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Une force venue du centre

Claude Longchamp devant le palais fédéral
swissinfo.ch

Le Parti vert’libéral (PVL)a enregistré de beaux gains à Zurich. Il a également du potentiel au niveau national. Pas comme grand triomphateur, mais en tant que force d’appoint capable de faire pencher la balance.

Le baromètre des préoccupations dresse chaque année la liste des institutions qui jouissent de la confiance des Suisses – et de celles pour lesquelles ils en ont moins. En 2018, ils ont plébiscité le Tribunal fédéral, la police, l’armée et la Banque nationale. Ils sont plus tièdes à l’égard du Conseil fédéral, du Conseil des États et du Conseil national, mais ici le taux de confiance est resté stable. En revanche, il s’est véritablement effondré pour les partis politiques. Au début de la législature, plus de la moitié des électeurs leur faisaient encore confiance. Maintenant, ils sont moins de 40% à le faire.

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Le manque de coopération entre les partis gouvernementaux

Ma thèse est aujourd’hui la suivante: les partis représentés au Conseil fédéral obtiennent un si mauvais résultat parce qu’ils ne coopèrent pas. Pour le PS et l’UDC, c’est une tradition. Mais depuis quelques années, le PLR et le PDC rompent aussi les ponts qui les liaient. Après les blocages des réformes de la fiscalité et des retraites, mais également dans la politique européenne et celle du climat, il a fallu la grève et le tollé des écoliers pour que la Suisse réalise combien elle s’est figée.

Une victoire électorale exemplaire venue du centre

Pour analyser les récentes évolutions, on parle de vague verte, de virage à gauche et de montée des femmes. Mais il n’y a pas eu beaucoup de discussions autour du fait que le grand vainqueur des élections dans le canton de Zurich venait du centre de l’échiquier politique. Pourtant, il ne s’agissait pas de ce PDC qui se démène depuis un bon moment pour inverser la tendance. Non, ce sont les Verts’libéraux qui ont progressé d’un seul coup de 5,3 points.


UDC: Union démocratique du centre (droite conservatrice)

PS: Parti socialiste suisse (gauche)

PLR: Parti libéral-radical (droite libérale)

PDC: Parti démocrate-chrétien (centre droite)

PES: Les Verts ou Parti écologiste suisse (gauche)

PVL: Parti vert’libéral (centre)

PBD: Parti bourgeois-démocratique (centre)

JS: Jeunesse socialiste suisse (gauche)

La formule magique pour remporter des élections semble être la combinaison entre économie de marché libérale et politique durable que l’on trouve dans le programme du PVL. Avec 13% des voix, les Vert’libéraux ont conforté après douze ans d’existence seulement leur position comme 4e force politique du canton. Derrière les partis traditionnels UDC, PS et PLR, mais devant les Verts.

Particularités cantonales contre tendances nationales

En simplifiant, on peut dire que le PVL a profité dans le canton de Zurich de la faiblesse des grands partis. La vague disruptive déclenchée par la controverse sur le climat a remis en question leurs modèles traditionnels. Elle a frappé de plein fouet l’UDC, un parti sceptique sur le climat, et dans une moindre mesure le PLR, en proie à des divisions sur la question du CO2.

+ Quatre partis en pole position pour les élections fédérales

Mais si cette explication était suffisante, les Vert’libéraux auraient dû progresser lors de toutes les élections cantonales qui se sont déroulées depuis. Cela n’a pas été le cas. À Lucerne, leurs gains ont été inférieurs à ceux des Verts, alors qu’au Tessin et à Bâle-Campagne ils n’ont même pas gagné de sièges.

Qu’apporteront les élections de l’automne?

C’est pourquoi les augures politiques doutent que les résultats zurichois se répètent cet automne au niveau fédéral. Sur la base des résultats de toutes les élections cantonales et des sondages nationaux, une progression du PLV de 1,5 point paraît vraisemblable. Elle lui permettrait de gagner trois sièges supplémentaires au Conseil national qui s’ajouteraient aux sept qu’il occupe déjà. Cette projection correspond presque exactement à l’objectif que le parti s’est fixé.

Claude Longchamp est l’un des politologues et des analystes de la vie politique les plus expérimentés et renommés de Suisse.

Il a été le fondateur de l’institut de recherche gfs.bernLien externe dont il est resté le directeur jusqu’à sa retraite et dont il préside encore le Conseil d’administration. Claude Longchamp a analysé pendant 30 ans les votations et les élections suisses à la télévision publique alémanique SRF.

Pour swissinfo et sa plateforme pour la démocratie directe #DearDemocracy, il écrit chaque mois une chronique consacrée aux élections fédérales de 2019.

Politologue et historien, il est également l’auteur de deux blogs: zoonpoliticonLien externe, consacré aux études politiques, et StadtwandererLien externe, consacré à l’histoire.

Il est cependant certain que le PLV ne surmontera pas de sa véritable faiblesse: il n’est pas du tout représenté au Conseil des États. Et on ne trouve actuellement pas dans ses rangs de candidat qui semble capable de remédier à cette situation. Le parti n’a pas non plus le moindre représentant dans les gouvernements cantonaux du pays.

Nouvelle dynamique dans le pluralisme polarisé du paysage politique suisse

Ces faiblesses résultent des particularités actuelles du paysage politique suisse, un paysage que les politologues décrivent comme pluraliste et polarisé. Les différents partis du système remplissent bien toutes les niches mais il n’est pas assez mobile.

La seule véritable tendance de ces 20 dernières années a été l’accroissement des divisions idéologiques en raison de la progression des pôles. Il est souvent difficile de trouver un centre qui la compense.

Au Conseil national, la droite dispose depuis 2015 d’une majorité arithmétique qui se compose de l’UDC et du PLR. C’est le contraire au Conseil des États avec l’alliance toujours possible entre le PS et le PDC.

Ces deux majorités pourraient bien disparaître après les prochaines élections. Les théoriciens du système estiment même que cela serait préférable. Parce que la théorie politique veut que le pluralisme polarisé ne puisse fonctionner que tant qu’il existe un centre en mesure de gouverner.

Dans ce cas, deux variantes sont envisageables dans le prochain Parlement:

Soit le PLR et le PDC recommencent à coopérer de manière régulière et forment à partir du Conseil des États des alliances prêtes au compromis. Ou alors la polarisation prend le pas au Conseil national et les Vert’libéraux deviennent la force d’appoint qui fait pencher la balance et permet de forger des majorités au-delà des blocs. La gauche trouverait ainsi une majorité sur le climat et la droite sur la réforme de la prévoyance vieillesse.


Traduit de l’allemand par Olivier Hüther

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