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Depardieu livre un poil de Gérard à Locarno

«Je me suis gentiment éloigné de la connerie, même si j’ai souvent été très con!» © Festival del film Locarno

Cabot, enfilant les anecdotes, content de «s’offrir» quelques pontes du milieu du cinéma, Depardieu était l’autre star à Locarno cette année, après Harrison Ford. C’était mercredi à la mi-journée, dans le cadre de l’hommage rendu au duo formé avec Maurice Pialat.

«La générosité de Depardieu. Le flair d’aller dans toutes les directions, de Truffaut à Zidi. Depardieu a apporté une nouvelle façon de jouer, par sa présence, mais aussi sa voix, une des plus belles du cinéma».

En léger décalage avec Olivier Père, directeur artistique de Locarno, Depardieu se voit, lui, comme «un mec sensible», qui a eu beaucoup de mal après s’être fait virer de l’Eglise et de l’école. «J’ai dû attendre 55 ans pour me rendre compte de la chance que j’avais. Vivre, tout simplement».

A Locarno, l’acteur a confié avoir été musulman pendant deux ans. Il a surtout eu la chance d’avoir des parents qui s’aimaient, même s’ils sont morts jeunes. «Rien ne m’est tombé dans la main naturellement. Mais je ne me suis pas rendu compte du travail que j’abattais, car j’aimais ça».

Au stade où il en est, Depardieu, très porté sur le deuxième degré, constate que la vie lui a appris beaucoup plus que les gens. «Je me suis gentiment éloigné de la connerie, même si j’ai souvent été très con!»

Mal entamée

Après la Piazza Grande la veille, l’événement avait donc lieu mardi à la mi-journée, sur un podium ombragé, autour de la collaboration Pialat-Depardieu. Face à des dizaines de festivaliers découvrant leur côté midinette, Olivier Père, Sylvie Pialat, productrice et veuve du réalisateur, et Depardieu, costume de lin clair, chemise bleu-ciel, cheveux longs et poids inconnu.

Au départ, avec Pialat, la collaboration avait mal commencé, rappelle Olivier Père. Depardieu ayant préféré tourner dans Les Valseuses plutôt que pour lui. «Pialat était le plus discret, mais aussi le plus poète de tous, raconte Depardieu. Un homme hors clans. J’étais hors clans aussi, mais un peu plus con».

«Je ne prenais pas les gens du métier au sérieux. A part Pialat, le seul ouvrier du spectacle. Les autres étaient un peu dans le bluff», assure l’acteur, qui appréciait aussi le travail de Resnais, bien sûr. «Mais c’était déjà un boy scout, comme maintenant. Il ne mangeait rien. Une pomme. En faisant un bruit terrible. Humainement, c’était difficile!»

Sur Loulou, leur première collaboration, Pialat-Depardieu étaient toujours brouillés. «Moi, la prétention, lui, la rancune.» Réconciliés lors d’un dîner organisé par Daniel Toscan du Plantier, ils tourneront ensuite Police.

Qualité d’amour

Depardieu, qui rebaptise internet «boîte à porno» et vante les festivals qui rendent leur magie aux images, rappelle que Pialat laissait le temps à la musique, aux histoires. Dans ses films, «il y a une qualité d’amour difficile à retrouver aujourd’hui. Dans le cinéma japonais. Ou dans certains très beaux films présentés chez Redford, à Sundance.»

C’est avec Sous le soleil de Satan que le duo Pialat-Depardieu a fait le plus de bruit. Depardieu, qui reconnait ne pas être parvenu à mincir pour le rôle et avoir rechigné devant la tonsure, y incarne un abbé mortifère accédant à la sainteté.

«La force du dialogue, dans Satan, ça s’est fait naturellement. Ça ne s’interprète pas, ça se vit», dit l’acteur, qui ne quittait plus sa soutane, même pour préparer les martinis. «On s’arrêtait de temps en temps, car c’est lourd, la grâce! Parfois, on était vidés. Alors on se remplissait de grenouilles au beurre.»

Si, dans Loulou, Depardieu incarne l’autre, celui qui vient draguer, dans leur dernier film tourné ensemble, intitulé Le Garçu, Depardieu est Pialat. Le père qui voit grandir son petit garçon.

«On n’aimait pas trop Sophie Marceau, car on savait qu’elle allait trahir l’amour, se rappelle l’acteur. Pialat s’est toujours senti trahi. Il avait un tempérament très difficile, comme Marguerite Duras.»

Le vin, l’Italie, le lac

Avant de signer quelques autographes puis de s’esquiver, Depardieu a encore répondu à deux ou trois questions du public. Sur le vin, la cuisine, qu’il affectionne régionale plutôt qu’internationale. Sur l’Italie aussi, et ces gens «qui n’ont pas perdu les valeurs de la nature et de la famille».

«J’aime particulièrement les Pouilles, c’est un lieu où il y a des sorties de secours. Vers la Grèce, l’Albanie. J’ai besoin de sorties de secours. Ce n’est pas le lac. Le lac, c’est le romantisme. C’est lourd. Il faut énormément de courage pour ne pas en sortir avec beaucoup de mélancolie.»

Star par excellence du cinéma français, il est né dans une famille d’ouvriers en 1948. Après avoir fait les quatre cents coups dans la rue et vécu de petits boulots, il monte à Paris prendre des cours de théâtre.

Au début des années 70, Michel Audiard lui propose un petit rôle, et en 1974, il éclate dans Les Valseuses, de Bertrand Blier, avec Patrick Dewaere et Miou-Miou.

Il tourne entre autre avec Truffaut, Resnais, Godard, Bertolucci et, justement Pialat. Il obtient un prix d’interprétation masculine à la Mostra de Venise en 1985 pour son rôle dans Sous le soleil de Satan.

Depardieu joue aussi Martin Guerre, Cyrano, Rodin, Christophe Colomb, Marin Marais, D’Artagnan, Obélix… A ce jour, il a tourné plus de 150 films et participé à de nombreuses pièces au théâtre.

Il est aussi producteur de cinéma et de vin (France, Italie, Maroc, Algérie), propriétaire de chaîne de restaurants et homme-sandwich de la publicité.

Réalisateur d’une dizaine de longs métrages et d’autant de courts, Maurice Pialat est né en 1925. Il est mort il y a huit ans à Paris.

Très attaché à l’image, le grand réalisateur français a échoué dans la peinture après les Beaux-Arts. Il s’est lancé dans le cinéma au début des années cinquante. Et a tourné en 68 son premier long métrage de fiction, L’Enfance nue.

Caractère bien trempé, en marge du système, provocateur, Pialat a produit un cinéma sans concession. Et quelques coups de gueule mémorables, au moment de recevoir la palme d’or pour son film Sous le soleil de Satan notamment.

Epouse de Pialat, Sylvie Pialat a collaboré à plusieurs films de son mari (scénario, adaptation), dont Police et Sous le soleil de Satan. Elle est aujourd’hui productrice.

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