déclare Virginie Carniel à swissinfo.

Qu’en est-il de la protection des données? Le préposé suppléant est plutôt positif. «Si on n’a pas d’autre moyen que la vidéosurveillance pour lutter contre l’insécurité, le système d’Emitall permet de le faire sans atteinte grave à la vie privée. C’est particulièrement intéressant pour les plus petites communes où tout le monde se connaît», indique Jean Philippe Walter à swissinfo.

Contrôler les surveillants

Francisco Klauser, spécialiste de l’Université de Fribourg, reste prudent. «Il existe déjà toutes sortes de gadgets pour limiter les capacités des caméras. Or le problème n’est pas dans le système mais dans le contrôle de l’usage qui est fait des images», a-t-il expliqué à swissinfo.

Emitall répond que seul un juge peut autoriser le «débrouillage» des images. «La sécurité absolue n’existe pas, même pas pour les banques. Mais le niveau de sécurisation de la clé d’encryptage est égal justement à celui des banques, ce qui est déjà considérable.»

Professeur de droit à l’Université de Berne, Markus Müller estime que les conditions sont remplies. «A première vue, le produit d’Emitall ne pose pas de problème car il repose sur une base légale qui définit des critères pour décoder ces images. Cela suffit pour éviter une atteinte grave aux droits de la personne», estime le juriste bernois.

Pour l’instant, Emitall est en négociation avec des clients suisses mais cherche bien sûr à conquérir sa place sur un marché international fortement sollicité, en ces temps de forte demande sécuritaire.

La start-up sera bien sûr présente à la Conférence internationale sur la protection des données qui se tient du 12 au 14 septembre dans sa ville de Montreux.

swissinfo, Isabelle Eichenberger

La Suisse accueille à Montreux du 14 au 16 septembre la Conférence internationale sur la protection des données.
Cette 27e édition accueille plus de 300 participants de 40 pays, représentant les autorités compétentes, des représentants du monde économique, des ONG, des scientifiques.
Il y aurait 40’000 caméras de surveillance en Suisse.
Cela correspond à environ une caméra pour 180 habitants alors qu’à Londres, il y en a une pour 14 habitants.
La seule Suisse romande compte une douzaine d’entreprises spécialisées dans la sécurité high-tech.

– Il n’existe pas en Suisse de loi fédérale ou cantonale sur la vidéosurveillance, mais certains cantons sont en train d’y travailler.
– Pour l’instant, des privés – comme les parkings, les centres commerciaux ou les gares – sont autorisés d’installer des caméras.
– La police peut filmer le trafic mais ne peut utiliser les images qu’avec l’autorisation d’un juge.

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